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Un simulateur de fonctionnement du foie surpasse les solutions basées sur l'expérimentation animale

Le projet HEMIBIO a développé un bioréacteur microfludique hépatique reproduisant la structure d'un foie humain. L'équipe du projet est convaincue que le nouveau dispositif contribuera à la longue à éliminer le besoin de tester les produits chimiques sur des sujets animaux.

Le foie joue un rôle essentiel dans la transformation et l'élimination des produits chimiques que nous absorbons chaque jour, ce qui en fait l'un des principaux organes visés en matière de tests de toxicité. Mais les scientifiques sont toujours à la recherche de la méthode d'expérimentation parfaite: cette dernière implique souvent des animaux et ne reflète donc pas avec précision et 100 % de fiabilité l'impact réel des produits chimiques testés sur un foie humain. Pour surmonter ce problème, le consortium HEMIBIO s'est employé à développer un dispositif capable de simuler la structure complexe du foie humain, afin qu'il puisse ainsi servir aux tests de toxicité précliniques dans le cadre de l'initiative SEURAT-1. À quelques mois de la fin du projet, l'équipe a réussi à concevoir un simulateur de foie sur puce (liver-on-chip) capable de maintenir des organoïdes de foie métaboliquement actifs in vitro pendant plus d'un mois, avec 99 % de précision dans les mesures de concentrations toxiques. Le professeur Catherine Verfaillie, coordinatrice du projet et directrice du laboratoire de recherche sur les cellules souches à l'Université catholique de Louvain (UCL), expose quelques-uns des principaux résultats du projet ainsi que les plans futurs du consortium. Comment le projet HEMIBIO a-t-il vu le jour? HEMIBIO est issu de collaborations précédentes entre plusieurs partenaires du projet (les docteurs Verfaillie, Luttun, van Grunsven, Rogiers, Sancho-Bru, Collas, Nahmias et Van Fleteren) dont l'intention était de créer un modèle de foie humain in vitro destiné à l'étude de la toxicité et de l'hépatite virale, ainsi qu'aux études relatives à la création d'un assemblage de cellules parenchymateuses et non parenchymateuses du foie à l'aide de petits bioréacteurs microfludiques. En raison de notre intérêt commun en matière de génie tissulaire du foie, d'un point de vue purement scientifique, HEMIBIO nous a semblé être l'occasion idéale d'élargir notre collaboration en Europe et d'avoir une réelle influence sur le développement de solutions alternatives aux tests de toxicité in vivo. Nous avons recruté d'excellents partenaires ayant une expertise en biologie du foie, toxicologie, génie génomique, technologie de détection et micro-fabrication et avons présenté une proposition d'une valeur bien supérieure à la somme de ses différentes composantes. Pourquoi estimez-vous nécessaire de remplacer l'expérimentation animale? Lorsque nous avons déposé notre proposition de projet HEMIBIO, plusieurs projets avaient déjà été financés par la CE en vue de diminuer l'utilisation des animaux dans les tests de toxicité. Néanmoins, l'évaluation des effets toxiques d'une exposition chronique non seulement aux médicaments et produits chimiques, mais aussi aux cosmétiques, nécessite toujours l'utilisation fréquente d'animaux de laboratoire. Par ailleurs, mis à part les considérations éthiques, il est également nécessaire d'utiliser des cellules humaines appropriées dans les tests de toxicité en raison de la faible concordance bien souvent constatée entre la toxicité chez les modèles animaux et les effets réels chez l'homme. Quel a été votre principal objectif? Nous estimions que pour recréer un dispositif de simulation du foie adapté à des tests de toxicité sur le long terme, il fallait que les composants cellulaires du foie soient viables pendant de longues périodes de temps (plus d'un mois) et présentent une fonction métabolique et de transport ainsi qu'une physiologie comparables à celles d'un foie in vivo. Pour y parvenir, nous devions considérer l'écoulement dans le dispositif, la zonation des hépatocytes (et de certaines cellules non parenchymateuses du foie) et l'impact des cellules non parenchymateuses sur la fonction et la toxicité en amont de la composante parenchymateuse, en particulier si l'un des critères d'effet toxicologique, la fibrose du foie ou cirrhose, était concerné. Une fibrose du foie ou cirrhose est provoquée par une interaction entre une toxicité hépatique et l'activation de cellules stellaires hépatiques ayant entraîné un dépôt de collagène, ainsi que des changements dans les cellules endothéliales sinusoïdales, qui perdent leur membrane d'enveloppe. Ces changements ne peuvent être étudiés qu'à l'intérieur d'un dispositif où les différents composants cellulaires sont présents. Selon vous, quelles sont jusqu'ici les principales réalisations du projet? HEMBIO a mené à cinq avancées majeures. Premièrement, nous avons conçu un dispositif de foie sur puce (liver-on-chip) capable de maintenir métaboliquement actifs des organoïdes du foie pendant plus d'un mois in vitro sous des gradients d'oxygène reproduisant le micro-environnement natif. Ceci a démontré les avantages spécifiques de la technologie d'organe humain sur puce par rapport aux méthodes actuelles reposant sur l'exposition quotidienne au médicament et des douzaines de tests de mesure dont les informations de cinétique et la valeur pronostique sont limitées. La deuxième réalisation concerne la création d'une bibliothèque variée de cultures primaires polarisées, métaboliquement fonctionnelles et en prolifération d'hépatocytes humains, qui constitue la règle d'or des études de toxicité pharmacologique. Nous avons notamment montré que les cellules pouvaient prévoir de façon exacte le profil TC50 [concentration cellulaire toxique à 50 %, ed.] de 12 composés avec une précision inégalée de 99 % (comparé aux 60 % de précision des cellules HepG2/C3A). Nous avons généré cinq génotypes différents à partir de patients de diverses origines ethniques, permettant ainsi d'étudier pour la première fois la variabilité inter-patient et les évènements de toxicité idiosyncrasique dans un large éventail de population. La troisième réalisation concerne la création d'un modèle in vitro unique à l'aide de cocultures d'hépotocytes et de cellules stellaires pour étudier la toxicité des doses répétées qui finissent par provoquer une fibrose du foie. Le quatrième succès est le développement de cellules souches pluripotentes issues du génie génétique - lignées cellulaires maîtres CSPh - convenant à l'échange de cassette induit par la recombinase FLPe (RMCE) dans le locus AAVS1, qui permettent la génération de lignées transgéniques en 3 à 4 semaines avec 100 % d'efficacité et sans intégrations aléatoires. En utilisant l'échange RMCE, nous avons réussi à incorporer plusieurs transgènes utiles à l'identification des lignées, aux études de toxicité cellulaire et de surexpression des gènes. Enfin, HEMIBIO a fourni une nouvelle définition du phénotype transcriptionnel, micro-ARN et épigénomique des cellules stellaires hépatiques humaines au repos et activées; ainsi que de nouveaux systèmes de cultures pour maintenir les cellules stellaires humaines au repos in vitro. Quand pensez-vous que votre dispositif pourrait être commercialisé? Le groupe du professeur Nahmias de l'Université hébraïque de Jérusalem, en partenariat avec l'Institut Fraunhofer et Upcyte Technologies, a démontré la possibilité de favoriser la croissance des hépatocytes humains et de maintenir leur fonction dans un bioréacteur microfludique pendant plus de 28 jours sous mesure d'oxygène continue. Cette technologie de foie sur puce (liver-on-chip) a prévu avec précision les valeurs TC50 d'acétaminophène, d'amiodarone, de troglitazone et de roténone, un nombre de toxines sur la liste des composés fournie par l'initiative Seura-1, avec un R2 de 0,9 dans la corrélation in vitro/in vivo. La sensibilité du dispositif a facilité la détection d'un nouveau mécanisme de toxicité acétaminophène et permis une compréhension plus approfondie de l'évolution des dommages induits par la troglitazone. Plusieurs demandes de brevet provisoire ont été soumises concernant le bioréacteur, les méthodes et les capteurs. Certains des partenaires envisagent de créer une entreprise au cours des prochains mois dans le but de proposer des services de dépistage aux industries cosmétiques et pharmaceutiques. En outre, le groupe Verfaillie a récemment créé une plateforme iPSC dédiée au dépistage des médicaments qui, dans un avenir proche, devrait être automatisée de sorte que de grandes quantités de lignées puissent être générées, différenciées et utilisées dans le dépistage à haut débit. Est-il réaliste de penser que cela pourrait remplacer les tests in vivo dans un avenir proche? Nous sommes convaincus que les progrès réalisés dans le cadre du projet HEMIBIO contribueront au remplacement possible de l'expérimentation animale par des tests in vitro, même si un grand nombre d'études portant sur la corrélation in vitro/in vivo seront encore nécessaires pour remplacer les études sur animaux par des bioréacteurs chargés de cellules humaines in vitro. Quels sont vos plans d'ici la fin du projet et après son achèvement? Plusieurs partenaires du consortium HEMIBIO (et d'autres groupes de l'initiative Seurat-1) sont impliqués dans le suivi des programmes de subventions au niveau local (van Grunsven, van de Water, Verfaillie), ainsi que dans le suivi de programmes H2020 de la CE (Verfaillie, van de Water), et directement avec des entreprises de cosmétique (Nahmias) et participent à des études ayant trait à la création de modèles de foie in vitro pour la toxicité. Celles-ci devraient permettre de remplacer à la longue les études sur les animaux par des études in vitro sur l'homme à l'aide d'organoïdes de foie composites dans des bioréacteurs microfluidiques. Ainsi, ces efforts subséquents pourront faire avancer les progrès réalisés dans le cadre du projet HEMIBIO.

Pays

Belgique