Construire des chromosomes fonctionnels pour caractériser la réplication de la chromatine
Alors que la génétique concerne l’héritage des séquences d’ADN, l’épigénétique porte sur la façon dont l’expression de ces séquences est héritée au cours de la division cellulaire. Ces «profils d’expression» génétique contribuent à expliquer les caractères héréditaires. La clé de l’épigénétique se trouve au niveau de la réplication des chromosomes, qui implique une copie exacte des séquences d’ADN, ainsi que la duplication de l’ensemble des facteurs responsables de l’empaquetage de l’ADN et de la régulation de son expression. Pourtant, les mécanismes moléculaires précis à la base de ces processus de copie sont encore largement méconnus. S’appuyant sur les succès précédents de l’équipe en matière de reconstitution de la réplication de l’ADN eucaryote à l’aide de levures, le projet CHROMOREP, soutenu par l’UE, a été le premier à utiliser des protéines purifiées pour approfondir l’étude de la réplication des chromosomes. «Notre approche offre un outil, qui faisait jusqu’ici défaut, permettant d’étudier l’épigénétique et d’en apprendre davantage sur la façon dont la chromatine influence les sites d’initiation et la chronologie de la réplication», explique John Diffley, coordinateur du projet à l’institut Francis Crick, qui en est l’hôte.
L’héritage épigénétique
Au niveau cellulaire, l’un des aspects les plus importants de l’épigénétique concerne l’héritage des «états d’expression génétique». Deux cellules peuvent avoir des séquences d’ADN identiques, mais l’une d’entre elles, par exemple une cellule sanguine, exprimera des gènes différents par rapport à un autre type de cellule comme une cellule de la peau. Si de nombreuses expressions génétiques sont dynamiques et redéfinies à chaque cycle cellulaire par des facteurs de transcription, certaines restent stables sur plusieurs générations, un phénomène connu sous le nom d’«héritage épigénétique». Dans l’héritage épigénétique, les protéines histones, liées à l’ADN pour former des paquets appelés nucléosomes, sont perturbées pendant la réplication de l’ADN. Les histones, ainsi que les éventuelles modifications chimiques, sont alors redéposées au même endroit sur les molécules d’ADN des brins «filles» (chromatides). Ces derniers sont créés une fois que la double hélice a été séparée en deux brins uniques et que chaque brin a été copié. Les chromatides résultantes rétablissent alors les profils d’expression génétique.
Mettre en évidence les mécanismes précis de la réplication des chromosomes
L’équipe de CHROMOREP a exprimé et purifié toutes les protéines nécessaires à la réplication des chromosomes, sur de l’ADN nu, et les a reconstituées à l’aide de leurs modèles de chromatine. Ils sont parvenus à combiner environ 30 protéines purifiées pour répliquer la chromatine. «Les réactions complètes de réplication de la chromatine sont extraordinairement complexes en raison du grand nombre de parties mobiles. Parvenir à purifier et à utiliser 30 protéines différentes, c’est de la biochimie de pointe», explique John Diffley. L’équipe a découvert qu’il lui suffisait de l’intégralité du réplisome et d’une protéine chaperonne d’histone connue sous le nom de FACT pour parvenir à répliquer les chromosomes. Cela a été mis en évidence par la redéposition des histones sur les chromatides filles. Les réplisomes constituent la machinerie moléculaire responsable de la réplication de l’ADN. Les chaperons d’histones sont des protéines qui se lient aux histones, faisant office de véhicule pour leur transport. «Les histones étant fortement chargées positivement et l’ADN étant fortement chargé négativement, leurs interactions doivent être “chaperonnées” pour veiller à ce qu’elles se produisent au bon endroit et au bon moment», ajoute John Diffley. En apportant un meilleur éclairage sur les mécanismes de réplication des chromosomes, l’équipe espère pouvoir reconstituer les profils de réplication à l’échelle du génome et aller au-delà des systèmes utilisant des levures en travaillant avec des protéines humaines. «Notre travail permet d’expliquer l’héritage épigénétique au niveau moléculaire et vient compléter les travaux menés par d’autres équipes sur des organismes vivants entiers. Surtout, en construisant de véritables chromosomes fonctionnels, nous pouvons comprendre comment les problèmes se manifestent et conduisent à des maladies telles que le cancer», explique John Diffley.
Mots‑clés
CHROMOREP, chromosome, gène, ADN, épigénétique, protéine, cellules, chromatide, réplisome, histone, réplication