Intégrer l’IA prédictive dans les flux de gestion du trafic aérien
L’organisation du ciel européen est une opération délicate qui repose sur les efforts de collaboration des compagnies aériennes et des autorités au sol. Les systèmes de gestion du trafic aérien (ATM pour «air traffic management») de nouvelle génération sont mus par deux objectifs parfois contradictoires: rendre les processus ATM plus efficaces, tout en renforçant la sécurité. L’intelligence artificielle (IA) pourrait jouer un rôle majeur dans cette évolution. Les systèmes d’IA peuvent analyser de grands volumes de données, ce qui ouvre la voie à une automatisation accrue et à de nouveaux outils d’aide à la décision basés sur des informations prédictives. Les contrôleurs aériens pourraient par exemple être informés bien à l’avance des approches potentiellement manquées par les avions, ce qui leur permettrait d’améliorer l’organisation du trafic à l’atterrissage et au décollage ainsi que la capacité des pistes. Cela pourrait atténuer les répercussions lorsqu’un avion est obligé d’effectuer un tour de piste autour de l’aérodrome au lieu d’atterrir, une procédure appelée remise des gaz. Toutefois, alors que les systèmes de pointe de contrôle du trafic aérien actuels s’appuient sur des informations dont la véracité a été établie, les prédictions de l’IA reposent sur des probabilités, ce qui introduit un certain degré d’incertitude. La sécurité étant primordiale dans l’aviation, les contrôleurs devront être en mesure de faire confiance aux informations qu’ils reçoivent. Le projet SafeOPS, financé dans le cadre de l’entreprise commune SESAR, a pour objectif de découvrir comment intégrer au mieux ces technologies prédictives dans les systèmes ATM humains existants, afin de renforcer la confiance accordée par les contrôleurs aux prédictions de l’IA. «Les systèmes prédictifs doivent prouver leur aptitude à augmenter la capacité et à afficher une bonne rentabilité, ou à améliorer la sécurité et la résilience de l’ATM», explique Lukas Beller, coordinateur du projet affilié à l’université technique de Munich, en Allemagne. «Idéalement les deux», ajoute-t-il.
Prédire les remises des gaz à l’avance
Pour étudier l’impact de l’intégration de l’IA dans l’ATM, l’équipe SafeOPS a commencé par organiser une série d’ateliers avec des experts, des contrôleurs de tour et d’autres spécialistes de l’aviation. «Au cours de ces ateliers, nous avons défini des scénarios de référence dans lesquels les remises des gaz sont difficiles à gérer, en faisant appel aux méthodes et aux outils les plus modernes», explique Lukas Beller. Une fois ces situations définies, l’équipe a entrepris de concevoir un système prototype qui simule les scénarios de référence à l’aide d’informations créées grâce à l’apprentissage automatique prédictif, un sous-domaine de l’IA. Grâce à ce prototype, l’équipe a pu recueillir des estimations initiales quantifiables concernant la qualité des prédictions des remises des gaz. «Les remises des gaz sont des événements très rares, qui sont donc délicats à quantifier», fait remarquer Lukas Beller. L’équipe a ensuite discuté des résultats des expériences prototypes lors d’autres ateliers avec des contrôleurs aériens, afin de vérifier si les scénarios de référence reflétaient toujours raisonnablement la réalité, avant d’adapter les résultats en conséquence. Ce va-et-vient d’ajustements entre l’homme et la machine devrait permettre une meilleure intégration dans le flux de travail existant. Parallèlement, l’équipe SafeOPS s’est efforcée d’adapter les cadres de risques existants dans le secteur de l’ATM, en tenant compte des estimations des risques potentiels liés à l’introduction des prédictions de l’IA.
Des prédictions extrêmement fiables pour le contrôle du trafic aérien
Selon Lukas Beller, les premiers résultats ont déjà été surprenants. Les premières recherches montrent que les contrôleurs aériens acceptent que l’IA ne parvienne pas à prédire chaque remise des gaz, à condition que les événements soient prédits avec un taux de confiance d’au moins 90 %. Cela semble logique du point de vue opérationnel, d’après Lukas Beller. Le projet SafeOPS doit s’achever à la fin de l’année 2022. «J’espère que nous pourrons présenter et mesurer l’impact positif de notre outil d’IA sur la sécurité et la résilience de l’ATM», conclut Lukas Beller.
Mots‑clés
SafeOPS, trafic, aérien, gestion, IA, sécurité, résilience, capacité, contrôleur