Un traitement redonne une nouvelle brillance à l’aluminium
Pratique et très prisé, l’aluminium est un matériau courant utilisé dans les lignes électriques, les appareils ménagers, l’électronique grand public, les composants aéronautiques, les voitures électriques et les bâtiments modernes. La liste des domaines dans lesquels ce matériau a fait ses preuves ne fait que s’allonger. Malgré la valeur inestimable de ce métal argenté à la fois léger, robuste et résistant à la corrosion, sa production se heurte à un obstacle de taille: les boues rouges, formellement appelées résidus de bauxite.
Augmentation du stock de boues rouges
Les résidus de bauxite sont un mélange caustique de différents composés d’oxydes comme les oxydes de silicium, de fer, d’aluminium, de calcium, de titane et de sodium. Déchets industriels générés par la fabrication d’alumine suivant le procédé Bayer, les résidus de bauxite renferment souvent des fragments d’éléments de terres rares; et ceux-ci s’accumulent. «Comme leur nom l’indique, les résidus de bauxite sont les restes du traitement du minerai de bauxite pour en extraire l’alumine. L’alumine extraite est ensuite utilisée dans la production d’aluminium primaire», fait remarquer Efthymios Balomenos, conseiller principal à l’entreprise d’énergie et d’aluminium MYTILINEOS, en Grèce. La quantité de déchets générée donne le tournis. «Environ 2 tonnes d’alumine sont nécessaires pour produire 1 tonne d’aluminium métallique. Une tonne d’alumine produite génère en moyenne 0,8 tonne de résidus de bauxite en Europe.» Pour estimer les déchets accumulés, il faut tenir compte du fait qu’environ 4 millions de tonnes d’aluminium sont produites chaque année en Europe, ce qui ne représente que 8 % de la production mondiale. «Il ne fait plus aucun doute que les résidus de bauxite s’accumulent, étant donné que seul 3 % d’entre eux sont réutilisés en tant que matière première», ajoute Efthymios Balomenos.
Des technologies pour éliminer les flux de déchets
Efthymios Balomenos coordonne le projet RemovAL, financé par l’UE, que son entreprise dirige depuis 2018. RemovAL entend rassembler certaines technologies qui contribuent à transformer les résidus de bauxite en produits et matières premières de grande valeur et à les développer dans le cadre de pilotes industriels. L’étape suivante consiste à les combiner dans des schémas durables capables de parvenir à une valorisation complète des résidus de bauxite dans des usines d’alumine spécifiques tout en affichant une production de déchets proche de zéro. «Notre particularité par rapport aux initiatives de pointe, c’est que non seulement nous contribuons à améliorer la maturité technologique des solutions de traitement de l’aluminium, mais nous jetons aussi les bases de la conception de nouveaux écosystèmes industriels et de nouvelles chaînes de valeur impliquant la réutilisation des résidus de bauxite», explique Efthymios Balomenos. Les tentatives de démonstration des technologies de traitement des résidus de bauxite par les chercheurs se sont jusqu’à présent relevées fructueuses. Au sein d’une unité pilote de MYTILINEOS, puis dans une autre raffinerie en Irlande, les chercheurs ont fait la démonstration d’une nouvelle méthode de traitement des résidus capable de réduire la concentration alcaline des résidus de bauxite, en maintenant sa concentration en oxyde de sodium en dessous de 0,5 % en poids. Cette percée ouvre une pléthore de nouvelles applications permettant de tirer parti des résidus de bauxite traités. Parallèlement à d’autres sous-produits industriels, les résidus de bauxite ont été utilisés pour produire un substrat stable et sûr pour la construction de routes, comme cela a été démontré dans une application pilote en Irlande. Les agrégats légers et les liants de haute performance pour les bâtiments sont d’autres applications passionnantes des résidus de bauxite. Une usine pilote en Allemagne a démontré la production d’agrégats légers à partir de résidus de bauxite, alors que l’Université KU Leuven a développé un nouveau liant à haute résistance. En Norvège, les chercheurs s’attachent à faire passer la production d’un alliage, le ferrosilicium, à l’échelle supérieure en chauffant des résidus de bauxite et d’autres sous-produits industriels issus de la production primaire d’aluminium, comme la brasque, dans un four à arc électrique. Les scories produites par ce processus sont utilisées dans des pilotes hydrométallurgiques déployés en Grèce et en Allemagne dans le cadre du projet, afin de récupérer les oxydes d’aluminium et de titane ainsi que des matières premières critiques comme le scandium et le gallium. RemovAL ouvre une voie durable à la valorisation des résidus de bauxite et des autres sous-produits industriels issus de ses usines pilotes, en prenant en compte les caractéristiques des déchets, la logistique et le potentiel de synergie avec d’autres usines situées à proximité. «Sur le long terme, nous prévoyons de parvenir à une réutilisation à 100 % des résidus de bauxite, ce qui apportera des avantages substantiels en matière de préservation de l’environnement et de ressources. La production européenne des matières premières critiques comme le scandium et le gallium constitue un avantage supplémentaire», conclut Efthymios Balomenos.
Mots‑clés
RemovAL, résidus de bauxite, boues rouges, alumine, production d’aluminium, usine pilote, MYTILINEOS