L’étude de la formation des grottes révèle l’histoire cachée des climats passés
Se formant à partir du sol de la grotte à raison de quelques dixièmes de millimètres par an, dans les cas les plus rapides, certains stalagmites peuvent avoir des dizaines de milliers d’années. Par ailleurs, dans la mesure où ils se constituent par dépôt progressif de gouttes d’eau individuelles, les stalagmites et autres spéléothèmes conservent un enregistrement de leur composition chimique. C’est pourquoi ils représentent de fantastiques archives des climats et environnements passés. En effet, dans la mesure où ces climats et environnements passés ne peuvent pas être mesurés directement, les scientifiques utilisent des indicateurs indirects pour évaluer les principaux processus. Toutefois, la plupart de ces indicateurs indirects sont qualitatifs: ils peuvent par exemple nous permettre de savoir si quelque chose est plus ou moins sec ou humide, mais ils ne nous fournissent pas d’informations pour mesurer le degré de variation en terme de sécheresse ou d’humidité. Or, si l’on souhaite que les données extraites à partir de l’étude des spéléothèmes soient exploitées de manière plus complète par les modélisateurs du climat et les décideurs politiques, il est crucial de disposer d’informations quantitatives. Le projet QUEST, financé par l’UE, a relevé ce défi en mettant au point de nouvelles méthodes qui permettront aux scientifiques de quantifier les changements environnementaux observés grâce aux stalagmites.
Une approche interdisciplinaire
L’équipe a bénéficié de l’expérience scientifique très diversifiée de ses membres, notamment en matière de chimie environnementale, de magnétisme minéral environnemental et d’analyse de données numériques. «Notre expertise interdisciplinaire combinée à des instruments de pointe et à des techniques novatrices nous a permis d’être idéalement équipés pour établir des registres climatiques quantitatifs à partir des spéléothèmes», déclare Sebastian Breitenbach, coordinateur du projet. Le consortium a défini de nouvelles méthodes pour extraire des informations quantitatives à partir des spéléothèmes et pour faire le lien entre des expériences de terrain et de laboratoire sur l’eau et la chimie minérale d’un côté et des analyses physiques et numériques innovantes de l’autre. «La combinaison de ces techniques, reposant sur des propriétés physiques et chimiques et des méthodes statistiques, nous a permis d’obtenir des reconstitutions quantitatives pour deux paramètres clés: l’hydrologie et la température», explique M. Breitenbach. Ces technologies innovantes incluaient un échantillonneur automatique pouvant être déployé pendant 6 à 12 mois sur le terrain, ce qui a permis de réaliser un échantillonnage autonome de l’eau dans des lieux isolés. Concernant l’échantillonneur, qui peut être utilisé par tous les scientifiques intéressés par l’étude de l’eau, M. Breitenbach explique: «Grâce à l’échantillonneur, nous pouvons en apprendre davantage sur la dynamique du climat, la pollution de l’environnement ou les changements hydrologiques (et leurs causes).»
Des outils novateurs
Les chercheurs de QUEST ont développé des logiciels innovants sous la forme de «boîtes à outils» statistiques qui permettent de réaliser une analyse complexe des données. L’équipe a également mis au point un ensemble de nouvelles méthodes pour étudier des séries chronologiques non linéaires. «Ces techniques peuvent être utilisées dans des domaines hautement diversifiés, notamment, pour n’en citer que quelques-uns, la climatologie, la physique, l’économie, la théorie des jeux ou la sécurité énergétique», ajoute M. Breitenbach. En outre, les scientifiques ont mis en place une surveillance de l’environnement et des expériences en laboratoire dans le but de définir des indicateurs quantitatifs et des outils d’analyse innovants. «Nous avons testé ces outils dans l’une des grottes de Waitomo en Nouvelle-Zélande, un environnement sensible à la dynamique de l’Oscillation australe d’El Niño, car les changements liés à El Niño/La Niña ont un impact local à mondial, et une meilleure compréhension des évolutions passées pourrait aider à anticiper les changements à venir liés au réchauffement climatique», note M. Breitenbach. Le projet QUEST apporte une image plus claire de la géochimie impliquée dans les précipitations de carbonate pendant la formation des stalagmites et des liens entre l’hydrologie au-dessus de la grotte et les complexes métallo-organiques et l’incorporation des métaux dans les stalagmites. En ce qui concerne cette dernière association, un outil quantitatif est actuellement en cours de développement; l’échantillonneur pourrait constituer une avancée majeure pour les études paléoclimatologiques reposant sur les spéléothèmes.
Mots‑clés
QUEST, environnement, climat, spéléothème, grotte, stalagmite, indicateur indirect, paléoclimatologie, géochimie