L’étude des propriétés des fluides renforce le potentiel de la géothermie
Sous nos pieds, dans les entrailles de la Terre, gît une source naturelle d’énergie. Les centrales géothermiques utilisent des fluides chauds qui proviennent de réservoirs souterrains profonds. Une fois pompé jusqu’à la surface, le fluide est soit utilisé directement pour entraîner une turbine, soit il passe par un échangeur de chaleur, où il transmet sa chaleur à un fluide caloporteur, qui entraîne ensuite une turbine. La turbine est reliée à un générateur, qui produit de l’électricité. «À mesure que la pression et la température changent, le fluide du réservoir est soumis à des processus chimiques ou physiques qui modifient sa composition ou ses caractéristiques. Ces modifications comprennent notamment la précipitation des minéraux, qui entraînent l’obstruction des conduites, la corrosion des composants de la centrale ou le dégazage, autant de facteurs qui ont une incidence négative sur le fonctionnement de la centrale et sur les coûts généraux du projet», explique Simona Regenspurg, coordinatrice du projet REFLECT, financé par l’UE. Les prévisions actuelles des modèles sont entachées de nombreuses incertitudes, car le prélèvement d’échantillons et la mesure des fluides in situ dans des conditions extrêmes (c.-à-d. dire en présence de fluides extrêmement chauds ou salins) posent un défi de taille, tant pour les équipements que pour les procédures analytiques.
Surmonter les difficultés liées à l’extraction de l’énergie géothermique
REFLECT a choisi de s’attaquer au problème à sa source en collectant des données chimiques, physiques et microbiologiques de haute qualité à des niveaux de salinité, des pressions et des températures extrêmes issues de mesures de terrain. Des expériences en laboratoire et des modèles prédictifs ont permis de mieux comprendre les processus de précipitation, de corrosion et de dégazage. «Les partenaires du projet ont collecté des données provenant de plus de 3 000 échantillons de fluides prélevés sur des sites géothermiques de leur pays ou de recherches documentaires provenant de sources accessibles gratuitement. Dans le cadre du projet, nous avons également prélevé 80 échantillons de fluide sur des sites retenus», fait remarquer Katrin Kieling, responsable du projet. Toutes les données collectées ont alimenté l’atlas européen des fluides géothermiques, une base de données qui regroupe les données géothermiques, notamment les propriétés géographiques, géologiques, physiques, chimiques et microbiennes des fluides, ainsi que leur échelle de profondeur. Ces données ont également alimenté des modèles prédictifs qui peuvent servir de guide pour assurer le fonctionnement optimal des systèmes géothermiques. La photo ci-dessus montre le filtrage d’un fluide géothermique afin de procéder à une analyse microbiologique lors d’un prélèvement d’échantillon sur le site géothermique de Bad Blumau, en Autriche. «L’atlas des fluides géothermiques constitue la première collection de données physiques et chimiques sur les fluides des puits géothermiques en Europe. Il facilite la sélection des emplacements potentiels pour les nouvelles centrales géothermiques et permet d’assurer une conception et un aménagement efficaces de ces dernières», précise Simona Regenspurg.
Des données de meilleure qualité grâce aux expériences et à l’innovation
Les chercheurs de REFLECT ont réalisé un examen exhaustif des composés organiques et de la vie microbienne dans les fluides géothermiques profonds. Ces données pourraient contribuer à mieux prévoir l’incidence de l’activité microbienne sur le fonctionnement des centrales électriques. Les microbes pourraient notamment entraîner la précipitation de minéraux, qui réduirait les performances de la centrale. Les chercheurs ont également développé la suite logicielle porousMedia4Foam, en source libre, qui permet de simuler les processus hydrogéochimiques à toutes les échelles. La géochimie est traitée par PHREEQC et est combinée au solveur d’écoulement et de transport d’OpenFOAM®. La suite logicielle a été perfectionnée afin de modéliser la nature de l’écoulement des fluides dans les puits de production géothermique. De nombreuses expériences ont été menées en laboratoire. Par exemple, des expériences de dégazage de CO2 ont été menées pour déterminer la pression du point de bulle et le taux de formation des bulles à différents niveaux de salinité et températures. La connaissance de ces paramètres est essentielle si l’on souhaite empêcher le blocage des voies d’écoulement dans les réservoirs géothermiques. Afin d’améliorer davantage la collecte de données à l’avenir, les chercheurs ont mis au point une technique d’échantillonnage en fond de puits, qui élargira de manière considérable la plage des conditions de température et de pression pour l’échantillonnage des puits chauds et super-chauds, ce qui permettra de créer un aménagement plus durable des installations destinées aux systèmes géothermiques super-chauds.
Recommandations pour prévenir les problèmes avant qu’ils ne surgissent
«Les résultats de REFLECT auront une incidence majeure sur l’efficacité opérationnelle, le coût des projets et la viabilité des centrales géothermiques», fait remarquer Simona Regenspurg. «La redéfinition des propriétés des fluides géothermiques et de leurs constantes de réaction géochimique sur une large plage de niveaux de salinité et de températures permettra de combler une profonde lacune dans les connaissances, ce qui se traduira par des prévisions plus fiables des performances des centrales géothermiques.»
Mots‑clés
REFLECT, centrale géothermique, fluide caloporteur, énergie géothermique, précipitation, dégazage, corrosion, OpenFOAM®, géothermique, géochimique