L’intelligence artificielle pourrait aider à anticiper les effets catastrophiques des futurs tremblements de terre
Depuis les années 1960, les géophysiciens tentent de prédire les tremblements de terre, sans succès jusqu’à présent. L’anticipation d’un tel événement nécessite une cartographie et une analyse approfondies des propriétés de la croûte terrestre. C’est le défi qu’a relevé l’équipe de chercheurs à l’origine de F-IMAGE. Leur objectif était de développer une nouvelle imagerie fonctionnelle de la croûte fragile afin d’élucider non seulement les propriétés structurelles mais aussi la dynamique des failles. Pour ce faire, ils ont utilisé des observations sismiques existantes de haute qualité qui sont conservées dans de grandes banques de données. Dans cette optique, l’utilisation de l’IA s’est avérée essentielle pour l’évaluation probabiliste des risques sismiques. «L’IA nous permet d’apprendre les relations statistiques entre ces paramètres et les enregistrements d’accélération du sol. L’IA peut donc exploiter pleinement de vastes ensembles de données pour décrire de manière probabiliste le mouvement du sol attendu pour un tremblement de terre particulier», explique Michel Campillo, sismologue français et coordinateur du projet. En évaluant l’évolution à court terme des failles (régions où des fractures géologiques se sont produites, souvent associées à des tremblements de terre et à d’autres activités tectoniques), il devient possible de mieux comprendre les processus physiques à l’origine des grands tremblements de terre et donc d’améliorer l’évaluation des risques.
Analyse non supervisée à l’aide de l’IA
Cela n’aurait pas été possible sans l’utilisation de l’IA. «Dans cet immense ensemble de données, qu’il est impossible d’analyser en détail sans ordinateur, il existe des signaux évidents comme les grands tremblements de terre, mais nous avons l’intention d’aller plus loin avec des signaux faibles et des évolutions continues des roches de la croûte», explique Michel Campillo. L’application de l’apprentissage profond, un sous-domaine de l’IA qui utilise des réseaux neuronaux artificiels pour imiter la façon dont les neurones du cerveau interagissent avec de multiples couches de traitement, permet de modéliser avec succès des relations et des modèles complexes au sein des données. Par ailleurs, l’utilisation de l’IA pour apprendre aux machines à reconnaître les tremblements de terre et à les détecter très rapidement parmi de grandes masses de données s’est accélérée ces dernières années. Mais ce qui différencie le projet F-IMAGE, c’est son approche qui repose sur l’apprentissage non supervisé, un type d’analyse de données sans données d’entraînement étiquetées. «L’idée est d’utiliser une représentation mathématique des signaux qui soit optimale dans le sens où elle capture de nombreuses propriétés à différentes échelles de temps et permet d’exprimer un maximum d’informations», explique le coordinateur du projet. En outre, il est possible d’extraire des informations globales sans aucune hypothèse préalable, sans s’appuyer uniquement sur des caractéristiques apprises. Cette approche de l’exploration des données tire donc parti des outils et de l’expertise de l’IA, en particulier lorsqu’il s’agit de traiter de vastes ensembles de données.
Avancées méthodologiques
En plus de faire progresser l’utilisation de l’apprentissage non supervisé, le projet a introduit une technique de détection et de localisation des petits tremblements de terre. Cette méthode utilise des données issues d’un réseau de capteurs ou d’observatoires et tient compte de contraintes physiques, telles que les variations du temps de propagation des ondes sismiques à travers la Terre. En tenant compte de ces propriétés globales et de ces contraintes physiques, la technique du projet améliore la précision et l’efficacité de la détection et de la localisation des tremblements de terre. Pour améliorer la capacité de détection des tremblements de terre, les chercheurs ont introduit des étapes de quantification statistique dérivées directement de méthodes d’apprentissage profond et alimentées par de grandes bases de données étiquetées. Le projet a joué un rôle crucial dans l’avancement des techniques utilisant les vibrations sismiques de fond pour créer des images des caractéristiques géologiques de la Terre et de leurs changements temporels. «F-IMAGE est une approche innovante dans le domaine de la sismologie, un domaine qui évolue rapidement. Elle se concentre sur les zones de faille et utilise diverses avancées méthodologiques telles que l’utilisation d’ondes de volume, l’exploitation des techniques d’imagerie acoustique et optique, l’analyse de l’énergie sismique multidiffusée», explique Michel Campillo. À l’avenir, les développements méthodologiques sur lesquels Michel Campillo et son équipe ont travaillé pourraient être appliqués à d’autres domaines, car ces techniques innovantes sont utiles au-delà de la sismologie. Les professionnels travaillant dans le secteur médical ou industriel, par exemple, bénéficieront d’un meilleur suivi et d’une meilleure analyse des données.
Mots‑clés
F-IMAGE, IA, tremblements de terre, sismique, mouvement du sol, apprentissage profond, sismologie, dynamique des failles