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En vedette - Les superordinateurs s'attaquent au VIH

Une infrastructure de superinformatique de classe mondiale développée par des scientifiques financés par l'UE a apporté une nouvelle vision de la recherche sur le VIH. Elle fournit la puissance nécessaire pour l'étude de la mécanique moléculaire du virus et ses interactions avec les médicaments.

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Cette recherche est capitale si l'on considère que le sida a entraîné la mort de plus de 25 millions de personnes entre 1981 (date à laquelle on a pour la première fois évoqué cette maladie) et 2005, ce qui en fait l'une des pandémies les plus destructrices de l'histoire. La science médicale doit absolument trouver de nouvelles approches pour faire face à ce virus, mais la recherche est extrêmement complexe. Le projet DEISA («Distributed European infrastructure for supercomputing applications») a aidé les chercheurs à développer des simulations moléculaires de la mécanique du VIH. Sur une période de cinq ans et dans le cadre de deux projets, DEISA a relié les plus puissants superordinateurs via un réseau, et a développé un logiciel qui permet aux chercheurs d'accéder et d'utiliser facilement l'importante puissance de traitement. Ils ont également développé des services de soutien pour garantir aux chercheurs de bénéficier autant que possible de l'équipement à leur disposition. Durant leurs travaux, ils ont également développé le DECI («DEISA extreme computing initiative»), une initiative soutenant la recherche scientifique de pointe en Europe, laquelle pourrait bénéficier de l'impressionnante puissance de calcul mise à disposition par DEISA. Les chercheurs du projet RNAHIV ont par exemple utilisé l'infrastructure pour mieux comprendre comment les molécules se lient à l'acide ribonucléique (ARN). L'ARN est l'une des molécules qui forme la base de toute forme de vie sur la planète (aux côtés de l'ADN, ou acide désoxyribonucléique), et il est à l'origine de la création des protéines. Mais la plupart des médicaments contre le VIH ciblent les protéines virales plutôt que l'ARN viral. Ainsi, ils peuvent ne pas aboutir car le virus développe une résistance aux médicaments. Nous disposons actuellement de peu de connaissances sur la façon dont l'ARN du VIH interagit avec les protéines cellulaires humaines pour renforcer la transcription virale, une étape importante dans la réplication virale. Tenter d'inhiber cette interaction pourrait mener à des médicaments contre le VIH plus prometteurs et avoir un impact important sur la conception des médicaments. Pour gérer des maladies telles que le VIH, il faut développer des médicaments qui se lient à une région spécifique de l'ARN viral que l'on appelle la région TAR (de l'anglais «Trans-activating response»). Mais le problème est que les approches computationnelles standard ne sont pas très efficaces pour prévoir avec précision la façon dont les molécules médicamenteuses se lieront à l'ARN. Les instruments classiques de conception des médicaments n'y parviennent pas. «Mais en se concentrant sur la physique qui gouverne les interactions se produisant lorsque les molécules se lient les unes aux autres, et nous obtenons de nouvelles informations qui pourraient aider au développement de médicaments à base d'ARN», explique Paolo Carloni, coordinateur du projet RNAHIV et professeur de biophysique computationnelle à la German Research School for Simulation Sciences, une faculté conjointe d'enseignement supérieur de l'école supérieure polytechnique de Rhénanie-Westphalie (RWTH) d'Aix-la-Chapelle et du Forschungszentrum Jülich (FZJ), en Allemagne. Le projet RNAHIV a débuté en 2008 et s'est achevé en 2010. Il rassemblait des chercheurs du monde entier dont la SISSA/ISAS à Trieste, en Italie, l'ETH de Zurich en Suisse, l'université de Washington aux Etats-Unis et l'université d'Ho Chi Minh au Viêt-Nam. Au cours des derniers 24 mois, les experts ont cherché à simuler la dynamique du mécanisme de liaison entre le VIH et l'ARN. Mais l'étude de ces interactions est un grand problème en termes computationnels. «Nous traitons plusieurs milliers d'atomes et pour mener ces simulations, nous devons savoir où vont chacun d'eux et pouvoir suivre leurs mouvements», explique le Dr Carloni. «Et cela nécessite une énorme puissance informatique!». Ces simulations extrêmement complexes représentent un énorme enjeu, mais le Dr Carloni pense que cette méthode offre une description plus rigoureuse du processus par lequel le médicament se lie à l'ARN. «La conception conventionnelle de médicaments implique que l'on prévoit le lieu où le médicament se liera, mais l'on n'apprend rien quant à la façon dont la molécule se déplace vers l'ARN et s'y accroche», ajoute-t-il. Une nouvelle approche intéressante Dr Carloni fait remarquer qu'il s'agit d'une recherche très utile. «Elle suggère une nouvelle façon de concevoir les médicaments, mais les méthodes que nous avons développées peuvent aussi s'appliquer à l'étude de toute sorte de réaction entre les protéines et l'ADN ou entre les protéines et l'ARN.» Ces types de réaction se produisent dans un grand nombre de processus cellulaires. Ce projet était très intéressant, fait-il remarquer, car il rassemble la physique et la médecine en vue de résoudre un problème extrêmement complexe. Les travaux de l'équipe impliquaient un processus à trois étapes. Les chercheurs se sont basés sur leurs connaissances théoriques en biophysique pour prévoir l'interaction éventuelle de l'ARN et du médicament en utilisant des techniques de spectroscopie dans une phase expérimentale afin de tester si leurs prévisions se vérifiaient. Les données de spectroscopie ont ensuite permis d'informer les simulations de la dynamique moléculaire. Le temps de calcul fournit par le projet DEISA financé par l'UE a joué un rôle majeur dans le succès du projet RNAHIV. Les calculs du projet de recherche RNAHIV ont été réalisé sur le système Cray XT4/XT5 au centre de TI pour la science en Finlande. Il y a eu trois essais indépendants, lesquels ont chacun utilisé jusqu'à 256 cœurs de CPU. Environ 250 000 heures de CPU ont été investies dans le cœur des simulations de production et le matériel a été complété par un soutien logiciel. «Mais DEISA a fait bien plus que de simplement donné accès aux superordinateurs. En soutenant des projets tels que RNAHIV, DEISA a également ouvert la voie à l'utilisation des superordinateurs pour d'autres projets sur la santé humaine. Et en permettant aux scientifiques des pays en développement tels que le Viêt-Nam de participer, DEISA a encore élargi la portée de ces bénéfices», explique le Dr Carloni. «Mener des recherches expérimentales n'est pas évident pour nos collaborateurs vietnamiens mais l'informatique permet de travailler à distance. Dans notre cas, DEISA offre une grande opportunité aux chercheurs vietnamiens de pénétrer le domaine passionnant de la conception de médicaments à base d'ARN et de ramener leurs connaissances chez eux.» RNAHIV n'est pas le seul projet de recherche sur le VIH à avoir bénéficié de l'expertise et de la puissance de DEISA. Le projet ViroLab («Virtual laboratory») a également utilisé DEISA pour réaliser des simulations dynamiques moléculaires très coûteuses sur le plan computationnel. Une grande difficulté avec le virus du VIH est la variété de souches associées avec la maladie. Certaines souches sont plus résistantes à un médicament, mais plus susceptibles à d'autres. ViroLab soutient le processus décisionnel des médecins traitant des patients atteints de VIH. Le médecin traitant commence par analyser la séquence virale du VIH infectant leur patient. Une fois l'analyse complétée, les médecins reçoivent une sélection de médicaments adéquats. ViroLab récupère automatiquement les données d'une variété de sources. Il trouve les règles de résistance fournies par les systèmes classiques d'interprétation de la résistance aux médicaments contre le VIH par le biais de bases de données de classification des médicaments telles que Rega, HIVdb et ANRS. Parallèlement, des données anonymes de patients sont fournies par des hôpitaux participant et la documentation relative à une souche particulière de VIH est extraite de la Bibliothèque nationale de médecine des États-Unis. Dans le cadre des travaux de ViroLab, le projet a également développé et publié une étude validant leur outil BAC («Binding affinity calculator») qui aide à déterminer les médicaments qui seront plus efficaces et ceux qui seront le plus résistant. En utilisant des simulations alimentées par DEISA, le projet ViroLab a obtenu des informations à l'échelle atomique sur les interactions au niveau moléculaire entre une souche du virus VIH et des médicaments spécifiques. Ceci a permis au projet de tester comment les mutations associées à la résistance interagissent et provoquent des changements dans la liaison des médicaments. Ce type de recherche pourrait permettre d'évaluer les règlements existants servant à sélectionner les médicaments. Mais le plus important est l'impact potentiel des travaux sur la future conception des médicaments. RNAHIV et ViroLab étaient deux projets en sciences de la vie qui ont bénéficié du matériel, du logiciel, du soutien et de l'expertise de DEISA. DEISA2 était financé à hauteur de 10,24 millions d'euros (sur un budget total de 18,65 millions d'euros pour le projet) au titre du septième programme-cadre de recherche de l'UE (7e PC), sous-programme «e-Science grid infrastructures». Liens utiles: - «Distributed European infrastructure for supercomputing applications» - Archives des données du projet DEISA2 sur CORDIS - programmes/projets sur les e-infrastructures - projet RNAHIV - projet ViroLab Articles connexes: - Relier les superordinateurs pour simuler le soleil, le climat et le corps humain - Les modèles climatiques mettent la superinformatique sur la passerelle - Des superordinateurs pour calmer les eaux agitées - Supercomputing gets its own superhero - The grid: a new way of doing science - Les chercheurs européens spécialisés en fusion nucléaire accèdent à des ressources de calcul intensif - ViroLab to use DEISA infrastructure