Introduire la variation génétique dans les cultures rizicoles pour les protéger contre le changement climatique et les infestations parasitaires
La hausse mondiale des températures au cours des 50 dernières années a augmenté la salinisation, notamment dans les zones côtières en raison d’une augmentation du niveau de la mer et de la pénurie d’eau. La salinité affecte la croissance et la reproduction du riz, nuisant à la productivité céréalière. Dans le même temps, le traitement par l’eau de mer est devenu la stratégie la plus efficace pour lutter contre les espèces d’escargots ampullaires du genre Pomacea, qui s’alimentent des graines semées et des plantules de riz dans les rizières, provoquant des pertes de dizaines de milliards d’euros par an.
Introduire la variation génétique dans les cultures rizicoles
Pour surmonter les répercussions négatives du traitement ampullaire par l’eau de mer, mais également pour atténuer les effets de la salinisation de l’eau due au changement climatique, les scientifiques du projet NEURICE, financé par l’UE, ont développé des variétés de riz commerciales. «Notre objectif consistait à obtenir des lignées de riz tolérantes au stress abiotique (salinité) et biotique (ampullaire)», explique Salvador Nogués Mestres, coordinateur du projet. NEURICE a réuni des experts issus de plusieurs domaines scientifiques comme la biotechnologie, la phytophysiologie, l’agriculture et le développement agricole, l’électrophysiologie et la signalisation cellulaire. Les partenaires ont sélectionné un caractère de tolérance au sel appelé Saltol à partir d’une variété traditionnelle de riz indien appelée le Pokkali, considérée comme l’une des variétés les plus tolérantes au sel du monde. Ils l’ont ensuite rétrocroisée plusieurs fois avec différentes souches de riz d’élite provenant d’Italie, de France et d’Espagne, tout en sélectionnant les descendants qui conservaient la région génomique liée à la tolérance au sel, une stratégie non OGM connue sous le nom d’introgression. La tolérance à la salinité de ces plantes descendantes a été évaluée à l’aide de tests hydroponiques dans des conditions contrôlées en serre. En même temps, les scientifiques ont étudié des mécanismes clés impliqués dans le contrôle de la tolérance à la salinité à l’échelle des molécules, des cellules et de l’ensemble de la plante, et ils ont séquencé des centaines de variétés de riz pour découvrir de nouveaux gènes liés à la tolérance au sel. «Effectuer l’introgression d’un caractère en seulement deux ans est très difficile. Nous avons mis au point, à notre connaissance, le protocole de rétrocroisement le plus rapide jamais vu», souligne M. Nogués. Les scientifiques ont analysé plus de 70 marqueurs d’ADN dans chaque génération pour sélectionner les individus avec le pourcentage le plus élevé de génome de la variété européenne tout en conservant les allèles asiatiques de tolérance au sel. En outre, une méthode révolutionnaire de sélection rapide, comprenant une technique in vitro de sauvetage d’embryons, a forcé des embryons immatures de riz à germer un mois à l’avance, obtenant ainsi trois générations en un an. De cette façon, ils ont introduit une région chromosomique en reproduisant les plantes plus rapidement, évitant toutefois les technologies transgéniques. Plus important encore, les nouvelles variétés de riz tolérantes au sel ont conservé les caractéristiques nécessaires pour l’environnement naturel régional. Au printemps 2021, les premières variétés européennes homologuées Saltol, tolérantes au sel, seront commercialisées pour les agriculteurs.
L’avenir des variétés de riz tolérantes au sel
L’Europe produisant deux tiers du riz qu’elle consomme, soit plus de trois millions de tonnes par an, maintenir la santé des cultures rizicoles s’avère essentiel pour l’agriculture et la sécurité alimentaire. Les chercheurs ont découvert de nouveaux gènes et allèles qui peuvent désormais être exploités pour améliorer l’adaptation des variétés de riz européennes aux nouvelles conditions imposées par le changement climatique, telles qu’une salinité supérieure, des températures accrues et une disponibilité moindre en eau. Selon Salvador Nogués Mestres: «La plus grande réussite du projet a été de sensibiliser les agriculteurs européens sur la question des ampullaires et la manière d’éviter la propagation de ces nuisibles dans les principales zones européennes de production rizicole.» L’introduction de ces nouvelles variétés européennes de riz tolérantes au sel est susceptible d’entraîner l’éradication de l’ampullaire dans toute l’Europe grâce au traitement par l’eau de mer. Cela aura un impact positif environnemental et socioéconomique, évitant ainsi l’emploi de stratégies chimiques très polluantes et moins efficaces. Le savoir-faire obtenu dans le cadre de NEURICE sur la manière de produire ces nouvelles variétés de riz tolérantes au sel, la découverte de nouveaux gènes tolérants au sel et les nouvelles variétés elles-mêmes seront intégrés à l’industrie européenne du riz et au secteur rizicole. En y associant l’amélioration des pratiques de gestion, par exemple grâce à l’utilisation rationnelle de l’eau et à la mise en œuvre de systèmes de suivi de la salinité à distance, le projet fera progresser la riziculture de façon significative.
Mots‑clés
NEURICE, riz, salinité, traitement par l’eau de mer, escargot ampullaire, variation génétique, tolérance au sel, introgression