Fonte des plateformes de glace: le rôle de la variabilité océanique
La mer de Weddell, qui borde la barrière de Filchner-Ronne (BFR), est une région qui est le théâtre de la formation de grandes quantités de glace de mer. Véritable moteur de la circulation sous la BFR, la plus grande plateforme de glace de l’Antarctique par volume de glace, l’eau de plateforme à haute salinité est produite au cours du processus de formation de la glace de mer. Outre sa capacité à pouvoir considérablement moduler le niveau de la mer, la BFR joue un rôle essentiel dans la formation des eaux de fond de l’Antarctique, la masse d’eau la plus dense, la plus froide et la plus répandue des océans du globe. Les processus physiques à l’interface glace-océan de la BFR ont dès lors un effet direct sur la circulation générale et la ventilation des grands fonds marins. Quel phénomène est donc à l’origine de la variabilité de la fonte sous la BFR? Cette question est d’une importance capitale pour la modélisation des cavités des plateformes de glace et la faculté de prédire leur évolution probable. Le projet DOVuFRIS de l’UE a analysé les données collectées ces dernières années afin de mettre en évidence les tendances liées au changement du rythme de fonte pour ensuite déduire les processus physiques susceptibles d’en être à l’origine. «Les tendances que nous étudions sont la durée et la fréquence des différents phénomènes, ainsi que le fait qu’ils se répètent de façon périodique ou non», ajoute Irena Vaňková, boursière du programme Actions Marie Skłodowska-Curie et chercheuse principale. «De là, nous pouvons savoir, par exemple, si les changements sont de nature périodique et provoqués par les vagues, ou apériodiques et causés par les tourbillons. La force des événements permet de clarifier les propriétés océaniques sous la plateforme de glace.»
Les tourbillons et leur rôle dans la fonte des plateformes de glace
Phénomènes de relativement petite ampleur créés par des instabilités dans l’océan, les tourbillons océaniques contribuent à mélanger les propriétés de l’océan, notamment la température. Ils possèdent leur propre dynamique et sont capables de transporter la chaleur loin de sa source avant qu’elle ne se dissipe. Les modèles océaniques grossiers ne permettent pas toujours de représenter les tourbillons. Ces modèles sont capables de représenter le mélange de différentes eaux océaniques, mais le résultat, comme l’étendue spatiale sur laquelle il s’opère, peut être éloigné de la réalité. «Sous une plateforme de glace, il est important de savoir où se produit exactement le mélange, et si de la chaleur est transportée, par le biais des tourbillons, jusqu’à l’arrière de la cavité où la glace est la plus épaisse et la plus sensible à la fonte. Il est indispensable de disposer d’un modèle de tourbillons sous les cavités de la plateforme de glace, comme la cavité BFR», explique Irena Vaňková, qui a piloté le projet pour le compte de l’agence United Kingdom Research and Innovation conjointement avec Keith Nicholls.
Modélisation d’une base variable de plateforme de glace
Le projet a observé une congélation intermittente — apériodique — à plusieurs endroits de la BFR, qui peut être liée au mouvement de l’eau sous la plateforme de glace du fait d’une instabilité. Ce phénomène fait remonter de l’eau des grandes profondeurs vers de plus faibles profondeurs. En remontant vers la surface, le point de fusion de l’eau augmente, ce qui provoque une congélation partielle. Ces découvertes jettent une nouvel éclairage sur les facteurs à l’origine de ce processus vital: «Nos observations ont permis de déterminer la variabilité de la base de la plateforme de glace et nous avons identifié plusieurs processus qui en sont à l’origine. Il s’agit sans nul doute de progrès notables. Nous continuerons à collaborer avec les modélisateurs de l’océan sur la conception de moyens d’intégrer au mieux ces résultats et de déterminer les processus cruciaux à représenter.» L’objectif final d’Irena Vaňková est de renforcer la capacité à simuler l’effet à l’échelle mondiale des interactions entre les plateformes de glace et l’océan. DOVuFRIS a publié deux articles scientifiques, et plusieurs autres ont été soumis ou sont en cours d’élaboration. Le projet a également présenté ses résultats à l’occasion de conférences, de réunions et de séminaires, comme la conférence de l’American Geophysical Union, organisée en décembre 2020. «Afin de prédire l’avenir des plateformes de glace, il nous faut d’abord comprendre leur état actuel, et c’est précisément l’objectif de notre projet. Notre nouvelle technique nous permet d’observer et de surveiller la variabilité des cavités des plateformes de glace avec une résolution temporelle inédite, ce qui nous permettra, à terme, de comprendre leur sensibilité au changement», explique Irena Vaňková.
Mots‑clés
DOVuFRIS, BFR, mer de Weddell, barrière de Filchner-Ronne, tourbillons, niveau de la mer, rythme de fonte, plateformes de glace