Des objets stellaires au-delà de Neptune livrent des indices sur notre origine
Une occultation stellaire est un phénomène qui se produit lorsqu’un corps du système solaire – tel qu’une planète, un satellite, une comète ou un astéroïde – passe devant une étoile et occulte sa lumière. Ces occultations, qui durent de quelques secondes à une heure, révèlent des informations astronomiques avec un degré de précision impossible à obtenir par d’autres moyens tels que les télescopes spatiaux. Les objets trans-neptuniens (OTN) sont des corps qui orbitent autour du Soleil au-delà de Neptune. Les occultations ont permis de détecter des anneaux étroits autour des OTN et des atmosphères de l’ordre du milliardième de la pression atmosphérique de la Terre. Le projet LUCKY STAR, soutenu par l’UE, a permis de faire progresser nos connaissances des OTN grâce à cette technique. «Nous avons baptisé ce projet “LUCKY STAR” parce que nous nous sommes concentrés sur les quelques rares étoiles occultées par des objets du système solaire parmi des milliards d’autres, soulignant ainsi la rareté des événements observés», explique Bruno Sicardy, coordinateur du projet à Sorbonne Université, qui héberge le projet.
Découvertes célestes
LUCKY STAR a analysé les données d’occultation recueillies auprès de diverses sources astronomiques professionnelles, ainsi qu’auprès de plus de 150 astronomes amateurs. Ces données ont été complétées par celles du catalogue astrométrique Gaia pour renforcer l’efficacité de la méthode d’occultation stellaire. «La mesure de la position des objets par rapport aux étoiles Gaia proches, quelques semaines avant l’occultation, nous a permis de prédire très précisément le moment et le lieu où l’événement sera observable», explique Bruno Sicardy. L’équipe a découvert un anneau dense autour de la planète naine Haumea. Combinée à la découverte surprenante d’anneaux autour de la planète de type astéroïde Chariclo par l’équipe de Bruno Sicardy en 2013, cette découverte a démontré que les anneaux ne sont pas l’apanage des quatre planètes géantes que sont Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune, comme on le pensait auparavant. De plus, l’équipe a cartographié la trajectoire de Pluton avec une marge de 50 km, la plus précise à ce jour, et a également pu tracer l’évolution saisonnière de Pluton en surveillant son atmosphère de 2002 à aujourd’hui. Ils ont également découvert un spectaculaire accroissement d’un facteur trois de la pression atmosphérique de Pluton entre 1988 et 2016. «L’atmosphère de Pluton est contrôlée par la sublimation de la glace d’azote à sa surface, réchauffée par les rayons solaires. L’orbite de Pluton est très elliptique, ce qui entraîne de grandes variations du réchauffement solaire au fil du temps», explique Bruno Sicardy. «De plus, comme son axe de rotation est fortement incliné par rapport à cette orbite, de grandes zones de sa surface peuvent connaître une nuit permanente ou un jour permanent. Ces deux phénomènes entraînent des cycles saisonniers très intenses sur Pluton.» Des objets de taille kilométrique situés au-delà de Pluton ont également été détectés. Leur taille, leur forme, leurs propriétés réfléchissantes et leurs densités fournissent des indices sur leur formation et pourraient ainsi révéler comment le système solaire primitif a évolué par le biais de collisions entre de petits «planétésimaux» primordiaux.
Retour vers le futur
Les observations et les analyses d’occultations stellaires de Bruno Sicardy ont déjà fourni des données essentielles à des missions spatiales telles que Voyager 1 et 2 vers les planètes géantes, Cassini-Huygens vers Saturne et Titan, et New Horizons vers Pluton et Arrokoth. L’équipe travaille actuellement sur des simulations numériques d’anneaux de collision autour de petits corps comme les planètes naines. Les résultats préliminaires montrent qu’un effet de résonance, où des corps en orbite exercent des influences gravitationnelles les uns sur les autres, pourrait expliquer l’emplacement des anneaux de Chariclo et d’Haumea. «S’il est confirmé, cet effet pourrait expliquer la formation de satellites, tels que des particules d’anneau autour de corps tels que Chariclo et Haumea», fait remarquer Bruno Sicardy. L’utilisation des occultations stellaires pour détecter l’évolution orbitale lente de certains astéroïdes, causée par la poussée subtile des radiations solaires, se révèle particulièrement intéressante. «Cela nous permettra non seulement de retracer l’histoire de ces corps, mais aussi éventuellement de prédire des impacts potentiellement dangereux avec la Terre», ajoute Bruno Sicardy.
Mots‑clés
LUCKY STAR, stellaire, occultation, planète, satellite, comète, astéroïde, Neptune, Pluton, orbite, système solaire