En vedette - Une interface cerveau-ordinateur plus performante, qui promet une autonomie inégalée pour les personnes handicapées
Qu'il s'agisse de victimes de la route clouées dans leur fauteuil roulant, de tétraplégiques ou de personnes atteintes du syndrome d'enfermement, des millions d'Européens souffrent de handicaps moteurs qui limitent leur capacité à se déplacer, interagir ou communiquer. Ces dernières années, diverses technologies ont été mises au point pour élargir l'autonomie et l'indépendance de ces personnes handicapées. Ces technologies sont encore améliorées et associées dans un système hybride mixte innovant, qui leur permettra de piloter un robot par la pensée, d'interagir avec un environnement virtuel, de contrôler à distance l'éclairage, le chauffage et d'autres équipements de leur domicile, et de communiquer plus aisément avec leurs amis et leur famille. «Notre but est de donner aux personnes présentant un handicap moteur autant d'autonomie que le permet la technologie actuelle, afin d'améliorer considérablement leur qualité de vie», déclare Felip Miralles du centre technologique Barcelona Digital, un centre espagnol de recherche dans les TIC. M. Miralles coordonne le projet BrainAble *, une initiative sur trois ans qui a reçu 2,3 millions disque d'euros de la Commission européenne. Son but est de concevoir et intégrer un ensemble de technologies, de services et d'applications dans un même système, commercialisé à destination des handicapés moteur. L'équipe du projet BrainAble travaille sur des systèmes sophistiqués d'interface cerveau-ordinateur (ICO), d'intelligence ambiante (IAm), de réalité virtuelle (RV) et autres. Séparément, ils sont déjà très utiles pour les personnes handicapées, mais associés, ils promettent une autonomie sans précédent. En associant une interface ICO avec d'autres technologies d'assistance, les chercheurs ont mis au point un système qui permet à un utilisateur de contrôler à distance un robot doté de fonctions de téléprésence. Il peut déplacer le robot dans la maison, effectuer diverses actions et même communiquer avec d'autres personnes, tout en restant alité. Un système similaire lui permet aussi de piloter un avatar dans un environnement virtuel, soit pour s'entraîner à contrôler un fauteuil roulant ou un robot dans un environnement réel, soit pour avoir des interactions sociales. Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission européenne chargée de la stratégie numérique, déclarait en décembre à propos de BrainAble: «Pouvez-vous imaginer toute la différence que pourrait faire [cette technologie]? C'est la possibilité de retrouver de l'indépendance, de s'exprimer et d'effectuer de nouveau des tâches qui vont de soi pour la plupart d'entre nous.» Par exemple, pour des personnes atteintes de paralysie grave ou du syndrome d'enfermement, une interface ICO représente souvent le seul moyen de communiquer et d'interagir. Les systèmes ICO utilisent des implants ou un casque doté de capteurs pour mesurer les ondes électromagnétiques générées par le cerveau. On apprend à l'utilisateur à générer des signaux encéphalographiques (EEG) que le système peut traduire en actions. Avec un système ICO , une personne qui ne peut bouger que les yeux peut taper un message pour communiquer, allumer la lumière, demander de l'aide ou contrôler un fauteuil roulant ou un robot dans le monde réel, ou un avatar dans un environnement de réalité virtuelle. Au-delà de l'ICO Malgré les progrès considérables réalisés ces dernières années, les systèmes d'ICO restent lents: l'exécution d'une seule action peut prendre plusieurs secondes. Les chercheurs du projet BrainAble remédient à cet inconvénient en intégrant de l'intelligence à leur système, afin qu'il comprenne le contexte et les habitudes de l'utilisateur et réagisse de façon anticipée. «Si la personne allume régulièrement sa télévision à 19 heures, l'interface lui présentera au moment voulu une option simplifiée pour y accéder plus aisément. Le système apprend les habitudes de son utilisateur et tente de comprendre le contexte associé», explique M. Miralles. «En outre, nous intégrons une intelligence ambiante afin de surveiller passivement les signaux EEG et de déterminer l'état de la personne. Si elle est fatiguée, l'interface peut être automatiquement simplifiée pour faciliter l'utilisation.» Si la personne a conservé quelques capacités motrices, l'ICO peut être associée à d'autres interfaces d'assistance par informatique comme des dispositifs oculométriques ou électromyographiques (EGM), qui réagissent aux signaux électriques produits par les mouvements musculaires, mêmes les plus infimes. «Par exemple, une personne en fauteuil roulant pourra utiliser l'ICO pour contrôler son déplacement, puis un interrupteur pour ouvrir une porte», explique le coordinateur du projet. «Ce système mixte améliore considérablement le bien-être de l'utilisateur. Le but est d'obtenir un système adaptable et pleinement personnalisable aux besoins de chacun. Certaines technologies sont plus utiles pour certains handicaps, et les besoins évoluent avec les circonstances.» Le système BrainAble comprend aussi un middleware qui simplifie l'accès aux réseaux sociaux comme Twitter et Facebook, de plus en plus importants pour aider les personnes soufrant d'un handicap à surmonter l'isolement social. «L'interface habituelle de Twitter et de Facebook est trop compliquée pour des systèmes d'assistance comme l'ICO. Nous avons donc écrit une couche intermédiaire entre les deux pour faciliter l'utilisation des fonctionnalités importantes», souligne M. Miralles. L'équipe de BrainAble associe l'ensemble des technologies et des services dans un prototype de maison intelligente qui montrera tout le potentiel de ses travaux. Autre point essentiel, elle respecte strictement les normes de maison intelligente pour rendre aussi simple que possible l'ajout d'un nouvel appareil ou service, qu'il s'agisse d'un système de contrôle de la température ou d'une application de réseau social. La maison intelligente témoin servira alors à promouvoir la commercialisation des résultats de BrainAble. «Ce domaine de recherche soulève un grand intérêt et je considère que des produits compétitifs et tous publics pourraient être commercialisés dans les cinq à sept ans», ajoute M. Miralles. Guger Technologies, un partenaire australien du projet, prévoit d'intégrer les résultats de la recherche à ses produits ICO et d'ajouter des fonctions d'IAm pour proposer des systèmes encore plus intégrés. Parallèlement, Meticube, un éditeur portugais de logiciels et autre partenaire du projet BrainAble, s'intéresse à intégrer des fonctions d'ICO et d'IAm pour améliorer l'interaction avec les appareils et les services des maisons intelligentes, à l'intention des personnes handicapées mais aussi des personnes âgées et d'autres groupes d'utilisateurs. «Le marché de ces technologies est énorme, et pas seulement pour les personnes gravement handicapées. Ces travaux devraient bénéficier aux personnes âgées, et même aux joueurs qui pourraient utiliser l'ICO lorsqu'elle sera assez fiable et rapide», conclut le coordonnateur du projet BrainAble. Le projet BrainAble a reçu un financement de recherche au titre du septième programme-cadre de l'UE (7e PC). Il a également été présenté récemment à la récente Innovation Convention à Bruxelles. Barcelona Digital coordonne également BackHome, un nouveau projet financé par l'UE et qui fait suite à BrainAble. Il s'intéressera à l'utilisation de l'ICO non seulement pour l'autonomie mais aussi dans la surveillance à distance et la rééducation des personnes souffrant de troubles neurologiques. * «Autonomy and social inclusion through mixed-reality brain-computer interfaces: connecting the disabled to their physical and social world» Liens: - site web du projet «Autonomy and social inclusion through mixed reality Brain-Computer Interfaces: Connecting the disabled to their physical and social world» - Fiche du projet BrainAble sur CORDIS - projet BrainAble à l'Innovation Convention 2011 Articles associés : - Blog de Neelie Kroes, Commissaire européenne en charge de la stratégie numérique : ICT and disability: achieving a better world for all - Un projet de l'UE présente son bras robotisé lors d'un salon médical