Vers des propergols solides de fusée plus respectueux de l’environnement?
Il est facile de plaider en faveur de l’utilisation de propergols solides dans la technologie de propulsion spatiale. Ce sont tout simplement les solutions les plus rentables, compétitives et fiables qui existent. Toutefois, ces propergols comportent un élément qui a de plus en plus mauvaise presse: le perchlorate d’ammonium (PA). Outre son impact négatif sur l’environnement (il provoque notamment l’appauvrissement de la couche d’ozone et la formation de pluies acides), le PA a également été lié à l’interférence avec la thyroïde. Jusqu’à 270 tonnes d’acide chlorhydrique concentré se retrouvent dans l’atmosphère à chaque lancement d’Ariane 5. Cela est considéré comme ayant un impact environnemental négligeable à l’échelle mondiale, mais c’est aussi le cas pour toute industrie polluante, et cet argument n’est donc pas un bon exemple d’engagement environnemental responsable. Le fait que du perchlorate d’ammonium ait également été trouvé dans des légumes européens soulève d’ailleurs des questions. Malheureusement, il existe très peu d’alternatives au PA. D’autres oxydants comme le dinitramide d’ammonium (ADN) et le nitrate d’ammonium (NA) oxydant pourraient être plus écologiques, mais ils ne peuvent pas remplacer le PA à eux seuls. «Le perchlorate a beaucoup de bonnes propriétés. Il a une densité élevée, brûle de manière appropriée et est relativement sûr à manipuler. Le dinitramide d’ammonium a des performances très élevées, mais brûle trop vite pour être utilisé dans un gros moteur de fusée, tandis que le nitrate d’ammonium brûle trop lentement et a des performances très médiocres», a déclaré le Dr Niklas Wingborg, coordinateur du projet GRAIL et directeur adjoint de recherche à l’Agence suédoise de recherche pour la défense. L’idée derrière le projet GRAIL était d’utiliser un mélange de dinitramide d’ammonium et de nitrate d’ammonium, en espérant que le bon mélange créerait un oxydant vert avec des propriétés similaires à celles du perchlorate d’ammonium. Malheureusement, les propriétés de combustion du dinitramide d’ammonium et du nitrate d’ammonium combinés se sont révélées très médiocres, mais ce revers n’a pas empêché l’équipe du projet d’emprunter une voie différente dans ses recherches. «Nous avons essayé de résoudre ce problème en utilisant différents additifs, sans succès», se souvient le Dr Wingborg. «Nous avons également constaté que le dinitramide d’ammonium était plus sensible aux explosifs que nous ne le pensions. Nous n’avons donc pas été en mesure d’en utiliser autant que nous l’espérions dans le propergol. En conséquence, nous avons décidé de développer un propergol plus respectueux de l’environnement à défaut d’un propergol entièrement écologique. Nous avons mélangé du dinitramide d’ammonium et du perchlorate d’ammonium pour obtenir un propergol plus performant et 25 % plus vert que les propergols actuels à base de PA.» Cela signifie-t-il que le développement d’un propergol solide véritablement vert est impossible? Pour l’instant, il semblerait que oui. Comme le souligne le Dr Wingborg, le développement d’un propergol complètement vert nécessiterait la maîtrise des propriétés de combustion du dinitramide d’ammonium et du nitrate d’ammonium, ce qui nécessiterait des recherches plus poussées. Dans un avenir proche, il semble qu’une propulsion spatiale respectueuse de l’environnement ne puisse être obtenue qu’à l’aide de propergols liquides. Cependant, certains combustibles liquides sont terriblement toxiques, comme l’hydrazine et ses dérivés. Le Dr Wingborg souhaiterait donc y consacrer un nouveau projet pour rendre ces combustibles liquides moins toxiques. En attendant, le propergol solide plus vert de GRAIL pourrait intéresser le secteur de la défense, où il pourrait être utile pour la future technologie de propulsion des missiles. «Si nous avions réussi, notre recommandation pour le développement de futurs lanceurs aurait été d’opter pour le nouveau propergol solide respectueux de l’environnement. Cependant, nous ne sommes pas parvenus à faire d’un tel propergol une réalité lors du projet GRAIL. Pour le moment, je recommande donc de continuer à utiliser des propergols solides pour les lanceurs civils qui les utilisent déjà. Si la santé, les préoccupations environnementales ou l’opinion publique rendent un jour le perchlorate inacceptable, alors je recommanderais d’opter pour les propergols liquides», conclut le Dr Wingborg.
Mots‑clés
GRAIL, propergol de fusée, dinitramide d’ammonium, nitrate d’ammonium, perchlorate, lanceur