Un modèle pionnier de propagation des incendies qui conjugue rapidité et précision
Les incendies ont toujours fait l’objet de préoccupations majeures en matière de sécurité, et c’est encore le cas aujourd’hui en Europe. Bien que la tendance montre une nette réduction des occurrences en Europe, quelques dizaines de milliers de maisons ou d’immeubles prennent encore feu chaque année, provoquant en moyenne 4 000 morts et représentant plus de 100 milliards d’euros de coûts sur une base annuelle. Dans ce contexte, faute de pouvoir réaliser des expériences onéreuses et complexes, les ingénieurs en sécurité incendie doivent se contenter de modéliser le comportement des feux. Or, une telle modélisation est une véritable gageure d’un point de vue informatique. Le projet RAD-FIRE a entrepris, grâce au financement de l’UE et au soutien du programme Marie Curie, d’offrir aux ingénieurs des modèles précis et efficaces du comportement des feux. Cette innovation résout les problèmes auxquels étaient confrontées les formes de modélisation des feux auparavant. Pour établir un modèle de comportement d’un incendie, il faut recourir à un domaine de la modélisation informatique appelé mécanique des fluides numérique (MFN), qui permet de simuler une matrice d’ensemble en prenant en compte les interactions de nombreuses variables complexes. Un des éléments clés dans le cas des feux, c’est le rayonnement thermique, c’est-à-dire la chaleur qui se propage directement depuis sa source plutôt que de suivre la conduction ou les courants aériens. Les défis de la modélisation «La modélisation des rayonnements thermiques en code MFN pour la simulation des incendies a toujours constitué un véritable défi pour les spécialistes de la modélisation et les scientifiques en matière d’incendie», explique Siaka Dembele, coordinateur du projet et professeur agrégé. «Des modèles simples qui estiment la fraction du rayonnement de la chaleur sont relativement faciles à réaliser sur un ordinateur, mais, comme ils sont simplifiés, les résultats qu’ils fournissent restent peu précis.» Les prédictions reposant sur ces modèles basiques ne sont donc pas très fiables. Inversement, les techniques informatiques intégrant le modèle des ordonnées discrètes ou la méthode des volumes finis, bien que plus avancées et plus précises, sont également extrêmement exigeantes en matière de capacité informatique. Ces méthodes requièrent des temps de calcul longs donc très onéreux, voire impraticables pour des ingénieurs qui doivent exécuter rapidement plusieurs simulations. Simple mais précis «Ce qui manque au code MFN actuel pour la sécurité incendie», ajoute le professeur Dembele, «c’est une solution intermédiaire crédible». Or, c’est exactement ce qu’a trouvé le projet RAD-FIRE. «Notre nouveau modèle conserve la rigueur et la précision des techniques avancées, tout en permettant de réduire le temps de calcul.» Ce qui en fait une solution pratique pour les ingénieurs, à la fois fiable et suffisamment précise. Une des clés de cette évolution, c’est le calcul des propriétés radiatives des gaz de combustion (principalement la vapeur d’eau, le dioxyde de carbone et le monoxyde de carbone). L’énergie dégagée par la chaleur est avant tout transférée en tant que rayonnement infrarouge; comme le fait la lumière, les ondes infrarouges arrivent à des longueurs d’ondes multiples, on peut comparer le phénomène aux couleurs dans le spectre visible qui se diffractent et forment un arc-en-ciel. Les gaz chauds émettent de l’énergie en raies d’émission et ils absorbent de l’énergie en raies d’absorption. La combustion peut ainsi produire des milliers de raies spectrales d’émission et d’absorption. Les approches actuelles les plus avancées en matière de rayonnements gazeux modélisent chaque raie séparément, ce qui explique le long temps de calcul nécessaire. Les chercheurs de RAD-FIRE ont simplifié les calculs de spectre en les effectuant sur quelques larges bandes de raies similaires plutôt que sur des milliers de raies distinctes. Le deuxième élément de cette modélisation améliorée repose sur la simplification des calculs clés. L’équipe a mis au point une méthode qui intègre deux approximations pour calculer le transfert de chaleur par rayonnement provoqué par un feu, réduisant les résultats des calculs à un algorithme beaucoup plus simple que celui utilisé dans les méthodes précédentes. Les chercheurs ont estimé qu’il était suffisant pour déterminer les caractéristiques des flammes. Les nouveaux modèles de RAD-FIRE réduisent ainsi drastiquement le temps de calcul, jusqu’à 100 fois dans certains cas. Toutefois, la précision de cette nouvelle méthode reste comparable à celle de l’ancienne. Découragés par le temps de calcul et le coût considérables des méthodes actuelles de simulation des incendies, les ingénieurs avaient renoncé à y recourir. Désormais, grâce au nouvel algorithme de compromis mis au point par RAD-FIRE, les ingénieurs seront en mesure de modéliser les feux de manière précise et économique, ce qui permettra de disposer de prédictions plus fiables et donc de mieux sécuriser les bâtiments.
Mots‑clés
RAD-FIRE, feux, modélisation, MFN, sécurité incendie, rayonnement thermique, combustion, ingénierie, mécanique des fluides numérique, transfert de chaleur