Exploiter les interactions régime alimentaire-microbiome-hôte pour lutter contre le cancer du côlon
Des études ont montré qu’une alimentation à base de fruits et légumes riches en composés phytochimiques et en fibres peut réduire le risque de maladies gastro-intestinales. Mais la plupart des nutriments bénéfiques résistent aux conditions acides de l’estomac et les composés chimiques antioxydants, appelés polyphénols, arrivent presque intacts dans le côlon. Lorsque les polyphénols sont exposés à des bactéries intestinales et à des enzymes libérées par des micro-organismes, ils sont transformés en métabolites microbiens intestinaux. C’est la présence de ces métabolites dans la région colique qui peut affecter les cellules de l’intestin, aidant à prévenir les maladies gastro-intestinales. Cela entraîne une question intrigante: les effets protecteurs des polyphénols sont-ils dûs à leurs composés natifs ou à leurs métabolites? Le projet TRIANGLE, soutenu par l’UE, a entrepris d’étudier les mécanismes par lesquels les métabolites dérivés du régime alimentaire interagissent avec le côlon à l’aide d’organoïdes/tumoroïdes humains du côlon. «Nos résultats renforcent l’idée que les métabolites jouent un rôle central dans l’amélioration de la santé intestinale», déclare Josep Rubert, boursier Marie Skłodowska-Curie de l’Université de Trente. «Le but est d’apprendre le langage des composés dérivés de l’intestin pour découvrir s’ils pourraient servir de Pierre de Rosette pour promouvoir la santé intestinale. Je pense que nous sommes sur la bonne voie.»
La valeur des organoïdes
La plupart des composés phytochimiques alimentaires, tels que les polyphénols, présentent des activités de prévention du cancer chez les animaux et les humains, sans endommager de manière significative les cellules saines. Une étude récente a conclu que le risque le plus faible de cancer est observé lorsque les gens consomment 600 grammes de fruits et légumes par jour. Mais la preuve quant aux pouvoirs anticancéreux des polyphénols reste floue. Ils sont peut‑être dûs à la combinaison des polyphénols administrés, aux effets des composés d’accompagnement (généralement des fibres), à l’impact du microbiote intestinal ou au type de cancer étudié. Ainsi, l’équipe du projet TRIANGLE a utilisé des modèles de tractus gastro-intestinal pour étudier les processus par lesquels les composés phytochimiques, en particulier les polyphénols et les fibres, sont transformés en métabolites microbiens intestinaux. Cela lui a permis d’identifier des métabolites microbiens intestinaux protecteurs prometteurs. Ces métabolites ont ensuite été introduits, seuls ou en combinaison, dans des organoïdes (et des tumoroïdes) — des répliques de tissus organiques 3D. Les réponses organoïdes du côlon humain ont été mesurées à l’aide de la spectrométrie de masse et de techniques d’imagerie 3D à l’aide de microscopes confocaux automatiques. L’équipe du projet TRIANGLE a trouvé des preuves que les métabolites libérés par le métabolisme microbien de flavan-3-ols dans le tractus gastro-intestinal distal peuvent favoriser la mort cellulaire programmée (apoptose) inhibant le cancer, tout en favorisant la santé intestinale. «L’utilisation d’organoïdes intestinaux comme modèles de cancer colorectal (CCR) et de la spectrométrie de masse pour documenter l’impact des métabolites dérivés du régime alimentaire sur les organoïdes/tumoroïdes n’a pratiquement pas été réalisée auparavant», ajoute Josep Rubert. «Cela nous a permis de mieux comprendre les processus métaboliques.»
Vers la prévention
Le CCR est la deuxième cause de décès par cancer en Europe. C’est le troisième cancer le plus fréquemment diagnostiqué chez les hommes et le deuxième chez les femmes. Des prévisions montrent que l’incidence du CCR devrait augmenter de 60 %, avec plus de 2,2 millions de nouveaux cas et 1,1 million de décès d’ici 2030, en raison du vieillissement de la population et de l’adoption croissante de régimes alimentaires et de modes de vie «occidentaux». TRIANGLE et d’autres projets similaires pourraient améliorer la santé individuelle en identifiant le type et la quantité de métabolites microbiens nécessaires pour prévenir le CCR ou d’autres maladies gastro-intestinales. «Avec des connaissances approfondies, nous pourrions identifier des actions préventives, comme des recommandations diététiques et la création de prébiotiques et probiotiques de précision. Cela réduirait la prévalence de la maladie et améliorerait les résultats de santé, tout en abaissant les coûts des soins de santé», explique Josep Rubert. L’équipe prévoit de valider ses résultats à l’aide de modèles animaux ou d’études interventionnelles alimentaires, tout en améliorant sa compréhension sur les différences de métabolites microbiens intestinaux entre les donneurs sains et les patients atteints de CCR.
Mots‑clés
TRIANGLE, côlon, cancer, organoïde, phytochimique, fibre, gastro-intestinal, métabolites, polyphénols, microbiote, intestin, régime