Le kérosène synthétique issu de sources renouvelables pourrait faciliter la transition vers des vols sans émissions
Ce substitut au kérosène d’origine fossile peut sembler utopique, pourtant c’est un concept que le projet KEROGREEN, financé par l’UE, a prouvé à l’échelle expérimentale et partiellement à l’échelle réelle. «En utilisant l’énergie renouvelable et le CO2 de l’atmosphère, nous parvenons à créer un circuit fermé du carbone pour la production de carburants à base d’hydrocarbures. Nous pouvons ainsi continuer à utiliser l’infrastructure de stockage et de distribution existante et, surtout, la même technologie de moteur d’avion», note le coordinateur du projet, Adelbert Goede. Les carburéacteurs synthétiques comme le kérosène, utilisés directement dans les moteurs d’avion actuels, peuvent être fabriqués à partir de gaz de synthèse, un mélange de monoxyde de carbone (CO) et d’hydrogène. Or, l’objectif de KEROGREEN était de produire une forme de gaz de synthèse verte, neutre en carbone et qui n’implique pas d’émissions additionnelles. «Ce problème a été résolu en convertissant l’eau et l’air (CO2) en carburants à haute densité énergétique alimentés par de l’électricité renouvelable», explique Adelbert Goede.
Une voie non conventionnelle pour convertir le CO2 en carburant
L’idée d’extraire le CO2 de l’atmosphère et de le convertir en carburant est simple. À l’état plasma, le CO2 peut être efficacement divisé en CO et en oxygène (O2), mais il s’agit de l’étape la plus énergivore du processus. Mélangé à de l’eau, le gaz de synthèse est formé par le biais de la réaction du gaz à l’eau bien connue, puis est converti en hydrocarbures liquides (kérosène) grâce au processus de Fischer-Tropsch tout aussi bien maîtrisé. L’électrolyse à haute température et la plasmolyse sont couramment utilisées pour la conversion du CO2. Toutefois, ces deux méthodes présentent des avantages et des inconvénients lorsqu’elles sont utilisées séparément. Par exemple, l’électrolyse à haute température est très efficace sur le plan énergétique et sépare directement le CO et l’O2, mais elle repose sur l’utilisation de matériaux d’électrodes rares qui se dégradent avec le temps. À l’inverse, outre le fait qu’elle se déclenche et s’arrête instantanément, ce qui répond bien à la nature intermittente de l’électricité renouvelable, la plasmolyse s’appuie sur des matériaux d’électrode plus abondants. Cependant, elle nécessite une étape supplémentaire pour séparer l’O2 du CO et du CO2. KEROGREEN propose une voie durable pour la production de CO en combinant ces deux méthodes. Dans ce processus couplé, le mélange gazeux de plasmolyse du CO2 est acheminé vers une cellule d’électrolyse à oxyde solide (SOEC) pour séparer les gaz produits. L’O2 est transféré d’un côté du SOEC, où il est éliminé. Le CO et le CO2 restants sont transportés vers une usine chimique pour la synthèse de carburants liquides. Les résultats montrent que les flux de produits du processus couplé plasma-électrolyse contient 91 % d’O2 de moins et 138 % de CO de plus que ceux générés par la plasmolyse seule. En outre, les tests de durabilité (environ 100 h) révèlent une meilleure stabilité du matériau d’électrode en pérovskite pour le processus couplé que pour l’électrolyse du CO2 seule. La densité énergétique joue un rôle important dans la détermination de l’autonomie de vol. «Les carburants durables à haute densité énergétique sont essentiels pour les vols long-courriers. Nous estimons que le kérosène synthétique fabriqué à partir d’eau et de CO2 à l’aide d’énergie renouvelable sera une solution plus appropriée pour alimenter les futurs aéronefs. L’hydrogène seul (même sous sa forme liquide) est trop encombrant, et les batteries ajoutent trop de poids aux avions», souligne Adelbert Goede. En outre, le kérosène vert synthétique n’émet pas de soufre et moins de suie, tandis que les émissions d’oxyde d’azote sont réduites au minimum.
Le procédé parfait pour les systèmes décentralisés reposant sur les énergies renouvelables
«La technologie innovante de KEROGREEN, qui tient dans un conteneur d’expédition, est modulaire, évolutive et bien adaptée aux installations de production distribuées à petite échelle situées dans des zones reculées, par exemple un parc éolien en mer ou un parc solaire dans le désert», affirme Adelbert Goede. Toutes les étapes de la conversion du CO2 via le processus plasma-électrolyse ont été démontrées au niveau de maturité technologique 3. Les chercheurs travailleront à la mise à l’échelle du séparateur O2 dans le cadre d’un projet de suivi.
Mots‑clés
KEROGREEN, CO2, monoxyde de carbone, gaz de synthèse, kérosène synthétique, vols long-courriers, SOEC, cellule d’électrolyse à oxyde solide