L’imagerie quantique utilisant des paires de photons offre à la science médicale une identification moléculaire non invasive sans précédent
L’imagerie dans l’infrarouge moyen ouvre des perspectives passionnantes dans le secteur biomédical, en permettant aux scientifiques de surveiller et d’identifier de manière non invasive des biomolécules spécifiques telles que les protéines et les lipides. Ces biomolécules peuvent être identifiées grâce à leur schéma d’absorption unique dans l’infrarouge moyen, c’est-à-dire leur «empreinte» moléculaire. Bien qu’il s’agisse d’un outil puissant pour comprendre les systèmes biologiques complexes, un obstacle important freine les progrès: le manque de caméras opérant dans l’infrarouge moyen qui soient à la fois efficaces et performantes.
Une imagerie efficace, compacte et fiable dans l’infrarouge moyen
Le projet FastGhost, financé par l’UE, a été créé pour relever ce défi, en recourant à une approche innovante appelée imagerie fantôme. Contrairement à l’imagerie classique, qui repose sur des caméras standard, l’imagerie fantôme utilise la connexion entre les paires de photons pour créer une image. Lorsque les photons de l’infrarouge moyen atteignent un objet, ils interagissent avec lui et recueillent des informations précieuses sur ses propriétés. Toutefois, pour capturer ces données, c’est un détecteur à pixel unique qui est employé au lieu d’une caméra infrarouge moyen traditionnelle. Pendant ce temps, le «photon partenaire» qui existe dans le spectre de la lumière visible est détecté par une caméra très sensible. La corrélation des informations provenant du détecteur à pixel unique et de la caméra à lumière visible permet d’obtenir une image claire de l’objet. Les chercheurs de FastGhost ont fait progresser l’imagerie fantôme dans l’infrarouge moyen en améliorant les composants clés: sources de paires de photons, détecteurs à photon unique et caméras à diodes à avalanche à photon unique (SPAD pour «single-photon avalanche diode»).
Préparer le terrain pour faire passer la technologie au stade commercial
«Nous avons exploité les protocoles d’imagerie quantique pour surmonter les obstacles techniques à la détection efficace de la lumière infrarouge moyen. L’exploitation des corrélations de fréquences quantiques a ouvert de nouvelles possibilités de détection dans l’infrarouge moyen à l’aide d’une technologie au silicium facilement disponible», note Valerio Flavio Gili, coordinateur du projet. «Cette approche a des implications importantes pour toute une série de domaines, notamment l’imagerie biomédicale, la microscopie, le lidar, la télédétection et la police scientifique.» Le succès de FastGhost repose sur la collaboration avec des entreprises, des universités et des instituts de recherche. L’équipe du projet a mis au point des démonstrateurs de microscopie quantique avancée qui fonctionnent dans l’infrarouge moyen. Parmi les principales réalisations, citons l’optimisation de nouveaux détecteurs de photon unique à nanofils supraconducteurs, la conception de caméras spécialisées en silicium avec des pixels SPAD et la création d’installations de microscopie quantique à champ large et à balayage.
Des résultats impressionnants sur tous les fronts
Le film supraconducteur utilisé pour fabriquer les détecteurs de photon unique a été optimisé pour étendre la gamme de longueurs d’onde des détecteurs à nanofils supraconducteurs actuels fonctionnant au-delà de 2 μm. «Le détecteur a démontré une efficacité allant jusqu’à environ 70 % et une précision temporelle inférieure à 15 ps, ce qui dépasse de loin les références existantes. Ces résultats montrent que FastGhost peut donner une impulsion extrême à la détection de photons uniques à basse énergie dans le régime de faible flux de photons», souligne Valerio Flavio Gili. D’importants progrès ont également été réalisés dans le développement des réseaux SPAD. «Le principal avantage de notre SPAD est l’intégration d’une électronique dans le pixel avec un facteur de remplissage relativement élevé, spécialement conçu pour les mesures de corrélation. Ces avancées pourraient contribuer à remodeler le marché de l’imagerie, en stimulant l’innovation dans les applications quantiques et en favorisant des découvertes dans les environnements à faible luminosité comme la recherche en biophotonique», explique Valerio Flavio Gili. En ce qui concerne les sources de paires de photons, il est difficile d’obtenir une large répartition spectrale entre les photons de l’infrarouge moyen et les photons visibles. Les cristaux de titanyl phosphate de potassium périodiquement polarisé (ppKTP pour «periodically poled potassium titanyl phosphate») servent couramment à cette fin, mais leur transparence diminue au-delà de 3,5 µm. «Pour y remédier, nous avons utilisé une source à base de niobate de lithium périodiquement polarisé (ppLN pour «poled lithium niobate») afin de tirer parti de sa plage infrarouge moyen jusqu’à la coupure, et nous nous sommes appuyés sur les performances bien établies de ce matériau», note Valerio Flavio Gili. «Nous avons aussi testé des cristaux de thiogallate d’argent, qui permettent de générer des paires de photons à des longueurs d’onde allant jusqu’à environ 12 µm. Grâce à cette avancée, nous pourrons ouvrir une toute nouvelle région spectrale pour l’imagerie quantique et les applications de détection», conclut Valerio Flavio Gili.
Mots‑clés
FastGhost, infrarouge moyen, imagerie quantique, détecteur de photon unique, imagerie fantôme, paires de photons