Les modèles de métabolisme des feuilles contribuent à une utilisation plus efficace de l’eau dans les cultures
L’ingénierie métabolique des plantes cultivées constitue une solution éventuelle pour aider l’agriculture mondiale à relever les défis du 21e siècle. La modélisation du métabolisme des feuilles est fondamentale dans le cadre de cette approche. Les feuilles sont le siège de la photosynthèse et, par conséquent, le point où le carbone de l’environnement est assimilé (ou «fixé») pour la synthèse et le maintien des composants cellulaires. Les plantes ont développé différents mécanismes pour la fixation du carbone, notamment la photosynthèse en C3 ou en C4, et le métabolisme acide crassulacéen (CAM). Si la photosynthèse en C3 reste la forme la plus répandue, ces deux derniers mécanismes sont plus efficaces, respectivement, en cas de températures élevées et de sécheresse. Les modèles métaboliques actuels à grande échelle manquent d’une description mathématique des processus en jeu au niveau de l’interface entre l’environnement et la feuille. Le projet Re-Leaf, entrepris avec le soutien du programme Actions Marie Skłodowska-Curie, a comblé cette lacune dans nos connaissances en concevant une approche informatique qui relie la modélisation métabolique à l’échelle du génome à l’environnement en modélisant explicitement l’échange gaz-eau. Re-Leaf a appliqué un modèle stoechiométrique à grande échelle publié précédemment pour simuler le métabolisme des feuilles de jour et de nuit et l’a étendu pour représenter le métabolisme sur 24 intervalles de temps au cours de la journée.
Des réponses aux questions fondamentales
Ce modèle à résolution temporelle a été couplé à un modèle biophysique d’échange gazeux via le paramètre commun du flux de CO2. «Cela nous a permis de modéliser la perte d’eau à travers les stomates en fonction de la demande en CO2 du système métabolique, de la température et de l’humidité relative», explique Nadine Töpfer, chercheuse boursière du programme MSCA. Les scientifiques ont construit et analysé des modèles de bilan de flux de réseaux métaboliques végétaux à grande échelle (jusqu’à l’échelle du génome). «Nous sommes particulièrement intéressés par l’utilisation de cette approche afin de prédire comment le réseau métabolique des feuilles doit être modifié pour s’adapter à des modes de photosynthèse plus efficaces tels que la photosynthèse en C4 et le CAM», explique Lee Sweetlove de l’université d’Oxford. «Nous entamons également le processus d’intégration de ces modèles métaboliques dans les cadres de modélisation de la plante entière.» Ces modèles multicouches ont permis aux scientifiques de répondre à des questions fondamentales concernant le fonctionnement de la photosynthèse en C4 et du CAM. Tout d’abord, les modèles d’échange CO2-eau ont permis de coupler les conditions environnementales changeantes au cours du cycle nycthéméral, comme les cycles de température et d’humidité, au comportement des modèles métaboliques. Ensuite, les modèles nycthéméraux étendus ont été utilisés pour étudier des stratégies d’ingénierie métabolique en vue de l’amélioration de la productivité à des températures élevées. Cela a permis de mieux comprendre le compromis entre la productivité et l’efficacité de l’utilisation de l’eau dans les plantes en C3 et CAM. Les modèles ont également permis aux scientifiques de tester les changements nécessaires pour établir un CAM économe en eau ou une photosynthèse de type CAM dans un réseau métabolique en C3.
Une découverte passionnante
Lorsque les chercheurs ont utilisé le modèle pour simuler l’équilibre entre productivité et économie d’eau, ils ont observé des voies métaboliques qui n’avaient pas encore été décrites dans le contexte du CAM. Selon Nadine Töpfer, «il était très intéressant de voir que notre modèle prédisait des modes de flux métaboliques alternatifs qui impliquent des enzymes et des métabolites différents du cycle du CAM connu». Les enzymes identifiées sont déjà présentes dans les plantes en C3. Cela en fait une cible intéressante pour l’ingénierie métabolique afin d’améliorer le flux par des voies existantes et ainsi générer des plantes cultivées avec une efficacité accrue en matière d’utilisation de l’eau. «Notre nouvelle approche de modélisation est également applicable à la modélisation de processus résolus dans le temps et limités en diffusion dans des modèles métaboliques à grande échelle dans d’autres contextes», conclut Nadine Töpfer.
Mots‑clés
Re-Leaf, CAM, photosynthèse, C3, utilisation efficace de l’eau, ingénierie métabolique, métabolisme des feuilles, C4, métabolisme acide crassulacéen