Améliorer la prévision de la toxicité grâce à une modélisation sophistiquée des données
Les méthodes utilisées actuellement pour remplacer les tests de toxicité in vivo pour l'homme sont à la pointe de la science. Cependant, elles n'ont pas encore permis d'éliminer totalement les tests sur l'animal. Le fait est que pour améliorer la prévision de la toxicité, il faut réellement s'appuyer sur la modélisation de données, et aller au-delà de ce qui se fait de mieux aujourd'hui. C'était le but de l'équipe du projet NOTOX, pendant presque cinq années. Le projet NOTOX (Predicting long-term toxic effects using computer models based on systems characterization of organotypic cultures) est parti des méthodes de remplacement les plus sophistiquées, adoptant une «approche de biologie des systèmes» au problème de l'évaluation de la toxicité. Sous la direction de son coordinateur, le professeur Elmar Heinzle de l'institut de génie biochimique de l'université de la Sarre, l'équipe a associé de puissantes techniques de culture et d'exposition in vitro avec des mesures multi-omiques et une modélisation mécaniste à plusieurs échelles, pour mieux prévoir la toxicité. Au passage, elle a conçu un ensemble d'outils de biologie des systèmes, avec des méthodes expérimentales ou informatisées, afin d'établir des modèles prédictifs causaux. Ces travaux ont amélioré la prévision de la toxicité à long terme. À quelques mois de la fin du projet, le professeur Heinzle a exposé en exclusivité l'approche de NOTOX au magazine research*eu consacré aux résultats, ainsi que les nouveaux outils mis au point et leur contribution à la prévision de la toxicité. L'approche typique de biologie des systèmes est au cœur de NOTOX. Quelle est sa signification et pourquoi est-elle importante? Notre approche de biologie des systèmes combine des cultures organotypiques de cellules HepaRG du foie, en 2D et en 3D, en partie associées à d'autres types de cellules du foie, avec des analyses complètes en omique (épigénomique, transcriptomique, protéomique, métabolomique et fluxomique), des analyses bioinformatiques approfondies, et divers types de modélisation par informatique, allant du simple PBPK jusqu'à des modèles par agent à plusieurs échelles. Des données venant de systèmes de cellules humaines in vitro, récemment développés et exposés sur de longues périodes à des doses répétées, ont amélioré la prévision de la toxicité à long terme. L'équipe a-t-elle développé des modèles informatiques prédictifs de la toxicité à long terme? Pour divers composés d'or, sélectionnés par le consortium SEURAT (un ensemble de projets cherchant à remplacer les tests systématiques in vivo de toxicité par dose répétée), il y a eu une prévision hautement efficace de la toxicité à long terme en doses équivalentes orales, à partir des tests de viabilité sur des cultures à long terme. Les doses équivalentes orales ont même été prédites en utilisant des modèles simples. Ces modèles sont déjà applicables, par l'utilisateur. Les modèles mécanistes ont généré une vision plus réaliste des modes d'action. Des modèles plus détaillés ciblent les mécanismes d'action des voies nocives. Nous estimons que la plupart des effets toxiques découlent d'un petit nombre de mécanismes. Il est donc logique de développer de tels modèles mécanistes détaillés, par exemple pour l'accumulation des lipides (stéatose hépatique) ou le stress oxydatif, qui pourront ensuite être utilisés dans bien d'autres cas. Les modèles mécanistes intégrés à des modèles PBPK ont déjà amélioré la prévision. Certains sont déjà disponibles auprès de notre entreprise partenaire, Insilico Biotechnology. Les modèles mécanistes permettent en outre d'identifier des biomarqueurs utiles, en rapport avec le mode d'action. Quels sont les autres principaux résultats du projet? NOTOX a démontré la possibilité d'utiliser des méthodes de culture in vitro en 2D et 3D pour tester la toxicité à long terme sur le foie, en utilisant la lignée HepaRG d'hépatocytes, et obtenir une prévision physiologiquement pertinente de la toxicité. Nous avons aussi montré que les données fournies par ces cultures permettent de prévoir des doses équivalentes orales qui conduiront à des effets toxiques chez l'homme après une exposition sur le long terme. D'une manière générale, nous avons prouvé que les expériences multi-omiques permettent d'élucider le mécanisme d'action, ce qui est la base pour créer des modèles mécanistes donnant de meilleures prévisions. Enfin, point intéressant pour d'autres chercheurs, nous avons démontré que la toxicité résultant du métabolisme peut être étudiée et modélisée en association avec des cardiomyocytes dérivés de cellules souches humaines. NOTOX a réalisé un film pour mieux faire comprendre ses travaux. Quelle a été l'importance de l'aspect communication du projet? La volonté d'informer le grand public des progrès dans ce domaine de recherche était un aspect très important du projet NOTOX. Le film ainsi que les campagnes de presse ciblées lancées durant le projet, par exemple à l'occasion de la Journée mondiale des animaux, ont contribué à mieux sensibiliser à des dates décisives comme l'interdiction des tests sur l'animal et de la commercialisation d'ingrédients de cosmétiques testés sur des animaux, et aux efforts du consortium de NOTOX pour concevoir de nouvelles solutions de remplacement. Nous avons été très heureux de constater que de nombreux acteurs, comme des entreprises, des groupes de défense des animaux et des chaînes publiques de télévision, ont demandé à en savoir plus sur le projet, sa motivation et ses objectifs, nous aidant ainsi à diffuser des informations sur notre projet. Quelle a été la réponse des groupes qui seront affectés par votre travail (les parties prenantes, les consommateurs, les organismes de réglementation et les producteurs)? Tout au long du projet nous avons été en contact avec des représentants du secteur, très intéressés par nos nouvelles méthodes permettant de remplacer les tests sur l'animal pour évaluer la sécurité de leurs produits. Depuis mars 2013, les cosmétiques et les ingrédients cosmétiques testés sur l'animal sont interdits en UE, il existe donc un réel besoin de méthodes valides pour les remplacer. En outre, il est très intéressant de pouvoir réaliser de nouveaux composés dont l'innocuité a été testée de manière approfondie avec un ensemble de modèles informatiques validés ou d'autres méthodes, au lieu d'employer des rats ou des souris. C'est tout aussi vrai pour les consommateurs, qui préféreront des méthodes de test qui épargnent les animaux s'ils sont convaincus qu'elles apportent au moins le même niveau de sécurité que les tests classiques. Quelles sont les prochaines étapes de l'équipe de NOTOX? La fin officielle de NOTOX est prévue en décembre, mais le consortium continuera ses travaux à partir des résultats obtenus durant le projet. Les prochaines étapes consisteront à terminer des études à grande échelle sur le stress oxydatif et la stéatose hépatique, à intensifier notre étude des effets constatés en microscopie électronique après avoir vu des structures hépatiques typiques, et à terminer une étude sur l'association d'hépatocytes et de cardiomyocytes pour détecter une cardiotoxicité découlant du métabolisme. Quel impact attendez-vous du projet? Les concepts et les résultats de NOTOX sont en faveur d'une approche de l'évaluation de la toxicité par la biologie des systèmes, associant de puissantes techniques de culture in vitro et d'exposition avec des mesures multi-omiques et une modélisation mécanistique sur plusieurs échelles. Ils ont un profond impact scientifique, éthique, social et économique. L'évaluation in vitro de la toxicité s'intéresse de plus en plus aux cellules humaines et à des techniques de culture qui soutiennent aussi les tests sur le long terme. Nous avons fortement soutenu l'utilisation de cultures en 3D de la lignée HepaRG afin d'obtenir des résultats fiables. Ceci contribue notablement à remplacer ou à réduire les tests sur l'animal. Pendant NOTOX, nous avons mis au point des systèmes capables de prévoir les effets nocifs sur une population humaine virtuelle, avec ses variations de sensibilité et de capacités métaboliques. Nous avons aussi attaché une attention particulière à former la prochaine génération de chercheurs, dans l'espoir qu'ils pourront mettre en pratique cette recherche fondamentale. NOTOX contribuera à remplacer davantage les tests sur l'animal par des tests in vitro, qui intègrent directement des modèles mathématiques et des modèles informatiques valides, pour finalement réduire le besoin de tests sur l'animal par les industries chimique et pharmaceutique. Pour plus d'informations, veuillez consulter: Site web du projet NOTOX
Pays
Allemagne