De nouveaux biocapteurs d’antibiotiques
Les risques pour la santé et la sécurité imposés par la présence d’antibiotiques dans la nourriture, l’eau potable et les eaux des cours d’eau soulignent la nécessité de mettre en place un suivi continu. Selon les règlements de l’UE, les fabricants d’aliments doivent analyser leurs produits pour chercher des traces d’antibiotiques. Actuellement, l’examen de la pollution aquatique par des produits chimiques, dont les antibiotiques, s’effectue en suivant des techniques de chromatographie liquide associées à une analyse par spectrométrie de masse. Cependant, la détection d’antibiotiques nécessite des capteurs plus avancés qui pourraient rapporter de manière précise, rapide et bon marché la présence d’antibiotiques dans les différents environnements. Des scientifiques du projet DrugSense, financé par l’UE, ont proposé de développer des capteurs innovants qui s’appuient sur les molécules d’ARN utilisées par les bactéries pour activer et désactiver les gènes de résistance aux antibiotiques. Les aptamères ARN sont de plus en plus utilisés dans le développement de biocapteurs pour lier l’analyte d’intérêt ayant une excellente sensibilité, similaire à l’affinité affichée par les anticorps. D’autres approches pour la détection d’antibactériens comprennent l’immobilisation des enzymes qui décomposent des antibiotiques précis comme la pénicilline, provoquant une modification du pH de l’échantillon cible, et des nanoparticules d’or fonctionnalisées. Exploiter les mécanismes antibactériens «Le concept de DrugSense s’appuie sur les mécanismes bien établis développés dans les bactéries pour surmonter la pression imposée par l’antibiotique», explique le coordinateur du projet, le professeur Rotem Sorek. Ces mécanismes comprennent la dégradation enzymatique des molécules d’antibiotiques, l’efflux des cellules via des pompes spécifiques ou la protection des cibles des antibiotiques grâce à des modifications chimiques appropriées. Toutefois, la résistance aux antibiotiques s’accompagne souvent d’un coût pour la valeur adaptative de la bactérie. Par conséquent, les bactéries recourent à des mécanismes de régulation qui leur permettent de capter la présence d’antibiotiques et d’activer de manière sélective l’expression des gènes de résistance pertinents uniquement durant l’exposition à l’antibiotique. Il apparaît de plus en plus que pour réguler les gènes, les bactéries emploient non seulement des facteurs de transcription classiques, mais aussi des ARN non-codants (ARNnc) cis-régulateurs comme capteurs d’antibiotiques. L’équipe de DrugSense, par le biais d’études consacrées au génome, avait déjà identifié des molécules d’ARN – appelées riborégulateurs – qui répondent à la présence d’antibiotiques en paralysant les ribosomes et en contrôlant ainsi l’expression des gènes de résistance aux antibiotiques. Ce mécanisme semble être fonctionnel chez les bactéries pathogènes et commensales. Des biocapteurs innovants basés sur les molécules d’ARN bactérien «Ces riborégulateurs peuvent donc fonctionner comme des capteurs d’antibiotiques efficaces», souligne le professeur Rotem Sorek, et «nous les utiliserons pour développer un prototype de biocapteur très sensible, capable de détecter rapidement et de manière rentable des traces de différents antibiotiques présents dans la nourriture, l’eau et d’autres substances.» Au cours du projet DrugSense, les scientifiques ont recouru à leurs précédentes découvertes pour concevoir au moyen de techniques biologiques le capteur d’antibiotiques. En même temps, ils ont réalisé une étude de marché approfondie afin d’identifier les besoins, cartographier la concurrence et situer les segments de marché où le biocapteur offrirait certains avantages sur les produits existants. En ce qui concerne l’avenir, le professeur Sorek espère «parvenir à un prototype de validation de principe protégé par la propriété intellectuelle qui attirera d’autres investissements extérieurs et contribuera à introduire notre technologie sur le marché».
Mots‑clés
DrugSense, antibiotique, bactéries, résistance, biocapteur, ARN