Percer les secrets génétiques de l’évolution de la vie
La sélection naturelle est un processus qui aboutit à des changements dans les caractéristiques d’une espèce dans le temps. Certains individus sont plus adaptés à leur environnement en fonction des gènes qu’ils portent. Ils survivent mieux et se reproduisent plus facilement, et leurs gènes se retrouveront ainsi dans davantage d’individus de la génération suivante. «L’émergence de bactéries résistantes aux antibiotiques constitue un parfait exemple de sélection naturelle agissant rapidement», fait remarquer Pascal-Antoine Christin, coordinateur du projet ComplEvol, chercheur boursier à l’Université de Sheffield du Royaume-Uni. «Lorsqu’on administre des antibiotiques, les bactéries dotées de gènes de résistance seront les seules à produire de nouveaux individus. Très rapidement, cette résistance deviendra donc plus fréquente.» Bien que les scientifiques disposent d’une excellente compréhension du fonctionnement de la sélection naturelle, le processus par le biais duquel certains traits présentant une complexité impressionnante émergent est bien moins connu. Par exemple, certains traits créent un avantage uniquement lorsque plusieurs éléments entrent en interaction.
L’évolution des plantes expliquée
Dans le cadre du projet ComplEvol, Pascal-Antoine Christin s’est attaché à mieux comprendre l’évolution d’un processus végétal complexe appelé photosynthèse en C4. «Les plantes ont développé la photosynthèse en C4 pour s’adapter aux atmosphères faibles en CO2 des 30 millions d’années passées» explique-t-il. «Toutefois, le trait C4 ne présente un avantage que lorsque plusieurs enzymes interagissent. Quelle est donc l’origine de ce phénomène?» Pascal-Antoine Christin et son équipe ont étudié l’origine de la photosynthèse en C4 au sein de l’espèce végétale Alloteropsis semialata. «Nous nous sommes focalisés sur cette espèce végétale en partie car elle n’a développé que relativement récemment la photosynthèse en C4», ajoute Pascal-Antoine Christin. «Cette espèce comporte toujours des individus non dotés du trait en question. Nous avons pu prélever des échantillons sur les groupes C4 et non C4, puis mener des analyses comparatives.» Pascal-Antoine Christin a pu démontrer que la photosynthèse en C4 est susceptible d’émerger par le biais de quelques modifications. «Les individus C4 disposent seulement de quelques gènes et changements cellulaires absents chez les plantes non C4», indique-t-il. «Il suffit seulement de quelques changements pour que la photosynthèse en C4 puisse se manifester. La sélection naturelle amplifie ensuite le trait, en le rendant progressivement plus complexe et plus efficace.» Le projet, soutenu par le Conseil européen de la recherche a également souligné l’importance des échanges génétiques pour l’évolution de traits complexes. Pascal-Antoine Christin a également identifié que certains des gènes nécessaires pour la photosynthèse en C4 avaient été «volés» à d’autres espèces végétales, accélérant ainsi le processus d’évolution.
Comprendre les processus évolutifs
Les résultats du projet pourraient être de première importance. Les cultures et les herbacées qui emploient la photosynthèse en C4 sont prédominantes dans les régions tropicales et subtropicales, et incluent le maïs, la canne à sucre, le sorgho et le millet. «Cela montre que des traits d’une complexité impressionnante évoluent en réalité très simplement», affirme-t-il. «La plus grande part de cette complexité découle des changements successivement opérés par l’action de la sélection naturelle.» Cette fascinante découverte va à présent être approfondie. «Afin de comprendre l’impact écologique de chaque élément C4, nous souhaitons opérer des croisements entre des individus C4 et non C4 de l’espèce Alloteropsis semialata», explique-t-il. «Leur descendance disposera uniquement de certaines parties de leur parent C4. Cela nous permettra d’évaluer la manière dont ces traits individuels conditionnent la survie des plantes en absence des autres composantes C4.» Pascal-Antoine Christin souhaite également à déterminer le degré d’échange de matériau génétique entre les espèces. «Cela se produit-il chez toutes les espèces, ou seulement dans certaines d’entre-elles? Il s’agit là de questions primordiales pour notre compréhension de l’évolution, mais elles ont également des implications dans le domaine de l’agronomie», ajoute-t-il.
Mots‑clés
ComplEvol, génétique, évolution, gènes, antibiotiques, cultures, photosynthèse, génétique, évolutif