En vedette - Un Internet plus intelligent
L'Internet des objets (à savoir les voitures, les dispositifs et les capteurs qui connectent les objets de notre vie quotidienne) sont déjà bien plus importants que l'Internet des personnes et les pages connexes. En effet, en 2008, le nombre d'objets connectés à l'Internet avait déjà surpassé le nombre d'habitants de la planète. D'après les experts, ces «dispositifs connectés» continueront de croître en nombre. Par exemple, l'entreprise néerlandaise Sparked utilise des capteurs sans fil connectés à Internet sur le bétail. On estime à 1,3 milliard le bétail dans le monde aujourd'hui; ainsi, cela représente déjà beaucoup de connexions! Le secteur automobile est un autre utilisateur majeur de la technologie de capteurs. Les voitures intelligentes, encore à l'état d'ébauche, disposent de capteurs de localisation, d'accélération, d'orientation et de proximité qui transmettent et collectent des données de et sur les voitures et infrastructures à proximité. «Bien sûr, Internet se développe à une vitesse fulgurante et plusieurs nouveaux types d'appareils y sont constamment ajoutés, une tendance qui s'accélère aujourd'hui», explique Philip Eardley, coordinateur technique d'un important projet financé par l'UE intitulé Trilogy («Re-architecting the internet») qui, comme son nom l'indique, réorganise l'architecture de l'Internet et développe de nouvelles technologies pour soutenir l'Internet du futur émergent. «Nos travaux portaient sur la façon de gérer ce réseau partagé face à toutes les demandes compétitives. Nous souhaitions trouver le meilleur moyen d'exploiter la capacité du réseau», ajoute M. Eardley. Les technologies de l'Internet du futur font partie des priorités de l'agenda de recherche de l'Union européenne. Le financement permettra de tester de nouvelles technologies qui aideront le réseau à évoluer et à s'adapter au fil du temps, car l'Internet est bien plus qu'un simple système de communication comme on l'avait imaginé initialement; il s'agit aujourd'hui de la base de la société moderne. Par ailleurs, les initiatives de l'Internet du futur visent à assurer que cette base sociétale ne cède pas aux contraintes croissantes des demandes toujours plus importantes. Ces travaux sont extrêmement importants, aussi Trilogy a-t-il attiré certains de plus grands talents de par le monde pour défendre sa cause. Le groupe britannique BT Innovate & Design était à la tête du projet en tant que coordinateur du consortium, soutenu par NEC Europe, Roke Manor Research et l'University College London, tous au Royaume-Uni. Le consortium comprenait également des groupes renommés tels que Nokia en Finlande, Eurescom et Deutsche Telekom en Allemagne, ainsi que l'université catholique de Louvain en Belgique, l'Universidad Carlos III de Madrid en Espagne, l'Athens University of Economics and Business en Grèce et la Stanford Law School aux États-Unis. L'ambition du projet Trilogy était d'étudier les problèmes des normes internet actuelles, et particulièrement le TCP (protocole de contrôle de transmission). Vint Cerf et Bob Kahn ont conçu le TCP en 1974; il s'agit d'un protocole extrêmement efficace qui a prouvé ses performances alors que l'Internet se déployait. Cependant, on pourrait encore l'améliorer, aussi les travaux de Trilogy se sont particulièrement penchés sur cet aspect. Trouver le bon équilibre Les technologies Internet doivent bien se tenir: une simple perte de contrôle peut mener à une défaillance du réseau et à un véritable chaos; un trop grand contrôle et on constate une répression de l'innovation. Toute personne souhaitant créer des protocoles pour Internet doit s'assurer que leur innovation ne génère pas d'impasse technologique au cours du développement. Trilogy a créé Multipath TCP (MPTCP), un protocole qui permet à une connexion normale TCP d'utiliser plusieurs voies simultanément. Ceci renforce la résistance du réseau car la connexion fonctionne même si l'une des voies échoue. Le protocole mène également à une plus grande efficacité du réseau en rassemblant les ressources; les données sont envoyées sur plusieurs voies simultanément, et l'expéditeur s'adapte rapidement de manière à envoyer davantage de trafic sur les voies non utilisées et moins sur les voies qui sont encombrées. Multipath TCP pourrait être déployé de manière à permettre une plus grande mobilité des données qui s'adapte à la localisation d'un récepteur, indépendamment du réseau. Par exemple, MPTCP pourrait commencer à télécharger un film à l'aide des technologies 3G ou 4G, puis faire appel à la capacité Wifi lorsque l'utilisateur est à proximité d'un point d'accès (hotspot). «Multipath TCP offre une utilisation plus efficace de la capacité disponible et peut renforcer la résistance car les données sont transmises à leur destination par une variété de routes», explique M. Eardley. Dans le cadre des travaux de MPTCP, Trilogy a développé un algorithme de contrôle de l'encombrement Internet qui équilibre le trafic entre diverses voies, éloignant la transmission des données des voies encombrées afin d'exploiter la capacité non utilisée ailleurs. Débloquer l'encombrement L'encombrement est en effet un problème majeur sur Internet, aussi l'équipe de Trilogy a-t-elle mis au point un protocole spécial pour gérer ce problème, en plus de leurs travaux sur l'encombrement au sein de MPTCP. CONEX («Congestion exposure») est un nouveau protocole qui laisse entrevoir le niveau d'encombrement de bout à bout aux dispositifs IP le long de la voie. CONEX aide l'opérateur en améliorant le détail des informations disponibles et informe donc les mécanismes de gestion de la bande passante. L'exposition aux encombrements aide également les utilisateurs finaux. En effet, leur système d'exploitation peut optimiser la qualité de service de bout à bout (pendant une période d'encombrement important, par exemple, les vidéoconférences pourraient se poursuivre à pleine vitesse tout en mettant en pause le téléchargement d'un fichier, optimisant par là même les ressources disponibles). Un autre domaine de recherche important concernait les mécanismes visant à résoudre d'autres problèmes, notamment la validation de l'adresse et la transition des protocoles Internet d'IPv4 à IPv6, qui constitue une étape importante pour l'Internet du futur car le nombre d'adresses IPv4 disponibles commence à s'amenuiser. Ce problème a commencé à la naissance d'Internet lorsqu'un protocole d'adressage a été développé pour permettre à tout type d'ordinateur de s'identifier sur Internet. L'IP a été conçu en 1971 et la version 4 (IPv4) a été lancée en 1983. Personne à l'époque n'avait envisagé une telle popularité pour Internet. Ce n'est qu'en 1989 que Tim Berners-Lee inventa le web. À l'époque, IPv4 était une norme très solide offrant plus de 4 milliards d'adresses en code à 32 bits. Aujourd'hui, les 128 bits de la version IPv6 offrent bien plus d'adresses, et les outils développés par Trilogy aideront à la transition vers la nouvelle version IP. Trilogy a porté une attention toute particulière à la définition et au développement de normes, et l'équipe a participé activement au groupe de travail IETF (Internet Engineering Task Force), l'organisme chargé de standardiser les technologies Internet. Ce projet a joué un rôle fondamental dans la création de deux nouveaux groupes de travail à l'IETF, baptisés MPTCP et CONEX. «Nous avons soumis environ 50 ébauches, dont certaines ont maintenant été acceptées comme 'Requests for comments' (RFC, demandes de commentaires), et d'autres sont en cours d'évaluation. Nous avons également publié plus de 60 articles», ajoute M. Eardley. Un RFC est un document standard ou consultatif qui a été officiellement accepté par l'IETF. Le projet Trilogy a envisagé avec soin la meilleure façon de déployer les protocoles qu'il a développés de manière à les implémenter de manière incrémentale. «Nous avons développé une implémentation Linux du protocole Multipath TCP et nous espérons qu'il formera partie intégrante du noyau Linux», déclarait M. Eardley. L'expérience a par ailleurs montré avec les nouveaux développements Internet qu'il suffit de quelques groupes importants pour démontrer les avantages de ces nouvelles technologies et de les lancer sur le marché. Le projet Trilogy a reçu un financement de 5,82 millions d'euros (sur un budget total de 9,82 millions d'euros) au titre du septième programme-cadre (7e PC), sous-programme «The network of the future». Liens utiles: - Projet «Re-Architecting the internet. An hourglass control architecture for the internet, supporting extremes of commercial, social and technical control» - Archives des données du projet Trilogy sur CORDIS Articles connexes: - La Commission se fixe un objectif pour le déploiement de l'IPv6 - Les Européens facilitent les communications par les appareils intelligents - Making sure the internet delivers - See-through networks - The Network of Everything