Une idée brillante pour étudier la bioluminescence des champignons
Des lucioles aux méduses, la nature regorge d’espèces bioluminescentes qui émettent de la lumière pour communiquer, chasser ou échapper aux prédateurs. Si ce phénomène fascine toujours autant, son utilisation par les champignons est particulièrement intéressante. En effet, la plupart des espèces de champignons bioluminescents appartiennent aux mycènes (Mycena), un genre très diversifié de petits fonges formant des champignons. «Ce qui est unique, c’est que les 78 champignons bioluminescents différents de ce groupe ne semblent pas être étroitement liés, ce qui suggère une histoire complexe de la perte de bioluminescence à travers les espèces», explique Jorinde Nuytinck, chercheuse au Naturalis Biodiversity Center. Le problème est que cette théorie est presque impossible à vérifier en raison de l’absence de cadre phylogénétique solide, combinée au fait que le genre est extrêmement insaisissable. Du moins, jusqu’à maintenant. Avec le soutien du projet GLiMMer financé par l’UE, Jorinde Nuytinck et sa collègue Brigida Gallone ont créé la première classification des mycènes basée sur le génome et riche en espèces. Ces recherches ont été entreprises avec le soutien du programme Actions Marie Skłodowska-Curie.
Une grande collection de petits champignons
Pour commencer, le projet a rassemblé une vaste collection d’espèces de mycènes. Bien que l’échantillonnage du projet provienne essentiellement de spécimens de fungarium, il comprend également des spécimens collectés par des spécialistes en sciences citoyennes. Afin d’accroître l’étendue géographique et écologique de l’échantillonnage, la collection a privilégié les spécimens provenant de régions non tempérées. «Il est important d’éviter un biais d’échantillonnage, car nous ne savions pas si les mycènes étaient d’origine tempérée ou tropicale», explique Brigida Gallone, chercheuse principale du projet. Ensuite, les chercheurs ont extrait l’ADN génomique de tous les échantillons. Ce processus a non seulement révélé que l’ADN du fungarium provenant de spécimens historiques est fortement dégradé et fragmenté, mais il a aussi permis d’élaborer des assemblages de génomes et des annotations pour dix nouveaux spécimens de mycènes. «Grâce à ce travail, nous avons pu conclure que la diversité des champignons de genre Mycena s’étend bien au-delà de ce que nous connaissons actuellement», ajoute Brigida Gallone.
Les données à l’échelle du génome sont essentielles pour résoudre les questions relatives à l’évolution des champignons
Sur la base de ces résultats, le projet a développé la première approche «muséomique» pour générer des données à l’échelle du génome à partir de spécimens fongiques historiques. L’approche consiste à utiliser un ensemble personnalisé de sondes appelées appâts pour capturer et séquencer les régions cibles pour l’ensemble de la collection de spécimens de mycènes sélectionnés. Le projet a ainsi pu élaborer la première hypothèse phylogénétique basée sur le génome pour le genre Mycena. «Les données à l’échelle du génome sont indispensables pour résoudre les questions clés de l’évolution du règne fongique, et notre approche muséomique ouvre la voie à l’exploration d’un trésor de fungaria», fait remarquer Brigida Gallone.
Un nouvel aperçu de la bioluminescence
Lorsque tous les résultats seront combinés, les chercheurs s’attendent à ce que leur hypothèse phylogénétique basée sur le génome comprenne plus de 200 espèces. «Ce cadre phylogénomique innovant nous permettra d’étudier la diversification du groupe de la bioluminescence en fonction de la présence ou de l’absence de ses composants clés dans un grand nombre d’espèces», note Brigida Gallone. Les chercheurs prévoient de continuer à utiliser leur méthodologie muséomique pour créer une nouvelle classification stable pour le genre Mycena et d’autres groupes de champignons. Les résultats obtenus dans le cadre du projet GLiMMer serviront également de base à de futurs projets et collaborations axés sur une plus grande diversité de champignons. «Malgré la nature hautement fondamentale de ce projet, nous avons fourni des méthodes qui débloquent une vaste diversité naturelle pouvant servir pour déchiffrer l’évolution, caractériser de nouvelles voies de biosynthèse et redéfinir les assignations d’espèces dans un genre qui nécessite une hiérarchisation urgente en matière de conservation», conclut Brigida Gallone.
Mots‑clés
GLiMMer, bioluminescence, fonges, bioluminescent, mycènes, champignons, spécialistes en sciences citoyennes, données à l’échelle du génome