La rétention en cuve appliquée aux centrales nucléaires à haute puissance
Le cauchemar des acteurs du secteur nucléaire du monde entier, c’est le corium. Ce magma créé par l’homme, résultat de la fusion nucléaire qui se produit au cœur d’un réacteur, peut rester radioactif pendant des centaines d’années. Il faut donc, en cas d’accident majeur, éviter à tout prix sa libération dans l’environnement. Prendre le corium en main L’IVR est l’une des quelques solutions existantes qui permettraient d’éviter ce type de scénario désastreux, son principal avantage étant de permettre de contenir le corium dans un espace identifié et limité. Cependant, alors que cette stratégie a été évaluée et mise en œuvre pour des réacteurs de dimension relativement limitée, bien des incertitudes subsistent quant à son application à des réacteurs de puissance plus élevée (autour de 1 000 MWe). «Plus le réacteur est puissant, plus la marge de sécurité liée au risque de défaillance de la cuve est faible», explique le coordinateur du projet, le Dr Florian Fichot de l’IRSN. «Si le risque résiduel dépasse les 10 %, les avantages liés à la mise en place d’une IVR deviennent discutables.» Grâce au financement obtenu dans la cadre du projet IVMR (In-Vessel Melt Retention Severe Accident Management Strategy for Existing and Future NPPs), un consortium de 23 partenaires mené par l’IRSN a analysé la faisabilité technique et l’applicabilité de l’IVR aux réacteurs de puissance élevée en mettant l’accent sur les unités VVER 1 000 de type 230 présentes en Europe et sur les futurs réacteurs de type PWR et BWR. Ils ont eu recours aux outils, aux connaissances et aux codes informatiques les plus perfectionnés pour mettre au point une nouvelle méthodologie d’évaluation de la mise en place des IVR. «Notre méthodologie présente un champ d’application plus large que les précédentes et permet d’inclure des phénomènes qui avaient jusqu’ici été négligés, comme par exemple la possible inversion de stratification entre l’oxyde et le métal dans le bassin contenant le corium. Un autre de ses avantages réside dans le fait qu’il ne s’agisse pas d’une approche purement statistique: elle inclut également des évaluations plus déterministes qui contribuent à éviter les hypothèses incohérentes», souligne le Dr Fichot. Il n’y a pas que la puissance du réacteur qui présente un risque Le consortium a découvert, entre autres, que la puissance du réacteur n’est pas le seul facteur qui détermine le risque résiduel. Les chercheurs ont également montré que plus le ratio entre la masse des structures en acier présentes dans le corium par rapport à la masse de combustible est élevé, plus l’IVR devient une option viable. «C’est pourquoi des réacteurs comme l’AP1000 ou l’HPR1000, qui sont conçus pour les IVR, comportent des structures d’acier de plus grande dimension», explique le Dr Fichot. Une autre des observations importantes réalisées dans le cadre d’IVMR est liée à la quantité d’eau disponible pour retarder le moment de la fusion complète des matériaux présents au cœur du réacteur: si elle peut être retardée de 12 heures, les conditions deviennent plus favorables à l’IVR, notamment dans les réacteurs de puissance élevée. Selon les conclusions du projet, la conception du VVER-1000 inclut ces facteurs favorables, ce qui en fait un bon candidat pour une adaptation et pour la mise en œuvre d’une stratégie IVR. Le Dr Fichot reste néanmoins prudent sur ce point dans la mesure où une évaluation complète des risques (et notamment des risques n’étant pas exclusivement liés au corium) doit encore être réalisée avant de pouvoir tirer des conclusions définitives au sujet du VVER-1000. Le projet a également permis quelques autres avancées technologiques majeures comme, par exemple, l’amélioration de l’efficacité du refroidissement externe, l’étude de l’injection simultanée d’eau directement dans les cuves et le refroidissement de la cuve par aspersion. «Les retours ont été très positifs, en particulier ceux de nos partenaires industriels impliqués dans le projet: EDF, Fortum, Paks et Framatome. Nous avons également constaté l’intérêt que nous portaient certaines organisations internationales, et notamment des organisations chinoises, russes, sud-coréennes, japonaises et ukrainiennes, qui ont officiellement rejoint le projet afin d’en partager les résultats», conclut le Dr Fichot.
Mots‑clés
IVMR, rétention en cuve, énergie nucléaire, réacteur, fusion, évaluation, corium