Utiliser des champignons pour construire des bâtiments intelligents et durables
Imaginez un bâtiment intelligent fabriqué avec des matériaux de construction écologiques qui auraient la capacité de s’adapter aux changements de lumière, de température et de polluants atmosphériques. Telle est la vision que partage un consortium interdisciplinaire d’architectes, d’informaticiens, de biophysiciens, de mycologues et d’experts industriels en technologies basées sur le mycélium, qui ont collaboré au projet financé par l’UE baptisé Fungal Architectures, ou FUNGAR. Leur objectif était de concevoir un substrat vivant structurel et computationnel entièrement intégré en utilisant le mycélium fongique. Si cet échafaudage filamenteux dense, durable et biodégradable a déjà été utilisé pour produire des matériaux tels que des panneaux acoustiques et isolants, c’est la première fois qu’il est utilisé sous une forme vivante et fonctionnelle.
Un matériau de construction durable
«Les champignons filamenteux peuvent se développer sur les flux de déchets provenant de l’agriculture, de l’horticulture et de la sylviculture. Au cours de leur croissance, les hyphes (les cellules filamenteuses) lient les fibres des déchets entre elles, ce qui produit un matériau qui ressemble à de la mousse», explique Han Wösten, professeur de microbiologie à l’université d’Utrecht. En tant que matériau puits de carbone, le composite de mycélium est susceptible de contribuer à la nécessaire réduction de l’impact environnemental de l’industrie de la construction. Pour mettre au point ce mycélium composite, les chercheurs ont combiné des souches fongiques avec différents types de substrats et de techniques de biotraitement. «Notre projet n’a pas seulement porté sur le régime alimentaire des champignons, mais aussi sur leur résistance aux matériaux conducteurs qui peuvent être utilisés pour permettre aux hyphes fongiques de transporter des informations. En combinant ces deux aspects, la conclusion est que Ganoderma resinaceum et Pleurotus ostreatus sont les champignons de choix», déclare Han Wösten.
Des champignons vivants comme capteurs intelligents
Il était nécessaire de maintenir en vie des segments de mycélium fongique pour les utiliser dans des applications de détection et d’informatique dans le cadre du projet de développement d’un matériau de construction intelligent. «Le mycélium qui a été séché et traité est inactif et donc incapable de fonctionner comme un composant électronique ou de réagir à des stimuli tactiles, chimiques ou optiques par une activité électrique», explique le professeur d’informatique non conventionnelle Andrew Adamatzky rattaché à l’Université de l’Ouest de l’Angleterre, située à Bristol. FUNGAR a permis de mettre en évidence les principes fondamentaux de la communication et de la cognition fongiques, en identifiant des preuves d’actions telles que les pics électriques chez les champignons. Le projet a obtenu des résultats révolutionnaires dans le domaine de l’électronique et de l’informatique fongiques, notamment le développement de capteurs et de vêtements réactifs, ainsi que de prototypes d’oscillateurs, de condensateurs, de memristors et de filtres passe-bas fongiques. Plusieurs prototypes d’ordinateurs fongiques ont été conçus. «Nous avons ouvert la voie à l’électronique et à l’informatique fongiques, en offrant une alternative écologique aux méthodes actuelles de fabrication de dispositifs électroniques, qui ont souvent des effets néfastes sur l’environnement», souligne Andrew Adamatzky.
Un cadre pour le matériel fongique
Afin de construire un matériau intégré, FUNGAR a utilisé une technique de tissage triaxial appelée Kagome pour produire un moule qui reste en place et une surface susceptible d’être colonisée par le champignon. «Le tissage proprement dit des artefacts est haptiquement complexe en termes de maintien et de placement des matériaux, de mouvements pour réaliser l’entrelacement et d’ajustements continus au fur et à mesure que le tissage se développe. Par conséquent, le tissage triaxial automatisé est généralement limité à la production de textiles plans», explique Phil Ayres, professeur d’architecture biohybride au sein de l’Académie royale des beaux-arts du Danemark. Pour relever ce défi, le projet a élaboré un effecteur final de preuve de concept pour une plateforme robotique industrielle avec un système de retour visuel qui permet de modifier la trajectoire en temps réel. Autre réalisation du projet, la mise au point d’une méthode numérique permettant de produire des motifs de tissage à géométries ciblées. Cette méthode a été testée à grande échelle sur un tissu comprenant plus de 50 000 cellules et couvrant une surface d’environ 300 m2. Des recherches supplémentaires sont encore nécessaires pour parvenir à la construction monolithique du substrat visée par le projet. S’il peut être réalisé dans un environnement autre que celui d’un laboratoire, il aura un impact significatif sur l’industrie de la construction.
Mots‑clés
FUNGAR, mycélium fongique, champignons, architecture, durabilité, bâtiment durable, construction, électronique fongique, informatique fongique