Intégrer les tourbières à la surveillance du cycle mondial du carbone
La prévision du changement climatique à venir repose sur les modèles qui simulent les interactions entre le système climatique mondial et les processus terrestres. La fiabilité de ces prévisions est tributaire des représentations basées sur les preuves des processus sous‑jacents. Les modèles du cycle du carbone cherchent à représenter les stocks et les flux majeurs du carbone. Les modèles internationaux actuels de végétation, utilisés pour estimer les flux du carbone, omettent souvent les tourbières, en laissant ainsi derrière eux un manque de connaissances sur l’un des plus grands stocks terrestres de carbone et sur ses échanges gazeux avec l’atmosphère. Le projet PEATmod, financé par l’UE, travaillant avec des modélisations avancées des processus, a mis au point une méthodologie pour évaluer les manques de connaissances qui devront être abordés avant que les tourbières ne puissent être intégrées aux modèles globaux de végétation. Ses résultats ont démontré que les tourbières sont trop diversifiées pour être modélisées de manière uniforme; les tourbières tropicales requièrent une approche différente de celle utilisée pour les systèmes boréaux nordiques.
Identifier les manques de connaissances
Les tourbières incarnent un composant essentiel du processus naturel des émissions de méthane, représentant approximativement 20 % des émissions dans le monde. Parvenir à une modélisation plus précise des cycles du carbone constitue l’un des axes de recherche clés identifiés par PEATmod. Cela donnera une meilleure compréhension du rôle joué par les températures dans les processus de décomposition des sols. La taille du réservoir de carbone des tourbières actuelles, avec la possible diminution de sa taille du fait de la hausse des températures, en fait un élément clé à améliorer dans les modèles. «La réponse des tourbières face aux changements climatiques dépend de leur localisation géographique et des conditions climatiques actuelles. PEATmod a cherché à enquêter spécifiquement sur les facteurs d’émission de méthane (tels que la température ou l’hydrologie). C’est particulièrement important dans les zones tropicales. Nous avons également étudié la façon dont la fonte du permafrost affectera les tourbières nordiques», explique Anne Quillet, boursière Marie Skłodowska-Curie. Un modèle conceptuel, basé sur l’avis d’experts scientifiques travaillant dans le monde entier, a été développé pour identifier les manques de données les plus importants. L’objectif était de créer une méthodologie collaborative pour combler ces lacunes. Il est devenu évident que les manques de données les plus importants concernaient la compréhension du changement hydrologique. Une quantité énorme de carbone peut être perdue au cours des sécheresses lorsque les tourbières s’assèchent en libérant du CO2 dans l’atmosphère. Les débordements de rivières, tel que cela a été le cas avec l’Amazone, peuvent fréquemment compromettre le stockage de carbone. Dans le cadre des températures élevées des systèmes tropicaux, les inondations saisonnières engendrent également des émissions de méthane plus importantes. Même si ces deux impacts sont également observés à des latitudes plus élevées, leur importance est amoindrie dans les tourbières boréales du fait d’une variabilité hydrologique plus faible, d’inondations moins régulières et moins étendues, et de températures moins élevées.
Intégrer le modèle de tourbière
Le travail de PEATmod apporte sa contribution aux approches actuellement développées et mises en place pour évaluer le stock de carbone dans les tourbières et les quantités libérées, qui, dans le cadre du protocole de Kyoto, doivent être calculés par chaque pays. Actuellement, le chercheur principal travaille avec des collaborateurs pour évaluer de manière plus approfondie l’impact qu’aura la mise en œuvre d’un nouveau modèle de tourbière sur les simulations de modèles mondiaux, avec la mise en œuvre d’un module de tourbière tropicale identifié comme la première étape critique. «Notre identification des facteurs critiques aidera à mettre au point la prochaine génération de modèles globaux de végétation pour obtenir de meilleures estimations des fonctions du carbone des tourbières dans l’atmosphère et des effets de la rétroaction climatique sur les tourbières», indique Mme Quillet. «Elle comporte également des implications pour les stratégies d’atténuation du climat sur les zones humides, l’agriculture, l’utilisation des sols et la gestion énergétique.» En effet, certains résultats de PEATmod ont déjà été adoptés par d’autres groupes de modélisation, et la méthode, l’approche et les résultats du projet seront publiés dans des revues scientifiques en accès libre.
Mots‑clés
PEATmod, cycle du carbone, tourbe, végétation, changement climatique, émissions, méthane, CO2, tropiques, permafrost, modèles, température