Quand le chat de Schrödinger rencontre les plates-formes magnétomécaniques
Les capteurs quantiques comptent parmi les applications les plus passionnantes de la physique quantique. Le Pentagone les veut sur ses futurs satellites, les fournisseurs de services de navigation voient en eux l’avenir du GPS, et même les médecins pourraient un jour compter sur les capteurs quantiques pour détecter les premiers signes des maladies. Mais si les possibilités semblent illimitées, les chercheurs ont besoin de plateformes technologiques encore plus performantes pour mener leurs expériences. Concrètement, le projet MaQSens visait à développer une plateforme capable de répondre à une question cruciale: Comment pouvons-nous utiliser les caractéristiques ou les méthodes de la physique quantique pour améliorer nos capacités de détection actuelles? Il s’est particulièrement concentré sur les capteurs inertiels, qui sont utilisés pour les mesures d’événements sismologiques et la navigation. «Répondre à cette question exige un niveau élevé de contrôle sur un objet qui est susceptible de subir des forces extérieures», affirme Markus Aspelmeyer, coordinateur du projet pour le compte de l’Université de Vienne. «L’informatique quantique a poussé le développement d’éléments supraconducteurs pour le contrôle quantique à un rythme effréné, et des développements similaires ont été observés au cours des dernières décennies dans le domaine de la nanomécanique. Le projet MaQSens combine ces développements. Nous les utilisons dans une plateforme qui permet d’accéder à un contrôle quantique de masses beaucoup plus importantes qu’auparavant, et donc de repousser les frontières de la détection inertielle.» Les pères fondateurs de la théorie quantique (vous vous souvenez du chat de Schrödinger?) ne le savaient que trop bien. Démontrer les effets quantiques sur des objets de grande taille ou même massifs est le Saint Graal de la science quantique, et concevoir une plateforme à cet effet serait une incroyable révolution.
Une sphère supraconductrice
Pour y parvenir, l’équipe du projet utilise de petits objets supraconducteurs en guise de sondes extrêmement sensibles aux forces et aux accélérations. Comme le souligne Markus Aspelmeyer, la principale innovation du projet réside dans la combinaison de différentes idées et technologies, notamment la nanomécanique, la physique atomique et même l’informatique quantique, pour contrôler les propriétés quantiques du mouvement des objets sur une plateforme à l’échelle de la puce. «Nous commençons avec une sphère supraconductrice de quelques centièmes de millimètre de diamètre», explique Michael Trupke, un ancien post-doc qui a également participé activement au projet. «Nous attachons cette sphère à un petit faisceau mécanique ou nous la faisons léviter en utilisant les champs magnétiques générés par des bobines supraconductrices. La sphère est maintenue à proximité d’une autre bobine qui est connectée à un circuit dit supraconducteur, lequel agit comme un système quantique externe. Ainsi, le mouvement de la sphère est couplé au circuit, ce qui signifie que les deux peuvent s’influencer mutuellement.» De là, l’équipe peut utiliser l’interaction avec le système quantique pour contrôler le mouvement de la sphère dans le régime quantique. Elle cherche, par exemple, à la refroidir à un niveau où son mouvement n’est plus déterminé que par les fluctuations quantiques. «Parallèlement, nous pouvons utiliser le circuit quantique pour lire le mouvement de la sphère supraconductrice. Tout déplacement supplémentaire, par exemple dû au mouvement de l’ensemble de l’appareil ou à une force extérieure, peut donc être détecté avec une extrême sensibilité. Tout cela est intégré dans une architecture miniature à l’échelle d’une puce de quelques centimètres carrés seulement», poursuit Michael Trupke.
Prochain arrêt: Le régime de détection quantique
À quelques mois de son achèvement, le projet a déjà permis de développer plusieurs prototypes de plates-formes. L’équipe a notamment réussi à faire léviter un supraconducteur microscopique pratiquement sans amortissement, ce qui est une condition préalable nécessaire à la détection inertielle. À terme, cela permettra un contrôle inégalé de la détection quantique combiné à un accès unique au régime de grande masse. «La prochaine étape importante sera l’exploitation du couplage, déjà démontré, avec les circuits quantiques supraconducteurs afin d’entrer dans le régime de la détection quantique. Tous les efforts de l’équipe sont concentrés sur ce point en ce moment», déclare Markus Aspelmeyer. À long terme, MM. Aspelmeyer et Trupke entrevoient un impact important dans des domaines tels que l’avionique et l’espace, où les fortes exigences en matière de capteurs inertiels représentent encore des défis non résolus pour les technologies existantes. Ils espèrent également que la plateforme MaQSens donnera lieu à une toute nouvelle génération d’études de physique fondamentale des phénomènes quantiques macroscopiques, dont les effets quantiques sous l’influence de la gravité ne sont pas les moindres.
Mots‑clés
MaQSens, capteur quantique, détection, plate-forme technologique, capteur inertiel, nanomécanique, régime de grande masse