L'influence du changement climatique sur l'évolution
À quelle vitesse les populations naturelles peuvent-elles réagir aux pressions de la sélection provoquées par l'homme? La compréhension de l'adaptation génétique et de la capacité des organismes à modifier son phénotype (plasticité phénotypique) et les changements moléculaires qui en découlent représente l'un des principaux aspects de la prédiction de l'évolution des espèces face aux pressions externes. Le phénotype représente l'ensemble des caractéristiques physiques observables d'un organisme. Bien que la plasticité phénotypique joue un rôle important dans l'évolution d'une espèce, celle-ci exige des changements au niveau de la fréquence des gènes. Le projet GEBACC («Genetic and epigenetic basis of adaptation to climate change») a testé la capacité des populations sauvages à réagir au changement provoqué par l'homme à leur environnement. Les grenouilles sont particulièrement sensibles aux fluctuations de l'environnement. Dès lors, la caractéristique locomotrice liée à l'environnement a été étudiée chez la grenouille sauvage Xenopus tropicalis. Cette espèce est généralement utilisée comme organisme modèle pour la biologie du développement et la génétique. La destruction de l'habitat a décimé les populations de grenouilles et autres amphibiens, notamment dans les forêts tropicales. Ces modifications devraient être favorables aux grenouilles capables d'évoluer vers de nouveaux habitats adaptés. Le projet GEBACC a recréé ce type de sélection en laboratoire en élevant une sélection de X. tropicalis sur plusieurs générations afin d'étudier leur résistance à différentes conditions de température. Les changements génétiques, épigénétiques, physiologiques, biochimiques et morphologiques suite à cette sélection ont été évalués. L'impact de la sélection sera également analysé en terme d'immunité étant donné que les populations naturelles sont toujours confrontées à plusieurs menaces simultanées. Partout dans le monde, les amphibiens courent actuellement un risque face à la chytridiomycose, une maladie infectieuse. Cela permettra aux scientifiques d'établir dans quelle mesure la réaction à une pression de la sélection affecte la réaction à une autre. En raison des difficultés préliminaires avec X. tropicalis, le modèle a été modifié. C'est donc le phénotype du papillon Pieris brassicae qui a été établi. L'espèce a ensuite été élevée afin d'étudier sa résistance. Les insectes ont été examinés afin d'associer les modèles d'expression des gènes correspondants et les différences de phénotype, ainsi que l'héritage de la résistance. Le projet a déjà donné lieu à quatre publications. L'approche intégrale et multidisciplinaire du projet GEBACC est cruciale car elle permet de mieux comprendre la complexité des réponses moléculaires et phénotypiques des populations naturelles face aux perturbations environnementales. Le projet aidera dès lors les scientifiques à prévoir la manière dont les populations naturelles s'adapteront au changement climatique.