Une boîte à outils à base d'ARN pour faire progresser l'informatique cellulaire
Le parallèle entre les cellules et les ordinateurs est bien connu. Les cellules disposent de leurs propres algorithmes, et le domaine de l'informatique cellulaire est consacré au «piratage» de ces algorithmes à des fins diverses, notamment dans le domaine de la biologie. Avec le projet RIBONETS (Programming cellular networks and community behaviour with synthetic RNA-based devices), le professeur Ilka Axmann a décidé d'utiliser l'ARN pour réaliser ces piratages. «L'ARN présente trois avantages majeurs», souligne-t-elle. «Tout d'abord, le renouvellement de l'ARN est rapide, ce qui permet de réaliser des calculs efficaces avec des réseaux d'ARN. Ensuite, le repliement de l'ARN et les interactions ARN-ARN peuvent être bien prévus par l'informatique, ce qui signifie que l'on peut concevoir une large gamme de nouveaux appareils. Enfin, la production d'ARN est peu coûteuse sur le plan énergétique, car la cellule hôte n'est pas affectée par l'informatique.» Dans cet esprit, RIBONETS a développé une nouvelle boîte à outils à base d'ARN pour l'informatique cellulaire, une condition préalable à la conception de nouveaux systèmes à base d'ARN destinés à la biologie synthétique et aux sciences de la vie. «L'utilisation de la boîte à outils RIBONETS permet de créer des capteurs et des dispositifs à base d'ARN avec une régulation efficace des voies métaboliques et de signalisation produites par génie génétique», explique le professeur Axmann. La boîte à outils de RIBONET est constituée de commutateurs à ARN entièrement synthétiques agissant négativement sur l'expression d'un gène cible. Les chercheurs ont développé un outil souple pour la conception de séquences d'acide nucléique, appelé RNAblueprint. Il se caractérise par une interface conviviale, est open source et peut être trouvé sur GitHub. Même si le projet s'est achevé sans viser une application spécifique, le professeur Axmann souligne son formidable potentiel: «À l'avenir, les diagnostics et les biothérapies basés sur l'ARN amélioreront la condition humaine non seulement au moyen d'applications technologiques mais également grâce à de nouvelles approches thérapeutiques. Les ARN synthétiques et les aptamères d'ARN, probablement associés à des protéines d'assistance telles que CRISPRCas9, présentent un potentiel considérable pour cibler des gènes liés à la maladie qui avaient été jusqu'alors considérés comme impossibles à traiter. De récentes avancées en chimie permettront d'administrer directement l'ARN synthétique dans les cellules, ce qui développera son potentiel pour de futures thérapies à base d'acide nucléique.» En ce qui concerne les capteurs biomoléculaires à ARN, le professeur Axmann pense que des plates-formes pourraient être fournies pour utiliser des commutateurs à ARN, ce qui permettra la détection d'agents pathogènes. Ces systèmes seraient similaires au biocapteur du virus Zika décrit dans l'article de Pardee et Green intitulé 'Rapid, Low-Cost Detection of Zika Virus Using Programmable Biomolecular Components'. En combinant l'amplification isotherme de l'ARN et des capteurs ARN à commutateur, l'équipe a pu détecter des séquences du virus Zika dans le plasma d'un macaque virémique et démontrer leur spécificité par rapport à des séquences du virus de la Dengue, qui lui est étroitement apparenté. Il reste cependant à déterminer le moment où ces applications seront disponibles. «Il est difficile de faire des prévisions à partir de l'état actuel de la situation. Nous devons encore améliorer les effets régulateurs de nos régulateurs ARN à action négative. Grâce à RIBONET, tous les éléments nécessaires ont été mis en place et un criblage direct à haut débit est maintenant à portée de main», estime le professeur Ilka Axmann. Les commutateurs et biocapteurs à ARN synthétique conçus et mis en œuvre par RIBONETS pourraient être disponibles dans quatre à cinq ans. En plus de sa boîte à outils, l'apport de RIBONET découle également de la formation d'une nouvelle génération de scientifiques spécialistes de l'ARN, ainsi que des passerelles qu'il a mises en place entre la bioinformatique à ARN et les biologistes travaillant sur l'ARN en laboratoire humide. «Les ateliers et colloques que nous organisons animent le milieu de la recherche sur l'ARN et le rendent plus interactif», s'enthousiasme le professeur Axmann. Maintenant que le projet est achevé, l'équipe attend déjà avec impatience de poursuivre ses travaux sur l'ARN, et plus particulièrement de renforcer et exploiter la boîte à outils ARN de RIBONET.
Mots‑clés
RIBONETS, ARN, bioinformatique, cellule, algorithme, biotechnologie blanche, médecine, capteurs, boîte à outils, RNAblueprint