Découvrir les secrets de la vie dans les environnements marins les plus extrêmes
Même dans les environnements hostiles de l’Antarctique et de l’Arctique, la vie a trouvé un moyen de s’implanter. Les créatures marines ont évolué afin de survivre dans des eaux dont la température varie du point de congélation à ‑2º C, et dans des conditions où la nourriture est souvent difficile à trouver. Une forme d’adaptation génétique sous-jacente pourrait expliquer cet état de fait, et en savoir plus sur les adaptations moléculaires pourrait s’avérer utile pour de futures applications commerciales, comme, par exemple, la protection des véhicules contre le froid extrême. L’équipe du projet ADAPTOMICS, soutenue par le programme Marie Skłodowska-Curie, s’est donné pour mission de découvrir ces secrets naturels en étudiant les organismes présents aux deux pôles de la planète. «Notre objectif était de comprendre les adaptations moléculaires des éponges qui leur permettent de vivre dans des températures extrêmement froides, comme celles de l’Antarctique, en comparant les génomes et transcriptomes des espèces antarctiques à ceux de leurs homologues des régions tempérées et tropicales», explique la Dre Ana Riesgo rattachée au Musée d’histoire naturelle de Londres et coordinatrice du projet ADAPTOMICS. «Nous cherchions à savoir en particulier si les espèces indépendantes d’éponge présentaient les mêmes réactions au froid, ou si elles avaient développé des mécanismes complètement différents pour y faire face», explique le Dr Nathan Kenny, boursier du MSCA et chercheur principal du projet.
Récolter des spécimens
La Dre Riesgo est donc allée en Antarctique plonger dans des eaux aux températures inférieures à zéro degré pour collecter des éponges à des fins d’étude. «Cela s’est avéré très difficile en raison du froid extrême et de l’équipement très encombrant que nous devions porter, mais aussi extrêmement gratifiant, car ce que vous voyez sous l’eau là-bas, très peu de gens dans le monde l’ont déjà vu», s’enthousiasme la Dre Riesgo. Le Dr Kenny s’est quant à lui rendu jusqu’au cercle polaire arctique à bord d’un bateau pour prélever des échantillons d’eau profonde. Le plus gros enjeu du projet était d’avoir accès à des échantillons frais une fois de retour au pays. «Bien que nous ayons eu la chance d’avoir d’excellents collaborateurs au Chili qui conservaient les échantillons, il n’a pas été facile d’organiser leur transport intercontinental», souligne le Dr Kenny. De retour à Londres, l’équipe a appliqué de multiples techniques de séquençage analytique aux éponges résistantes. Elle est ainsi parvenue à séquencer les génomes de six espèces différentes, avant d’effectuer des analyses transcriptomiques (soit une lecture entre les lignées génétiques) et d’appliquer à l’ARN une technique connue sous le nom de hybridation in situ pour localiser certaines parties des données génétiques.
Plonger dans les données
Après de nombreuses analyses, les chercheurs ont découvert que dans certains spécimens, des gènes similaires s’étaient modifiés, un processus connu sous le nom «d’évolution convergente» qui veut que des organismes développent séparément le même caractère. Cependant, ils ont également observé de nombreux exemples d’adaptations uniques de l’éponge. «Le résultat le plus frappant est la normalité de la plupart des gènes qui ont changé. Bien qu’il eut été amusant d’identifier un gène de type “régie centrale” pour l’adaptation en Antarctique, ce que nous avons découvert à la place, c’est que les gènes qui étaient impliqués étaient les gènes “d’entretien ménager” qui jouent les rôles de base nécessaires à la survie», explique le Dr Kenny.
Perspectives d’avenir
«Nous aimerions souligner la grande opportunité offerte par le MSCA en nous permettant d’étudier le fonctionnement de la nature dans des environnements éloignés et extrêmes. C’était vraiment une expérience fondamentale», souligne la Dre Riesgo. Ce projet ouvre la voie à une analyse génomique comparative à grande échelle qui permettra de mieux comprendre les stratégies d’adaptation au froid chez d’autres animaux et en différents lieux de la planète. «Il reste encore beaucoup à apprendre sur l’Antarctique et les créatures étranges et merveilleuses qui y vivent», conclut la Dre Riesgo.
Mots‑clés
ADAPTOMICS, extrême, vie, Antarctique, Arctique, polaire, gènes, survivre, mécanisme