Révéler les stratégies métaboliques de survie des microbes du sol
Les micro-organismes du sol font souvent face à des conditions rudes et changeantes – dans les sols tempérés et les déserts. Une grande partie de la diversité microbienne du sol est contenue dans une «banque de graines microbiennes». On supposait que l’essentiel de cette diversité restait dans un état de dormance permanent, et que différents membres ressusciteraient si les conditions environnementales changeaient. Le projet DormantMicrobes (Revealing the function of dormant soil microorganisms and the cues for their awakening), soutenu par le Conseil européen de la recherche, a été mis en place afin d’examiner la capacité de dormance des micro-organismes du sol dans les croûtes du sol désertique et les sols tempérés, et a étudié certains indices environnementaux pouvant mener à la résurrection. «Avant, nous n’avions que peu d’informations sur le taux de cellules actives à dormantes dans le sol, sans parler des stratégies utilisées pour gérer les conditions rudes», explique Dagmar Woebken, coordinateur du projet de l’Université de Vienne.
Une panoplie de stratégies de survie
L’équipe de Dagmar Woebken s’intéresse aux micro-organismes qui peuplent les croûtes de sol du désert du Néguev en recourant à deux méthodes de pointe: NanoSIMS et la méta-omique. Le manque d’eau limitant l’activité dans les croûtes de sol désertique, le projet a donc examiné la réactivation microbienne en laboratoire en reproduisant la pluie. Une sonde isotopique stable a été appliquée en recourant à de l’«eau lourde» – de l’eau contenant l’isotope deutérium rare au lieu de l’hydrogène. Les cellules qui intégraient le deutérium, agissant comme un marqueur, ont été suivies pour étudier la réactivation au fil du temps au niveau unicellulaire en recourant à NanoSIMS. «Nos données ont confirmé que certaines cellules restent effectivement dormantes, probablement comme une politique d’assurance pour la communauté», explique Dagmar Woebken. Afin de découvrir des gènes et des voies potentiels essentiels à la dormance et à la résurrection, une approche méta-omique a également été appliquée pour séquencer l’ADN et l’ARNm des micro-organismes peuplant la croûte du sol. «Nous avons conçu des génomes presque complets, dévoilant une grande diversité de micro-organismes du sol auparavant inconnus. Ces données ont également révélé une grande variété de stratégies utilisées par les microbes pour survivre dans des conditions défavorables», ajoute Dagmar Woebken. Ces mécanismes de survie comprenaient la stratégie «abondance et famine», dans laquelle les microbes réagissent à de soudaines impulsions d’eau en utilisant les nutriments organiques comme sources d’énergie, ou en générant des étapes de repos. En outre, la production d’oxygène réactif qui normalement endommage l’ADN et les protéines peut être réduite. Les cellules contiennent des enzymes qui protègent ou réparent ces composés cellulaires importants. Une stratégie particulièrement intéressante est la production d’énergie en récupérant des gaz atmosphériques comme l’hydrogène. Développant cette découverte, l’équipe a également observé une récupération des gaz atmosphériques dans les sols tempérés et a identifié quelques nouveaux taxons omniprésents présentant ce potentiel. «Nous avons découvert cette capacité métabolique chez des microbes du sol très prolifiques appelés acidobactéries», explique Dagmar Woebken. «Cette capacité survient également largement chez d’autres microbes du sol, dans des environnements complètement différents et avec des facteurs de stress différents, ce qui illustre son importance en tant que stratégie de survie.» Les chercheurs consacrent désormais leurs efforts à examiner si tel est le cas ou non. Leurs conclusions leur permettront également de déterminer si les micro-organismes présents dans des sols moins arides sont aussi bien équipés pour survivre aux sécheresses que leurs cousins du désert.
Préservation de la biodiversité
La prévalence accrue des sécheresses et la désertification ne sont que deux caractéristiques de l’impact que le changement climatique dû à l’activité humaine exerce sur de nombreux écosystèmes terrestres. «Mieux comprendre les mécanismes adoptés par les micro-organismes pour survivre au manque d’eau et rapidement se réactiver lorsqu’elle est à nouveau disponible nous aide à cerner la manière dont la biodiversité peut exister dans ces écosystèmes. Ces connaissances pourraient contribuer aux futurs efforts d’atténuation des effets du changement climatique», conclut Dagmar Woebken.
Mots‑clés
DormantMicrobes, sol, microbes, gaz atmosphérique, tempéré, aride, hydrogène, cellules dormantes, désert, isotope, deutérium, stratégies de survie