Prévoir les régimes météorologiques des planètes extérieures
Il s’agit d’un moment passionnant pour les planétologues! Les missions Juno et Cassini vers Jupiter et Saturne ont permis de recueillir une pléthore de précieuses données, et le télescope spatial James Webb (JWST) permet aux chercheurs d’étudier plus en profondeur les géantes de glaces, Uranus et Neptune. Parallèlement, les chercheurs ont réalisé que les bandes colorées de Jupiter sont le résultat de flux atmosphériques gargantuesques pénétrant profondément à l’intérieur du fluide. «Nous avons commencé à apprécier le climat de Jupiter comme une forme d’harmonie musicale, avec des changements à l’échelle de la planète au sein de ces bandes qui se produisent dans des schémas répétables et quasi-réguliers, la nature cyclique du climat de Jupiter nous permettant de faire des prévisions des années à l’avance», fait remarquer Leigh Fletcher, professeur de science planétaire à l’école de physique et d’astronomie de l’université de Leicester. Leigh Fletcher, qui était le chercheur principal du projet GIANTCLIMES soutenu par l’UE, explique que nous savons désormais que les températures, les nuages et les gaz de Saturne répondent à la marche des saisons. Et nous disposons des premiers aperçus des mouvements d’air à grande échelle dans la haute stratosphère des lointaines géantes de glaces. Le projet avait pour ambition nous faire entrer dans une ère où nous pourrions prévoir le temps et le climat des quatre planètes géantes, en recherchant des modèles naturels de variabilité climatique à partir de quatre décennies d’observations au sol.
Des dizaines d’années terrestres pour enregistrer une année saturnienne
GIANTCLIMES a rassemblé une vaste base de données d’images infrarouges des quatre géantes, répétant régulièrement ces observations pour suivre l’évolution de leur apparence dans l’infrarouge. Jusque là, personne n’avait exploité cette base de données pour rechercher des modèles de variations climatiques. Cela est en partie dû au fait que l’enregistrement d’une année sur une planète extérieure peut prendre des dizaines d’années terrestres, ainsi les données recueillies depuis les années 1980 couvrent environ trois années joviennes, soit un peu plus d’une année saturnienne. «Les géantes de glaces sont encore plus difficiles à observer, nous ne disposons en effet d’images thermiques infrarouges à résolution spatiale que depuis le début des années 2000», ajoute Leigh Fletcher, qui a bénéficié du soutien du Conseil européen de la recherche. Le lancement du JWST en 2022 a permis au projet d’accéder à des régions du spectre infrarouge jamais observées auparavant, ce avec une sensibilité et une clarté sans précédent. «Nous avons mené un programme JWST pour les planètes géantes au cours de sa première année d’opérations scientifique, en concevant un programme destiné à explorer ces régions jusqu’alors cachées, tout en testant les capacités du nouveau télescope spatial. La possibilité d’observer des objets volumineux, brillants, en mouvement et en rotation à l’aide d’un télescope spatial conçu pour scruter certains des domaines les plus sombres de l’univers était absolument passionnante», explique Leigh Fletcher. Disposant d’un accès aux données, le projet a ensuite dû reproduire ces mêmes spectres dans une simulation informatique, en partant d’hypothèses initiales (température, composition des nuages, type de gaz), puis en les affinant jusqu’à ce que leur modèle corresponde aux données. Leigh Fletcher explique: «C’est un peu comme faire un gâteau, en ajustant tous les ingrédients jusqu’à ce que la saveur soit parfaite. Et nous faisons cela des milliers de fois, avec des spectres provenant de lieux et d’époques différents, afin de constituer notre grande base de données sur le climat».
Des modèles de circulation sur Jupiter depuis Juno
Le projet a permis de déterminer que les oscillations et les modèles pouvaient être responsables de changements gigantesques des couleurs et des conditions au sein des bandes de Jupiter. «Certains modèles étaient si réguliers que l’on pouvait régler sa montre en fonction de ceux-ci, une sorte de battement de cœur atmosphérique.» De nouvelles données ont permis à Leigh Fletcher de voir plus en profondeur la structure en bandes et d’explorer les processus qui façonnent l’apparence rayée de Jupiter, confirmant les théories antérieures sur les modèles de circulation empilés et contrarotatifs. Sa contribution à la compréhension des fluctuations de température de Neptune est décrite dans un communiqué de presse de l’Observatoire européen austral.
Les données du JWST confirment les observations et soulèvent d’autres questions
«Nous attendions les nouvelles observations du JWST depuis si longtemps que lorsque les premières données ont commencé à arriver, toute l’équipe était transportée de joie, les bouchons de champagne ont sauté et nous nous sommes tous rassemblés avec enthousiasme autour de nos ordinateurs portables. Les images et les spectres étaient à la hauteur de nos espérances, nos observations étaient parfaites. Il s’agit d’un véritable trésor qui nous permettra de travailler pendant de nombreuses années au-delà de GIANTCLIMES», annonce Leigh Fletcher. Uranus avec son axe incliné possède le climat et la magnétosphère les plus extrêmes de tout le système solaire; certains endroits de ses lunes glacées n’ont jamais été observés par des yeux humains ni même robotiques. Leigh Fletcher espère qu’une ambitieuse mission de partenariat entre l’Agence spatiale européenne et la NASA pourra être mise sur pied dans les prochaines décennies, afin d’envoyer un orbiteur et une sonde.
Mots‑clés
GIANTCLIMES, planètes extérieures, climatologie globale, géantes de glaces, Jupiter, Juno, télescope spatial James Webb, JWST, modèles de circulation, images infrarouges thermiques à résolution spatiale