Les Européens résolvent le mystère ancestral du méthane
Les carottes glaciaires jouent un rôle majeur dans la recherche sur le climat. En effet, elles représentent un point de référence historique permettant aux chercheurs de prendre des mesures directes de la composition atmosphérique et des concentrations de gaz à effet de serre du passé. Le projet européen de forage des glaces en Antarctique (EPICA, pour European Project for Ice Coring in Antarctica) a obtenu pour la première fois, à l'aide de ses forages, des informations importantes sur les changements des taux de méthane. L'UE a financé ces travaux à hauteur de 8,5 millions d'euros; les résultats ont récemment été publiés dans la revue Nature. Dans le cadre de ce programme, les chercheurs d'EPICA ont foré et évalué l'importance de la carotte glaciaire située à Dronning Maud Land, dans le secteur Atlantique de l'Antarctique. Leurs analyses ont ensuite été comparées à celles d'une carotte glaciaire située dans le Nord du Groenland. Ces données ont permis à l'équipe d'identifier les processus les plus significatifs responsables des changements remarqués dans les concentrations de méthane naturel au cours de la transition entre le dernier âge de glace et notre ère de réchauffement. D'après les résultats, les émissions de méthane des régions humides étaient moins importantes au cours des périodes de glaciation; or, la fréquence des feux de forêt est restée constante depuis la période glaciaire à celle interglaciaire. Les travaux menés par EPICA offrent un aperçu des changements naturels au niveau des concentrations atmosphériques de CH4 (plus connues comme méthane à effet de serre). Il s'agit du premier registre glaciaire/interglaciaire consacré à la composition isotopique en carbone du méthane. Ce dernier nous fournit des informations indispensables sur les éléments responsables des changements de concentration de CH4. D'après les données récoltées, les concentrations glaciales ont atteint un total d'environ 350 parties par milliard en volume (ppbv, parts per billion by volume) et quelque 700 ppbv au cours de la dernière transition glaciaire/interglaciaire. Au cours des siècles derniers, les émissions de méthane d'origine anthropique ont également entraîné une augmentation des concentrations de CH4 à environ 1750 ppbv. Les chercheurs ont mis au point une méthode analytique permettant de quantifier les changements du rapport isotopique des 12CH4 et 13CH4 dans les échantillons de carottes glaciaires. Ce rapport a donné aux chercheurs un aperçu des sources de méthane responsables des changements. «Ces études nous rapprochent beaucoup plus d'une compréhension quantitative des évènements passés relatifs aux régions humides et aux concentrations en méthane», a expliqué le Dr. Hubertus Fischer de l'institut Alfred-Wegener pour la recherche polaire et marine, auteur principal du communiqué. «Ces résultats nous permettront d'améliorer nos prévisions concernant la réaction potentielle du cycle du méthane face à un réchauffement important à l'avenir», a-t-il souligné. Les températures dans l'Antarctique continental sont beaucoup plus basses que celles rencontrées dans le Groenland, l'île la plus étendue du monde, située entre l'Atlantique Nord et l'océan arctique. L'équipe d'EPICA a dû travailler dans des régions inexplorées, ce qui a requis un travail météorologique et géophysique intense pour la sélection des sites de forage. EPICA a remporté cette année le prix Descartes pour la recherche, qui a récompensé ses travaux de recherche sur les registres climatiques du passé. Grâce à ces recherches, ont pu être mesurées les températures et les concentrations de gaz à effet de serre des 800000 dernières années.