Le traitement longtemps recherché pour la chorée de Huntington
Pour les personnes suivant de près les recherches liées à la chorée de Huntington, le terme «doigts de zinc» est probablement familier. En 2012, un groupe de chercheurs d'Espagne a retenu l'attention des parties prenantes lorsqu'il a publiquement annoncé l'utilisation réussie de doigts de zinc synthétiques (des protéines de zinc connues pour leur rôle permettant aux cellules de contrôler les taux d'activité de différents gènes dans notre ADN) pour lutter contre la chorée de Huntington. Les doigts de zinc ont été testés dans des cellules génétiquement fabriquées, des cellules de patients atteints de la chorée de Huntington et des cellules cérébrales de souris atteintes de la maladie. Dans ce dernier groupe, ils ont pu réduire l'activité de la forme mutante du gène huntington de 50 % sans aucun indice d'effets nuisibles. Et contrairement à l'inhibition standard de l'expression des gènes, cette solution vise directement l'ADN plutôt que la molécule du message de l'ARN. Le projet FINGERS4CURE (Zinc finger gene therapy in the brain for treating Huntington's disease) a pris le relais des efforts de recherche, en tentant de prolonger suffisamment l'expression des doigts de zinc afin de soutenir une thérapie à intervention unique, à long terme chez les hommes. Le Dr Mark Isalan, Lecteur au Gene Network Engineering de l'Imperial College London et coordinateur de FINGERS4CURE, s'exprime sur les résultats du projet quelques semaines avant son achèvement. Comment expliquez-vous l'absence actuelle de traitement pour les patients atteints de la chorée de Huntington? Notons que de nombreux traitements sont en cours de développement, mais les essais cliniques et les tests de sécurité prennent malheureusement beaucoup de temps. Certains essais cliniques prometteurs en sont à leurs balbutiements. La chorée de Huntington est une maladie distincte qui présente des avantages mais aussi des difficultés en matière de développement de traitements. Comparé aux autres maladies neurodégénératives, son avantage principal est qu'il s'agit d'une maladie à gène unique; les premières études menées sur des souris ont clairement montré que la maladie peut être freinée et inversée rien qu'en réduisant l'expression du gène huntington mutant qui cause l'agrégation de protéine toxique dans le cerveau. Les difficultés sont que la huntingtine est exprimée dans de nombreux types de cellules et qu'elle doit être supprimée pour la durée de vie du patient. Un autre élément à prendre en compte est que les patients présentent une seconde copie du gène non mutant et que les traitements devraient idéalement laisser ce gène tranquille. Les mécanismes exacts à travers lesquels le gène huntington mutant provoque la maladie ne sont pas complètement compris. Cela signifie qu'un traitement idéal éradiquerait le problème à sa source, en empêchant le mauvais gène d'être exprimé dans les cellules. Quelle sorte de solution proposez-vous dans le cadre de ce projet? Ces dix dernières années, nous avons mis en place un commutateur de coupure génétique, appelé doigt de zinc qui cible spécifiquement le mauvais gène huntington mutant. Le doigt de zinc s'accroche à l'ADN et désactive l'expression génique. En 2012, nous avons été les premiers à montrer qu'il était possible de livrer efficacement des doigts de zinc à des souris et de désactiver spécifiquement le mauvais gène. Ce qui est intéressant,c'est qu'une injection a suffi à mettre un terme aux symptômes neurologiques dans les souris atteintes de la chorée de Huntington pour quelques semaines. Le problème, à ce stade, était que l'effet des doigts de zinc n'a pas duré très longtemps. Le nouveau projet FINGERS4CURE visait à surmonter ce problème. Vous avez testé cette nouvelle thérapie génique sur les souris. Êtes-vous satisfaits des résultats? Nous sommes très contents de nos derniers résultats: nous avons utilisé le projet FINGERS4CURE pour optimiser la conception spécifique de notre doigt de zinc dans le but de le rendre invisible du système immunitaire hôte, et pour augmenter de façon notable la durée de son expression. Nous nous préparons à soumettre un nouveau document sur ces travaux, dans lequel nous expliquerons comment nous pouvons obtenir une répression spécifique du gène huntington mutant pendant au moins 6 mois après une injection unique. À titre de comparaison, d'autres stratégies thérapeutiques, comme les oligonucléotides antisens ou les ARNsi, agissent un niveau au-dessus de l'ADN (au niveau de l'ARN) et nécessitent de plus fréquentes infusions. Notre répression à long terme, qui agit à la source de l'expression, représente un grand pas en avant et a nécessité un important travail empirique. Quand comptez-vous tester cette thérapie sur les hommes? Sur la base des nouveaux assemblages réalisés, nous nous rapprochons de cette étape. Nous estimons que le gène que nous avons conçu est adapté à une évolution vers des études précliniques plus vastes, afin de comprendre des facteurs comme la sécurité, la toxicologie, le dosage idéal et sa fréquence afin d'atteindre le niveau et la durée de la répression souhaités. Cela devrait nous permettre de concevoir et d'entamer une étude clinique sur les patients. Actuellement, notre obstacle principal est de réunir le financement nécessaire à ces études approfondies, et d'obtenir le soutien d'un partenaire industriel capable de guider la traduction, le développement de produits et les essais cliniques avancés. À ce propos, où en êtes-vous dans vos efforts pour trouver ce partenaire industriel? Il s'agit d'un travail de longue haleine que j'ai entamé au Centre for Genomic Regulation (CRG), à Barcelone, et poursuivi dans mon laboratoire actuel à l'Imperial College London. Les bureaux de transfert technologique des deux institutions (TBDO pour le CRG et Imperial Innovations pour Imperial College) collaborent pour contacter des partenaires potentiels maintenant que nous avons obtenu ces nouveaux résultats. Étant donné les effets à long terme obtenus in vivo, nous pensons être en mesure d'offrir quelque chose d'unique en matière de thérapie. Quand pensez-vous que les patients pourront commencer à bénéficier des résultats du projet? Le plus tôt sera le mieux. Je suis parfaitement conscient de la souffrance inimaginable que subissent actuellement les patients et leurs familles. Le rythme du processus de développement formel est souvent désespérément lent, mais il est inévitable pour garantir la sécurité et l'efficacité. Je ne peux que promettre que nous ferons de notre mieux pour faire avancer les choses le plus rapidement possible. FINGERS4CURE Financé par ERC-POC page du projet CORDIS
Pays
Royaume-Uni