Nouvelles approches de gestion, concepts de traitement et outils d’aide à la prise de décision pour une agriculture durable
Les méthodes d’agriculture intensive, comme l’utilisation massive d’engrais et de pesticides, sont utilisées de manière généralisée afin de nourrir une population en pleine expansion. Le recours à ces méthodes s’accompagne toutefois d’effets délétères, notamment une augmentation des gaz à effet de serre (GES), comme l’oxyde nitreux, le dioxyde de carbone et le méthane, la pollution des plans d’eau par les substances agrochimiques et les nutriments, et la dégradation des sols consécutive à la perte de matière organique et à la diminution de la biodiversité. Le projet INSPIRATION (Managing soil and groundwater impacts from agriculture for sustainable intensification), financé par l’UE, a permis la réalisation d’importants progrès scientifiques visant à remédier à ces effets. «Nous comprenons maintenant mieux l’influence, à l’échelle du bassin versant, de l’interaction entre les processus hydrogéologiques, hydrogéochimiques et l’utilisation des terres sur les concentrations de GES dans les eaux souterraines», explique Steven Thornton, coordinateur du projet, de l’Université de Sheffield, l’hôte du projet. Le projet INSPIRATION a identifié des conditions particulières des aquifères qui permettent à ces nutriments de se transformer en oxyde nitreux, méthane et dioxyde de carbone, et de se répandre dans l’atmosphère. Il s’agit d’une découverte précieuse à l’heure de quantifier et de gérer les émissions de GES à l’échelle régionale.
Concepts de traitement
En tant que réseau de formation innovant Marie Skłodowska-Curie, le projet accueillait en son sein 15 chercheurs multidisciplinaires en début de carrière qui ont réalisé des études de laboratoire, de terrain et de modélisation pour expérimenter, échantillonner, surveiller et évaluer des solutions technologiques, à la fois à l’échelle des exploitations agricoles et des bassins versants. Étant donné que les eaux de surface et les eaux souterraines sont polluées par des composés azotés et phosphorés issus du drainage agricole, INSPIRATION a élaboré des concepts de traitement qui utilisent différents matériaux naturels (comme la zéolite, la plaquette forestière, le compost) pour capturer cet excédent de nutriments. Différents mélanges de nutriments et des matériaux naturels décrits précédemment ont été testés dans le cadre d’expériences de laboratoire par lots et en colonnes, dans le but de trouver la meilleure combinaison sur le plan de la perméabilité, de l’adsorption et de la durée de vie opérationnelle. L’équipe a ensuite conçu une solution pour le cas de figure du drainage d’une exploitation laitière. Les déchets ont également été étudiés afin de déterminer s’ils pouvaient être utilisés dans les systèmes de drainage des terres pour capturer le phosphore en vue de son recyclage sous la forme d’engrais, ce qui constituerait une solution durable pour atténuer l’incidence des nutriments sur l’eau tout en réduisant le recours aux engrais minéraux. De plus, un biocapteur a été mis au point pour contrôler la restauration des terres dégradées par une contamination aux métaux lourds. «Cette innovation mesure la biodisponibilité des métaux dans le sol, ce qui constitue un indicateur de la santé du sol plus approprié que les concentrations chimiques totales. En identifiant les concentrations de métaux toxiques pour les micro-organismes du sol, les propriétaires terriens peuvent prendre des mesures correctrices», fait remarquer Steven Thornton. Les sols contenant des métaux lourds ont été mélangés à du biochar, qui adsorbe ces composés et réduit leur biodisponibilité pour les micro-organismes, améliorant ainsi les fonctions du sol. Des tests ont corroboré la performance du biocapteur en matière de contrôle de la restauration des sols.
Aide à la prise de décision
Un outil d’aide à la prise de décision en accès ouvert, baptisé FarMit, a été mis au point dans le but de faciliter la sélection de matériaux d’origine locale destinés au traitement des surplus de nutriments présents dans les eaux de drainage des exploitations laitières. FarMit intègre une base de données de 75 matériaux évalués à l’aune des critères de performance et de coût. Cet outil a été testé avec succès en Belgique, en Irlande et aux États-Unis, dans des scénarios faisant intervenir différents nutriments et pratiques agricoles. «L’outil contribue à atténuer la pollution à sa source, en réutilisant les matériaux disponibles à l’échelon local, ce qui permet de réduire les coûts de transport et d’exploitation», ajoute Steven Thornton. Un cadre de modélisation et d’aide à la prise de décision a également été créé pour quantifier les effets de différentes techniques de gestion par rapport aux indicateurs que sont notamment le rendement des cultures, la teneur du sol en carbone organique et les pertes d’azote. L’outil évalue les compromis en termes de gestion afin d’optimiser la production durable tout en limitant l’impact sur l’environnement. «Les indicateurs étant généralement évalués séparément, notre outil est unique en son genre», explique-t-il. «Le nouveau cadre fonctionne également à différentes échelles. Il est capable d’évaluer la productivité agricole, la qualité des sols et la protection de l’environnement à l’échelle européenne dans le cas de différentes combinaisons culture-sol-climat». Les recherches, techniques et outils d’INSPIRATION soutiennent les principales législations et politiques de l’UE, notamment la directive-cadre sur l’eau et d’autres directives sur les nitrates, sur les eaux souterraines, sur l’utilisation durable des pesticides, le pacte vert pour l’Europe et la stratégie thématique pour les sols. Ces textes et initiatives exigent des États membres qu’ils adoptent des mesures visant à protéger, restaurer et assurer l’utilisation durable à long terme des ressources naturelles.
Mots‑clés
INSPIRATION, sol, agriculture, carbone, azote, polluants organiques, gaz à effet de serre, eaux souterraines, drainage, nutriments, engrais, cadre d’aide à la prise de décision, exploitation laitière, biocapteur
