Un micro-intestin pour évaluer le risque que présentent les microplastiques pour la santé humaine
Les nanoplastiques et les microplastiques (NMP) sont des débris issus de la dégradation de produits plus volumineux à base de plastique. Les microplastiques présentent généralement un diamètre inférieur à cinq millimètres et les nanoplastiques passent sous le micromètre. Les NMP sont désormais présents partout: dans les océans, les mers, les rivières et les lacs, mais aussi dans les sols, l’atmosphère et même la chaîne alimentaire. «Il y a un débat sur les quantités exactes, qui varient selon le lieu, mais à mesure que nous continuons à utiliser des plastiques, cette quantité augmente évidemment», explique Bastien Venzac, chargé de recherche dans le cadre du projet MIGMIPS, financé par le programme Actions Marie Skłodowska-Curie. Malgré les préoccupations croissantes concernant l’impact des NMP sur la santé humaine, les connaissances sur leur toxicité restent très lacunaires. «Tout d’abord, nous devons savoir quels types de NMP sont capables de traverser les principales barrières défensives du corps humain, à savoir les poumons, l’intestin et la peau», explique Bastien Venzac, rattaché au Centre national français de la recherche scientifique, qui héberge le projet. MIGMIPS a été mis en place dans l’objectif de concevoir une méthode qui permettra de déterminer le diamètre, la composition et la forme des NMP capables de traverser l’épithélium intestinal. Une publication en cours d’élaboration décrit la manière dont un modèle imitant ce tissu a été fabriqué pour évaluer ces éléments.
Une solution d’ingénierie plus précise
La technique classique pour vérifier la perméabilité de la barrière intestinale, ou épithélium, consiste à le cultiver in vitro sur une membrane poreuse, puis à tester quelles particules peuvent traverser la structure. «Mais la plupart des membranes disponibles n’ont pas été conçues pour les NMP, leurs pores étant trop petits pour les laisser passer. De plus, les épithéliums cultivés restent très différents des épithéliums réels», ajoute Bastien Venzac. MIGMIPS a utilisé l’impression 3D à haute résolution pour élaborer une membrane très poreuse, sur laquelle a été cultivé un épithélium intestinal plus précis, capable même de reproduire la forme pliée de cet organe. «À l’origine, nous avions prévu d’imprimer en 3D un hydrogel poreux directement dans la forme voulue, avec une résolution d’environ 20 à 50 micromètres. Mais nous nous sommes rendu compte qu’il ne serait pas assez robuste pour l’épithélium, la taille des pores étant trop petite. Nous avons donc décidé d’utiliser une résine acrylique non poreuse, tout en imprimant une structure en filet à une résolution d’approximativement 500 nanomètres, afin de contrôler la taille des pores au fur et à mesure de l’impression», explique Bastien Venzac. L’équipe teste actuellement l’influence de la conception de la membrane en forme de filet de pêche sur le développement et le fonctionnement de l’épithélium. Jusqu’à présent, en faisant varier la taille des pores du filet ainsi que le diamètre des fibres (de 500 nanomètres à deux micromètres), Bastien Venzac a identifié un seuil de taille des pores d’à peu près six micromètres. Si la taille des pores est supérieure, les cellules passent à travers et ne peuvent donc pas construire un épithélium étanche.
Ce qui n’est pas mesurable est difficilement gérable
Un rapport de l’Organisation mondiale de la santé relatif à l’incidence potentielle sur la santé humaine de l’exposition aux NMP suggère que la concentration de microplastiques dans l’eau potable est supérieure à 100 particules par litre et que les humains inhalent probablement environ 3 000 microplastiques par jour. Malgré le manque de données, on estime que les adultes ingèrent quotidiennement approximativement 0,6 microgramme de microplastiques dans leur alimentation. «Si le rapport de l’OMS n’a pas mis en évidence de risques particulièrement élevés liés aux microplastiques, ce n’est pas parce qu’il n’y en a pas, mais parce que nous ne disposons pas encore des données nécessaires», note Bastien Venzac. Les modèles de MIGMIPS apportent aux chercheurs dans le domaine de la santé un outil permettant d’évaluer la faculté des NMP à pénétrer dans le corps humain et à y causer des dommages. Dans les années à venir, ces données pourraient également s’avérer précieuses pour les décideurs politiques quand il s’agira d’élaborer la législation visant à gérer la pollution plastique et la menace des microplastiques. À cette fin, l’équipe commencera l’année prochaine à tester la capacité des NMP à traverser la barrière intestinale.
Mots‑clés
MIGMIPS, intestin, microplastique, nanoplastique, épithélium, membrane, impression 3D, toxicité, santé