Une alimentation plus saine grâce aux nanotechnologies et la médecine ayurvédique
En Europe, l'Ayurveda est considérée comme une pseudoscience. Mais, même si les preuves manquent pour appuyer scientifiquement ses propriétés, certains ingrédients au cœur du régime ayurvédique, ont attiré l'attention des scientifiques pour leurs supposées vertus. Selon le Prof. Ian Norton, ingénieur chimiste à l'Université de Birmingham, certains de ces ingrédients - qu'il appelle d’ailleurs composés bioactifs ayurvédiques (CBA) - méritent une investigation scientifique rigoureuse pour vérifier s’ils sont susceptibles de résoudre certains problèmes chroniques de santé comme par exemple l’obésité. Ce qui soulève une question essentielle: Si ces composés possèdent un tel potentiel, pourquoi ont-ils pas été incorporés dans notre alimentation? Prof. Norton pense qu'il y a trois raisons principales à cet état de fait. La première raison repose sur l'absence de recherches et d'études suffisantes concernant l’innocuité de ces composés, études qui permettraient d’adapter les ingrédients ayurvédiques aux aliments européens qui sont de fait très différents de ceux utilisés dans la cuisine asiatique, et sur la difficulté d'obtention des autorisations nécessaires par les autorités compétentes. Le second problème vient de la modification des propriétés organoleptiques des aliments par l’adjonction des composés ayurvédiques. Pour dire les choses simplement, la nourriture améliorée par les ingrédients ayurvédiques deviendra plus épicée et plus aigre, des saveurs que la plupart des consommateurs européens ne savent pas bien appréhender. Enfin, il faut considérer la façon dont nous fabriquons la nourriture, ici en Europe. «Contrairement aux pays asiatiques où les gens cuisinent tous les jours, les consommateurs européens et ceux des autres pays occidentaux utilisent plus de produits alimentaires transformés de manière industrielle qui présentent une durée de conservation plus longue. Ce temps de conservation prolongé signifie que la probabilité de perdre les propriétés et donc les bénéfices des composés ayurvédiques est plus importante». Ce point est particulièrement problématique, car ces composés sont connus pour leur instabilité. Ils sont en effet, sensibles à la lumière, à la température, au pH ou à la teneur en oxygène du milieu, ce qui signifie que leur ajout à des aliments industriels demanderait une technologie innovante de distribution. Selon le Prof. Norton et son équipe, la nanotechnologie pourrait juste représenter le bon candidat, car elle permettrait d’augmenter la stabilité, la biodisponibilité et l'acceptabilité des composés Ayurveda. «Les nanoparticules peuvent être utilisées pour encapsuler ces composés bioactifs sensibles à l'intérieur de nano-compartiments et ainsi les protéger de la dégradation due à l'exposition à la chaleur, la lumière, l'oxygène, etc. De même, dans le tractus gastro-intestinal, ces nanoparticules peuvent être exploitées pour accroître la biodisponibilité des composés ayurvédiques en augmentant leur vitesse de dissolution dans les fluides biologiques, leur absorption cellulaire ou leur stabilité. Le piégeage des nanoparticules peut être par ailleurs utilisé pour masquer le changement non désiré des propriétés organoleptiques des produits alimentaires.» Cette «technologie à base de nanocristaux» est au cœur du projet NSEF (pour, Nano Structured Emulsion Foods). Grâce au financement de l'Union européenne, l'équipe a voulu fabriquer des nanocristaux CBA et les utiliser comme particules de Pickering comestibles et contrôler la fonctionnalité des émulsions. «En général, les nanoparticules (qu’elles soient amorphes ou cristallines) sont fabriquées en utilisant une approche ascendante, une approche descendante ou en associant ces deux stratégies. Dans notre étude, nous avons utilisé une approche ascendante pour fabriquer des nanocristaux de curcumine» nous explique le Prof. Norton. Bien que ces nanocristaux doivent encore être incorporés dans de vrais produits alimentaires, les résultats préliminaires se sont révélés satisfaisants et l'équipe espère maintenant aller de l'avant, stimulée par l'intérêt de divers acteurs de l'industrie agroalimentaire. «Nous sommes actuellement à la recherche d’un financement qui nous permettra d’explorer plus avant la faisabilité d'utilisation de la médecine ayurvédique au profit des citoyens européens et entamer une collaboration industrielle afin de poursuivre nos recherches au-delà du seul domaine universitaire», conclut ainsi le professeur Norton.
Mots‑clés
NSEF, nanotechnologie, Ayurveda, composés, aliments, émulsion, curcumine, nanoparticules, nanocristaux