Mieux comprendre les interactions antimatière-matière
Le positronium est un atome relativement peu connu dont le potentiel est considérable. Il n’a pas de noyau et se forme à partir de la liaison entre un électron chargé négativement et un positon chargé positivement (l’antiparticule de l’électron). Le positronium est donc l’anti-atome le plus simple: un atome contenant de l’antimatière. Les atomes de positronium sont instables, et c’est ce qui a permis aux scientifiques de le découvrir. «Le positronium est instable, c’est-à-dire qu’il ne vit qu’un temps limité, avant que l’électron et le positon ne s’annihilent l’un l’autre, transformant la masse en énergie pure sous forme de lumière», explique Dermot Green, lecteur en mathématiques appliquées et physique théorique à l’université Queen’s de Belfast. «Ce signal d’annihilation, des éclats de lumière détectables, a été le phénomène qui nous a révélé l’existence du positronium.» Une meilleure compréhension des interactions entre le positronium et d’autres matières pourrait permettre des avancées dans divers domaines allant de l’astrophysique à la médecine. «En médecine, les positons sont au cœur de la tomographie par émission de positons (TEP), par exemple», explique Dermot Green, coordinateur du projet ANTI-ATOM. Dans le cadre du projet ANTI-ATOM, financé par le Conseil européen de la recherche (CER), Dermot Green et ses collègues ont recouru à une combinaison de théorie et de calcul pour élaborer des théories permettant de décrire ces interactions complexes. «Nos travaux fournissent des informations fondamentales sur les interactions des positons avec les atomes et les molécules et, plus généralement, des informations et des points de référence pour d’autres approches théoriques et informatiques du problème quantique à N corps », ajoute Dermot Green.
Zoom sur l’attachement positon-molécule
«Nos travaux ont porté sur le calcul de l’attachement des positons aux molécules», explique Dermot Green. Lorsqu’un positon se lie à une molécule, il lui transmet son énergie, ce qui peut la faire vibrer, explique-t-il. Le positon ne peut pas s’échapper tant qu’il n’a pas récupéré cette énergie. Pendant tout ce temps, il est associé à de nombreux électrons au sein de la molécule, de sorte qu’il s’annihile inévitablement. «Des expérimentateurs pionniers en Californie, dirigés par l’éminent Clifford Surko, ont conçu un piège à positons et un faisceau à énergie réglable et qu’ils ont utilisés pour mesurer ce taux d’annihilation amélioré», souligne Dermot Green.
Élaborer une théorie des interactions
Décrire les interactions des positons avec les atomes et les molécules est très complexe, en raison des fortes interactions quantiques à N corps qui caractérisent ces systèmes. L’équipe s’est donc tournée vers des méthodes théoriques sophistiquées qui trouvent leur origine dans la théorie quantique des champs, et sont adaptées aux systèmes finis de faible énergie. Ces méthodes ont été transposées dans des codes informatiques sophistiqués, les calculs étant effectués sur des grappes de supercalculateurs. «Pour l’aspect informatique, nous avons grandement bénéficié de notre collaboration avec Charles Patterson au Trinity College de Dublin», confie Dermot Green. «Nous avons adapté son code EXCITON, déjà capable d’effectuer des calculs à N corps sur les systèmes électron-matière, pour y inclure les positons.»
Une description pionnière du positon
Le résultat le plus important du projet a été la première description ab initio de la liaison des positons aux molécules en accord avec l’expérience, qui était demeurée très vague depuis des décennies. «Nos résultats concordent parfaitement avec l’expérimentation et fournissent des informations fondamentales, notamment sur la manière d’améliorer la liaison des positons», ajoute Dermot Green. Les chercheurs se proposent à présent d’étendre leurs approches théoriques et informatiques, les utilisant comme base solide pour aborder de nouveaux problèmes, notamment de plus grandes molécules, des grappes, des liquides et d’autres processus fondamentaux tels que la diffusion des électrons et des positons sur les atomes et les molécules. «J’ai obtenu une bourse Consolidator Grant du CER qui nous aidera à atteindre cet objectif», ajoute Dermot Green.
Mots‑clés
ANTI-ATOM, positronium, quantique, problème à N corps, molécule, attachement, théorie, interactions, description