Le traitement quantique se développe et passe de la théorie à la réalité
«Nous vivons une époque passionnante pour la photonique quantique.» Depuis trois ans maintenant, Peter Lodahl, responsable du groupe de photonique quantique de l’Université de Copenhague, observe la matérialisation constante des éléments constitutifs du matériel quantique, et il est manifestement optimiste quant à l’avenir. À chaque nouveau composant, le monde se rapproche un peu plus de la première génération de dispositifs de calcul, de communication et de détection de précision quantique. Mais Peter Lodahl a en réalité été bien plus qu’un simple observateur. Il supervise également un groupe d’environ 30 scientifiques travaillant sur la technologie de la photonique quantique. «Notre groupe s’est spécialisé dans le développement de sources de photons uniques déterministes et cohérentes et d’interfaces photon-émetteur de qualité suffisante pour passer à l’échelle supérieure», explique-t-il. «Nous tirons à présent parti de ce savoir-faire et de cette technologie en appliquant les ressources photoniques au traitement avancé de l’information quantique. Nous nous approchons de la mise en œuvre de simulations photoniques quantiques et d’un réseau neuronal photonique quantique, ce qui implique un interfaçage hybride de notre technologie avec des circuits photoniques (PIC – photonic integrated circuit) avancés disponibles dans le commerce. Il s’agit d’un développement clé qui est actuellement en cours.» L’un des principaux projets menés par Peter Lodahl grâce à une bourse Marie Skłodowska-Curie se nomme VLS-QPP. Il a pour ambition de mettre au point la prochaine génération de technologie optique quantique. Pour ce faire, il s’appuie sur le développement symbiotique du matériel et des algorithmes, et sur l’utilisation de la plate-forme photonique sur silicium.
Des processeurs photoniques quantiques d’avant-garde
Jacques Carolan, le boursier Marie Skłodowska-Curie qui dirige le programme, précise que VLS-QPP a pour objectif d’ajouter les composants «quantiques» manquants au matériel «classique» existant: «Bien que les technologies commerciales comme la photonique sur silicium offrent une échelle et une complexité sans précédent, il leur manque des fonctionnalités quantiques essentielles.» Le projet VLS-QPP développe la prochaine génération de processeurs photoniques quantiques à très grande échelle en élargissant la technologie optique classique existante avec de nouveaux composants quantiques. «Les principaux éléments habilitants du projet sont les sources à photons uniques et les interfaces photon-émetteur cohérentes. Ces dernières nous ont permis de faire la démonstration d’opérations non linéaires de photons géants sensibles au niveau de photons uniques. Il s’agit d’un élément habilitant clé et jusqu’à présent inexistant pour les portes quantiques photoniques. Il rend possible l’informatique et la communication quantiques», explique Peter Lodahl. La principale innovation du projet VLS-QPP consiste en son utilisation de la technologie planaire pour coupler les photons avec les circuits nanophotoniques. Contrairement à la plupart des autres approches qui utilisent des structures verticales où les photons sont couplés hors puce, la technologie planaire est évolutive et permet de créer des circuits photoniques avancés où les fonctionnalités peuvent être intégrées directement sur la puce. «Notre technologie est commercialisée par la société dérivée Sparrow Quantum, fondée à partir de mon groupe», explique Peter Lodahl.
De la théorie à la réalité
Le succès du projet VLS-QPP repose sur l’étroite interaction entre la théorie et l’expérience. «Le matériel que nous développons est aussi performant que les algorithmes et les protocoles que nous devons y exécuter», ajoute Jacques Carolan. «Nous avons par conséquent développé de nouvelles méthodes pour contrôler des systèmes photoniques quantiques à une telle échelle, ainsi qu’une toute nouvelle suite d’applications dans le domaine émergent de l’apprentissage automatique quantique.» Au bout du compte, la principale contribution du projet VLS-QPP au domaine de la photonique quantique est le développement de processeurs quantiques à une échelle sans précédent. Le projet, qui prendra fin en septembre 2020, a également jeté les bases de l’informatique quantique photonique évolutive et a donné lieu à un grand nombre de publications. Son nouveau processeur quantique devrait avoir un impact considérable sur les domaines de l’informatique et de l’apprentissage automatique en permettant la mise en place d’une plateforme matérielle robuste et évolutive capable de mettre en œuvre une toute nouvelle famille d’algorithmes quantiques à court terme. Les applications potentielles des résultats du projet concernent trois secteurs principaux: la science médicale pour l’étude des processus biochimiques en vue de la découverte de médicaments; la sécurité des données par le développement et la mise en œuvre de nouvelles architectures sécurisées de distribution de clés quantiques et de répéteurs quantiques; et l’apprentissage automatique quantique en effectuant directement l’inférence sur des signaux optiques. Dans l’ensemble, Peter Lodahl est convaincu que ces avancées créeront de nouveaux débouchés commerciaux dans l’industrie quantique et même au-delà.
Mots‑clés
VLS-QPP, photonique quantique, processeur, photon, réseau de neurones, algorithmes