Un nouveau système de diagnostic ex vivo contribue à prévoir la réaction d'un patient à un traitement du cancer
Le système de Cellply a été conçu dans le cadre du projet ONCOSMART (ONCOlogic patient profiling and personalised treatment through SMART bedside diagnostics), financé par l'UE, et résout un problème en suspens depuis longtemps. Environ 30 à 40 % des patients atteints de cancer présentent des mutations qui leur sont spécifiques, et qui pourraient être la cible d'une immunothérapie et d'un traitement ciblés. Les informations sur ces mutations sont très utiles: par exemple, les médecins savent que la mutation KRAS peut être ciblée par des anticorps anti-EGFR, en revanche elle n'est pas un bon biomarqueur pour prévoir la réaction de la tumeur au traitement. De même, l'efficacité d'une immunothérapie anti-PD1 n'est que peu corrélée avec l'expression de PD1. En conséquence, les profils de mutations sont rarement utiles comme biomarqueurs de prévision du résultat d'un traitement. «Des méthodes plus complexes sont à l'étude, comme le séquençage de nouvelle génération. Ceci démontre qu'il faut associer de nombreuses informations pour obtenir des biomarqueurs donnant de meilleures prévisions, mais le résultat d'une telle approche n'est pas encore satisfaisant dans de nombreux cas cliniques. D'autre part, la chimiothérapie est toujours largement utilisée, tant chez les patients réfractaires ou en rechute que chez les autres (60 à 70 %). Mais dans ces cas, la stratification des patients s'appuie principalement sur l'évaluation du risque ou des facteurs de pronostic, et l'environnement clinique manque d'autres méthodes pour orienter le choix du traitement», explique Massimo Bocchi, PDG de Cellply. Il estime que la solution réside dans l'analyse ex vivo ou in vitro de la réaction au médicament, afin d'extraire une nouvelle catégorie d'informations, basée davantage sur le phénotype que sur le génotype. Celle-ci est applicable aux chimiothérapies comme aux médicaments de nouvelle génération, et permet d'étudier les effets du dosage ou d'associations de médicaments sur le résultat clinique. Une telle approche a déjà été testée, avec un succès limité, mais de récents progrès en biologie permettent de concevoir des méthodes de test efficaces, qui sont parfois meilleures que les approches moléculaires. En associant les deux, M. Bocchi estime que son entreprise pourrait disposer d'une approche très efficace. Un dispositif sur puce révolutionnaire «Cellply travaille au premier système de diagnostic totalement automatisé, afin d'évaluer la réaction à des anticancéreux de prélèvements cliniques récents de la tumeur, dans un contexte clinique», déclare Andrea Faenza, directeur technique de Cellply. Le système permet de tester les médicaments dans le contexte clinique, quelques heures à peine après le prélèvement, réduisant la dérive du fonctionnement des cellules qui augmente généralement avec le délai après le prélèvement. Le résultat est obtenu dans les 24 à 48 heures. «En intégrant toute une procédure de laboratoire sur une puce, une biopsie suffit pour tester 3 à 4 médicaments ou associations en parallèle, avec des dosages différents. En outre, l'automatisation de ce laboratoire sur puce standardise les procédures de préparation et d'analyse du prélèvement, surmontant les limitations des autres systèmes de test sur puce de médicaments, qui sont difficiles à comparer entre eux. Notre système pourrait ainsi devenir une référence en matière de procédure de diagnostic», ajoute M. Faenza. Grâce à un financement via l'Instrument PME, l'entreprise a pu tester l'impact de cette approche sur le système de santé et l'industrie pharmaceutique. L'équipe a discuté avec des hémato-oncologistes, des techniciens de laboratoire, des acteurs de l'industrie pharmaceutique et des entrepreneurs expérimentés, identifiant leurs besoins. Cellply a pu alors ajuster son modèle commercial et sa stratégie de commercialisation, en tenant compte de l'usage de son système pour une médecine personnalisée ainsi que pour soutenir les entreprises pharmaceutiques dans la mise au point de nouveaux anticancéreux. «Nous avons constaté que les cliniciens, surtout lorsqu'ils utilisent une chimiothérapie, ont besoin de nouveaux tests personnalisés pour déterminer quelles thérapies ont le plus de chances d'être efficaces pour un patient donné», explique Laura Rocchi, directrice biologique chez Cellply. «De leur côté, les entreprises pharmaceutiques estiment que cette méthode pourrait être utile pour concevoir de meilleurs essais cliniques, par exemple en éliminant d'une étude les patients qui ne réagissent pas, ou en stratifiant les patients en fonction des informations attendues sur le dosage.» Plusieurs de ces entreprises semblent aussi intéressées par une indication de l'efficacité du médicament sur des prélèvements humains, vers la fin de l'étape préclinique, avant de passer aux premiers tests sur des patients. Enfin, le système pourrait identifier des biomarqueurs en analysant la corrélation entre la réaction ex vivo et l'état des mutations. Que va donc faire Cellply ensuite? «Un prototype a été réalisé et testé sur 10 patients atteints de leucémie myéloïde aiguë. Il a prévu correctement leur réaction dans 90 % des cas. L'étape suivante sera d'industrialiser le système et de le valider cliniquement sur un premier grand ensemble de patients en 2018-2019, afin d'obtenir les approbations réglementaires en Europe et aux États-Unis. En parallèle, nous continuerons à travailler avec des entreprises pharmaceutiques pour les aider dans la mise au point de médicaments», conclut M. Bocchi.
Mots‑clés
Cellply, ONCOSMART, cancer, diagnostic ex vivo, biomarqueurs, prévision, réaction de la tumeur