Une meilleure méthodologie statistique pour les essais sur de petites populations
De 2000 à 2010, uniquement en Europe, plus de 60 médicaments orphelins ont été approuvés, dont la majorité se sont basés sur des études impliquant des échantillons de taille inférieure à 50. Dans les essais cliniques pédiatriques, les contraintes éthiques et la variabilité des âges limitent également la taille des échantillons. C'est également le cas des études sur la médecine personnalisée où les efforts consacrés à l'adaptation des thérapies aux besoins individuels des patients nécessitent une réduction importante du nombre de participants. La méthodologie statistique est bien acceptée pour valider les résultats des essais cliniques et prouver l'efficacité et l'innocuité des nouvelles thérapies. Mais la plupart des méthodes statistiques sont adaptées aux études sur des populations nombreuses, pour lesquelles les hypothèses sur la validité des méthodes sont généralement vérifiées en augmentant la taille de l'échantillon. Cela n'est pas possible avec les essais sur de petites populations, car la rareté de la maladie ou la faible répartition géographique des patients rend difficile le recrutement de patients pour les essais cliniques. D'un autre côté, un allongement du délai de recrutement risquerait de démotiver les patients et les médecins. De ce fait, l'utilisation de la méthodologie statistique classique sous-estime souvent les effets d'un traitement, car elle ne permet que d'en observer que les effets les plus importants. Enfin, l'utilisation des procédures d'essai clinique traditionnelles pour de petites populations subit de plus en plus de contrôles et de critiques. Il est donc urgent de définir des méthodologies innovantes adaptées aux essais sur des petits échantillons de population. Dans cette optique, les scientifiques du projet IDeAl, financé par l'UE, ont proposé d'affiner la méthodologie statistique pour l'utiliser dans le cadre d'essais sur de petits groupes, comme ceux destinés à tester de nouvelles thérapies pour les maladies rares. Surmonter les lacunes des méthodes existantes Selon les directives de l'Agence européenne des médicaments, les essais cliniques devraient être conçus en fonction d'une évaluation bénéfice-risque et évités si les résultats peuvent être transférés à partir d'études similaires sur des populations importantes. «Lorsque les informations sur la relation entre la dose et la réponse sont connues pour des populations importantes, comme les adultes, l'extrapolation permettrait d'effectuer des essais cliniques de plus petite taille dans la population infantile», explique le professeur Hilgers, coordinateur du projet. Lorsqu'elle est appliquée à des essais portant sur de petites populations, la méthodologie statistique classique entraîne une baisse de confiance. D'autre part, elle ne peut traiter de façon adéquate l'hétérogénéité des résultats pour les patients, pas plus que la répétabilité limitée des essais cliniques. Pour contourner ces problèmes, les chercheur d'IDeAl ont mis au point des méthodes statistiques pour adapter le seuil de signification et permettre des prises de décision confirmatives dans le cadre d'essais cliniques sur de petites populations. Ils ont d'autre part mis au point une méthodologie pour sélectionner la meilleure procédure de randomisation, une technique essentielle utilisée dans les essais cliniques pour éviter les biais. Les autres réalisations comprenaient des approches de modélisation pour l'analyse des résultats des essais, des méthodes prenant en compte les réponses individuelles ainsi que l'identification de biomarqueurs et de scores pronostiques dans les études sur de petits échantillons. Des avantages sur le plan clinique Du fait du nombre limité de patients pouvant participer à des essais sur les maladies rares, il est nécessaire de mettre au point des approches alternatives pour tirer plus d'informations des patients ou effectuer sur eux des mesures répétées. «L'efficacité des essais cliniques sur des petites populations pourrait être améliorée, afin de pouvoir homologuer les thérapies pour les maladies rares», poursuit le Pr Hilgers. Il ne fait aucun doute que des progrès méthodologiques faciliteront la conception et l'analyse des essais cliniques, ce qui débouchera sur des études plus rentables et fiables. «Il est important de noter que les outils, les logiciels et les 33 recommandations produites au cours du projet IDeAl soutiendront la recherche clinique sur les maladies rares et ouvriront la voie à des progrès médicaux et pharmaceutiques», prévoit le Pr Hilgers. Sans surprise, le projet a suscité dans le monde entier l'intérêt des défenseurs des patients et des associations se consacrant aux maladies rares, ainsi que celles des organismes de réglementation, qui ont actuellement plus de 1 000 nouvelles thérapies en attente d'approbation.
Mots‑clés
Méthodologie statistique, essai clinique, maladie rare, médicament orphelin, IDeAl, niveau de preuve, randomisation, extrapolation, conception adaptative, pharmacogénétique, conception optimale, simulation, marqueur génétique, théorie de la décision, biomarqueur