Comment le cerveau endommagé se réorganise pour restaurer une fonction mathématique
Lorsqu’une personne souffre de lésions cérébrales, elle peut perdre certaines capacités qui sont liées à la fois à des régions cérébrales spécifiques et à des régions en réseau. Si les lésions cérébrales surviennent lentement et progressivement, le cerveau s’adapte à terme et trouve un moyen de préserver ces capacités. Par exemple, lorsque des zones du langage cérébral sont concernées, les chercheurs ont observé que le cerveau se réorganise en utilisant d’autres régions pour maintenir à terme sa fonctionnalité. Pourtant, on sait peu de choses sur la façon dont les capacités mathématiques survivent aux lésions cérébrales dans les régions du cerveau impliquées dans leur production. Le projet Re-MAPMATH, financé par l’UE, a pour but de suivre cette plasticité cérébrale au niveau des fonctions mathématiques chez les patients atteints d’une tumeur cérébrale avant et après une opération. L’équipe estime que le projet a été un immense succès. Il a permis non seulement de mesurer l’activité chez les patients souffrant de lésions cérébrales, mais aussi de comprendre comment fonctionne un cerveau sain. Les données recueillies auprès d’échantillons de participants sains fourniront de nouvelles informations sur la façon dont le cerveau gère les calculs en réseau. La recherche a été entreprise avec le soutien du programme Actions Marie Skłodowska-Curie. «Concrètement, nous avons mis en contraste les processus numériques et du langage après la réorganisation du cerveau. Nos données normatives sur les patients nous permettent de voir le contraste entre un cerveau sain et un cerveau réorganisé», explique Elena Salillas, chercheuse au MSCA à l’Université de Padoue et coordinatrice du projet Re-MAPMATH.
Activité cérébrale distribuée
«Le système numérique comporte des composants et des caractéristiques uniques partagés avec d’autres domaines du cerveau. Par exemple, vous devez utiliser votre mémoire de travail pour comprendre un paragraphe que vous lisez», explique Elena Salillas. Cette combinaison d’activité cérébrale spécifique et distribuée est également essentielle en mathématiques. Des capacités spatiales sont par exemple nécessaires pour multiplier mentalement 22 par 44. Les lésions cérébrales causées entre autres par un accident vasculaire cérébral peuvent affecter ces zones spécifiques ainsi que des domaines généraux du cerveau. «Le système mathématique, comme la plupart des systèmes cognitifs, est un réseau complexe qui peut être modifié au niveau de n’importe laquelle de ses parties. Certains des déficits sont purement numériques, d’autres non. Ainsi, il existe de nombreuses lésions cérébrales qui peuvent entraîner des déficits numériques acquis», ajoute Elena Salillas.
Les fonctions mathématiques à l’épreuve
Pour évaluer l’impact sur les fonctions mathématiques après une tumeur cérébrale et la façon dont le cerveau se remodèle, l’équipe a effectué des tests spécifiques en utilisant la magnétoencéphalographie (MEG) pour mesurer l’activité cérébrale. Cette technique d’imagerie permet de mesurer le signal magnétique du cerveau. Elle offre un haut niveau de précision spatiale et temporelle, révélant les endroits où l’activité cérébrale est la plus intense. Les tests ont porté sur quatre composantes numériques principales. Le premier testait la capacité à faire des approximations. Le test consistait en une comparaison rapide et approximative entre deux séries de points, qui changeaient périodiquement de rapport. Le second a vérifié la capacité des patients à effectuer des calculs exacts, comme par exemple vérifier si des multiplications comme 3 x 2 = 4 sont correctes ou non. L’équipe a détecté trois réseaux principaux dans le cerveau responsables de cette aptitude. Un troisième test consistait à détecter des formes de chiffres. «Dans ce test, le participant devait dire si des chiffres brouillés ou des formes correctes de chiffres étaient des chiffres ou non. Ce test cible la perception initiale des symboles numériques», fait remarquer Elena Salillas. Le test final vérifiait la capacité d’adaptation aux symboles.
Révéler de nouveaux réseaux
Plusieurs succès importants ont été enregistrés. L’équipe du projet a réussi à décrire pour la première fois les réseaux qui se cachent derrière des activités arithmétiques simples et a fourni une description précise des dépendances entre les régions concernées. «Comme la grande majorité des études de calcul par neuro-imagerie sont basées sur l’IRMf (une autre technique d’imagerie cérébrale avec un temps de résolution plus lent), on ne pouvait pas avoir accès à des informations temporelles aussi précises», explique Elena Salillas.
Mots‑clés
Re-MAPMATH, cerveau, tumeur, mathématique, capacité, test, scan, rééquilibrage