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De nouveaux algorithmes pour mieux prédire le risque de cancer du sein

Les données cliniques obtenues auprès de 120 000 personnes aideront bientôt les femmes européennes à évaluer leur risque de développer un cancer du sein au cours de leur vie. Le projet BRIDGES a utilisé ces données pour mettre au point un outil capable de combiner divers facteurs de risque en un score de risque unique.

Dans l’UE, quelque 90 000 femmes décèdent chaque année du cancer du sein, malgré l’efficacité relativement élevée des traitements de première intention. Pour celles ayant une prédisposition génétique, la maladie peut être évitée grâce à un dépistage intensifié, à la chimioprévention ou à la chirurgie prophylactique. Mais même pour les femmes les plus prudentes et les mieux informées, ces efforts sont encore très aléatoires. Le problème est que les risques de cancer associés à la plupart des variantes génétiques sont encore inconnus ou présentent de grandes incertitudes. Pour pouvoir mieux conseiller et prendre en charge les patientes, les praticiens doivent pouvoir disposer de méthodes d’évaluation plus fiables. Le projet BRIDGES (Breast Cancer Risk after Diagnostic Gene Sequencing) a été lancé en 2015 pour permettre une identification plus précise des femmes présentant un risque élevé de cancer du sein. Peter Devilee, coordinateur du projet au nom du Centre médical universitaire de Leyde (LUMC), évoque les avancées du projet et leur impact attendu sur les soins futurs contre le cancer.

Quels sont les obstacles qui subsistent à l’association de gènes spécifiques avec les risques de développer un cancer du sein?

Peter Devilee: Nous sommes en mesure d’associer significativement un gène au risque de cancer du sein depuis un certain temps déjà, mais un problème persiste effectivement avec les intervalles de confiance des tailles d’effet qui sont généralement trop larges. En outre, les analyses d’association existantes ont été menées sur des échantillons trop petits, ce qui signifie que certaines associations découvertes pourraient être erronées. Avant le lancement de notre projet, nous nous sommes interrogés sur la manière de déterminer au mieux cette taille d’effet, car beaucoup des approches actuelles introduisent des biais statistiques. Le principal obstacle réside dans la taille de l’échantillon et la nécessité de décrire de manière exhaustive et précise le dossier médical de la patiente.

Que proposez‑vous pour surmonter ces problèmes?

Nous avons proposé deux choses dans le cadre de notre projet: La première est d’étudier l’association du cancer du sein avec chaque gène testé par les entreprises commerciales sur leurs «panels d’oncogènes» dans une très grande série de cas et de contrôles. Le second objectif se concentre sur les gènes qui étaient déjà solidement associés au cancer du sein: Nous souhaitons évaluer avec la plus grande précision possible leur taille d’effet, c’est‑à‑dire essayer de réduire les intervalles de confiance actuels. Nous avions auparavant élaboré un très grand ensemble de données cas‑témoins avec des échantillons d’ADN et des données cliniques étendues, couvrant plus de 120 000 femmes de la population générale, ce qui nous a donné une longueur d’avance.

Avez‑vous également utilisé d’autres sources de données?

Non, mais le projet nous a obligés à générer le séquençage de l’ADN des gènes de l’ensemble des femmes ayant participé à nos études. Compte tenu de la taille importante de l’échantillon — ce qui était sans précédent en 2014, lorsque le projet a été conçu — nous devions développer une méthodologie à très haut débit et à très faible coût par échantillon. Nous avons finalement réussi à séquencer 35 gènes pour un prix inférieur à 10 euros par échantillon.

Quels sont les résultats les plus significatifs du projet?

Le projet a permis de réduire les intervalles de confiance pour les cinq gènes «majeurs» du cancer du sein: BRCA1, BRCA2, PALB2, CHEK2 et ATM. Quatre autres gènes (BARD1, RAD51C, RAD51D, TP53) ont également été définitivement identifiés comme des «gènes du cancer du sein». Cela aura des répercussions cliniques importantes pour les femmes recevant des conseils en matière de génétique. Nous avons exclu 19 gènes de l’association avec le cancer du sein, bien qu’il reste une faible possibilité que ces gènes soient associés à un très faible risque (la rareté de leur occurrence a empêché l’exclusion des risques < 2 fois). Pour plusieurs autres gènes, l’étude a trouvé des associations suggestives avec, par exemple, certains sous‑types de cancer du sein tels que le cancer du sein à récepteurs d’œstrogènes négatifs, qui présente certaines caractéristiques pronostiques. Des études de suivi de plus grande envergure devront permettre de déterminer si ces associations sont réelles ou non.

Comment fonctionnent exactement vos outils en ligne? Qui peut les utiliser?

Les résultats de notre étude sont actuellement intégrés dans un outil en ligne appelé CanRisk. L’algorithme qui s’exécute en arrière-plan de cet outil s’appelle BOADICEA et a été développé par l’un des partenaires de BRIDGES, l’université de Cambridge. L’outil combine divers facteurs de risque, génétiques ou non (tels que les antécédents familiaux, l’IMC, le statut hormonal, la parité, etc.), en un score de risque unique. Grâce à ce score, les femmes savent quel est leur risque de développer un cancer du sein au cours de leur vie. N’importe qui pourrait utiliser cet outil, mais le protocole de saisie des variables est pour l’instant si strict et exigeant que son utilisation reste destinée aux prestataires de soins de santé, par exemple des conseillers en génétique.

Quels sont les avantages concrets pour les patientes?

Cet outil est principalement destiné aux femmes en bonne santé qui souhaitent prévenir le développement du cancer du sein. Il s’agit, par exemple, de femmes qui pensent présenter un risque (par exemple parce que leur mère a développé un cancer du sein) et qui envisagent des mesures préventives telles qu’une prophylaxie, un dépistage plus intensif ou une adaptation de leur mode de vie. Pour les patientes atteintes d’un cancer du sein, cet outil pourrait aider à prédire les chances de développer un second cancer du sein, mais cette fonctionnalité est encore en cours de développement.

Quels sont vos plans pour la suite, si vous en avez?

Comme cet outil a été validé en externe et a obtenu le marquage CE en tant que dispositif médical, il est prêt à être introduit dans les cliniques spécialisées dans le cancer familial, et plusieurs centres explorent déjà son utilisation. Nous devrons déterminer quand l’utiliser, comment l’utiliser et comment les femmes réagiront à cette connaissance du risque personnalisé. Un autre impact potentiel est lié aux programmes de dépistage du cancer du sein mis en œuvre dans de nombreux pays de l’UE. Ces programmes sont généralement proposés aux femmes atteignant un certain âge, mais nombreux sont ceux qui préconisent une entrée dans ces programmes en fonction du risque, ce qui devrait s’avérer plus rentable. Mais ce n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Nous avons besoin de davantage de preuves de l’efficacité de notre solution, ce qui implique de vastes efforts au niveau de la population, dans le cadre desquels les femmes peuvent exploiter les données génétiques pour améliorer leur santé personnelle. C’est une question qui fait l’objet d’une grande attention dans le nouveau programme Horizon Europe Health.

Mots‑clés

BRIDGES, cancer du sein, algorithmes, données cliniques, variants génétiques, prédiction

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