De nouveaux câbles électrodynamiques fins mais plus solides que la pierre
La désorbitation et la rentrée de satellites sont essentielles pour freiner l'augmentation des débris spatiaux en orbite. Le projet BETS, qui s'achève à la fin de ce mois, fait parler de lui grâce à une nouvelle solution de câbles plus rapides et plus résistants comparés aux technologies existantes. Une orbite basse dégagée et propre devrait être l'objectif pour assurer la sécurité des biens spatiaux. Mais pour y arriver, les parties prenantes doivent encore répondre à trois questions: comment arrêter l'accumulation de déchets dans l'espace, comment se débarrasser des débris existants et, une fois tout cela effectué, comment maintenir l'espace propre. L'élimination de débris après mission (PMD, pour Post-mission disposal), qui vise à transférer les biens spatiaux à une orbite de rebut ou les rentrer dans l'atmosphère en fin de cycle, jouera un rôle majeur pour répondre à la première et à la troisième question. Bien que les experts supposent que la PMD à elle seule n'empêchera pas la population de débris de croître de façon incontrôlée, le syndrome de Kessler établit que chaque collision génère un amas de fragments de débris, ce qui enclenche une réaction en chaîne, elle empêchera sûrement que les choses n'empirent. Mais prouver son efficacité créera également une dynamique pour l'élimination active des débris (ADR, pour active debris removal) en persuadant les sociétés et les gouvernements qu'ils n'investissent pas dans une cause perdue. Autrefois limitées aux fusées, les technologies de désorbitation et de rentrée ont effectué un pas de géant avec l'introduction du concept de câbles électrodynamiques nus en 1992. Mais jusqu'à présent, ces longs câbles conducteurs qui relient les satellites étaient, jusqu'à aujourd'hui, très vulnérables aux nombreux petits débris spatiaux. Le projet BETS (Bare Electrodynamic Tethers) semblerait avoir trouvé la solution à ce problème: en remplaçant les câbles traditionnels par une bande, ils ont observé que la probabilité que le câble soit endommagé par des débris lors de la désorbitation différait de nombreux ordres de grandeur; en d'autres mots, cette solution permet de réduire les risques. Prof. Juan Sanmartin, qui a coordonné le projet, a partagé comment les résultats de l'équipe permettent de développer des systèmes de câbles de désorbitation plus efficaces, plus rapides et plus résistants par rapport aux autres technologies existantes. Quels sont les principaux objectifs du projet? Prof. Juan Sanmartin: Le projet BETS s'est concentré sur un objectif unique bien qu'ambitieux: prouver qu'un système de câble de désorbitation d'une complexité minimale surpasse tous les autres systèmes, qu'il s'agisse de systèmes propulsifs (chimiques, électriques) ou juste de systèmes de freinage renforcés par le déploiement de voile. Nous voulons démontrer que notre solution possède le rapport de masse système-à-satellite le plus faible et permet une désorbitation plus rapide grâce à une meilleure manoeuvrabilité. Notre système possède également un niveau élevé de fiabilité ainsi qu'une capacité de résistance aux débris spatiaux pendant son fonctionnement. Le projet devait développer son concept jusqu'au niveau de maturité technologique 4-5, autrement dit, la validation en laboratoire et dans un environnement significatif. Comment fonctionne exactement un câble spatial? Un câble spatial est un fil conducteur fin et long de plusieurs kilomètres reliant un satellite à une masse opposée. Le champ du câble est en mouvement par rapport au plasma co-rotatif et au champ magnétique terrestre. Ainsi, le plasma environnant fortement conducteur, qui est équipotentiel dans son propre champs induit, dans le câble, un champ électrique en mouvement d'un ordre de 100 V/km, résultant de la vélocité (quasi) arbitraire et du champ géomagnétique. Cela permet aux dispositifs de contacteur plasma de collecter des électrons à charge positive (anode) à une extrémité et des électrons de sortie à l'autre extrémité, établissant ainsi un courant le long du câble standard, totalement isolé. L'application de la force de Lorentz sur le courant induite produit une dérive orbitale du satellite. Quelle sorte de progrès technologiques le projet BETS apporte-t-il? Le concept du câble a éliminé les problèmes d'isolation et permet de capter des électrons au niveau du segment anodique, ce qui renforce la capacité à générer du courant. Il y a dix ans, la technologie des câbles était confrontée à trois difficultés principales. L'une était la question de rentrée qui a été résolue par Design for Demise des années avant le projet BETS. Une autre difficulté était la probabilité connue de faible survie des câbles en cas de collisions avec de petits débris; ce qui a augmenté le concept complexe de «bande» multifilaire, ou «fausse bande», composée de fils ronds fins interconnectés pour résister aux impacts de débris. Ce concept a également émergé avant le lancement de BETS et a en quelque sorte été accepté comme la solution au problème de résistance des câbles. Nous amenons sur le devant de la scène la preuve selon laquelle une simple câble peut s'opposer à l'impact de façon beaucoup plus efficace qu'un câble rond et nu, en raison d'une désorbitation plus rapide et de la nature disparate de la largeur et de l'épaisseur. Ces éléments, associés à la découverte que les câbles se désorbitent beaucoup plus rapidement que la «fausse bande», représente un résultat fondamental de la technologie des câbles. Une troisième difficulté était la durée souvent longue de désorbitation nécessaire aux orbites d'inclination élevée. Ce point a été en partie compensé par des calculs détaillés au titre d'un modèle détaillé du champ géomagnétique. Le projet BETS a montré que le couplage d'oscillations externes et internes au plan d'orbite aidait à la désorbitation en maintenant le câble modérément loin du plan orbital. Vous avez dit que cette technologie était beaucoup plus efficace. Comment pouvez-vous nous l'expliqier? Les câbles utilisent un mécanisme de dissipation assez différent de la résistance à l'air et peuvent désorbiter en quelques mois à peine; par ailleurs, les câbles de bande sont beaucoup plus légers que les câbles ronds de mêmes longueur et périmètre, pour le captage d'un courant égal. Les trois dimensions disparates des bandes permettent facilement une conception extensive pour une application dans les missions arbitraires. Pouvoir éteindre ou allumer le contacteur cathodique permet de manipuler l'ensemble pour éviter des collisions catastrophiques avec de gros débris. La force de freinage de Lorentz est aussi fiable que la résistance à l'air. Les câbles restent efficaces, même à des inclinaisons orbitales élevées, comme nous l'avons déjà dit plus haut. Quelles sont les prochaines étapes du projet, et les plans de suivi une fois le projet terminé? Nous avons plusieurs opportunités devant nous. Notamment, le fait qu'Horizon 2020 comprenne un thème pour la démonstration en orbite de la désorbitation d'un satellite à la fin de sa vie opérationnelle. M. Gómez Molinero, directeur technique d'Airbus Defence & Space Spain, avait manifesté son intérêt pour les câbles électrodynamiques lors de la 6e conférence européenne sur les débris spatiaux à ESOC/ESA (2012). Suite aux nombreux contacts et rencontres entre BETS-UPM et M. Gómez, M. Gomez a été invité à faire une présentation sur une collaboration possible lors du prochain appel H2020. Airbus serait intéressé par l'utilisation de câbles électrodynamiques nus pour la désorbitation des systèmes de distributeurs de charge utile dans les lanceurs Arianespace VEGA ou Soyuz-Fregat, des distributeurs dont il est le constructeur. Pour cette fin, il a contacté Arianespace, et un de ses collaborateurs à Airbus a entamé la conception préliminaire d'une telle mission de démonstration sous la supervision de l'UPM. Une rencontre avec Arianespace est prévue pour ce printemps. Êtes-vous satisfait des résultats de votre recherche? Tout à fait. Un résultat important de BETS était la détermination des critères de conception pour la taille des trois dimensions disparates d'un câble en bande, affectant la masse, les effets ohmiques, le régime de collecte actuelle, le champ auto-magnétique et la survie contre les débris dans l'espace dans des conditions environnantes diverses et au fur et à mesure où le câble perd de l'altitude. Le code complet, spécifique et détaillé appelé BETsMA a désormais le statut de modèle déposé. D'autres résultats importants sont la fabrication innovante, ainsi que la mise à essai au sol du matériel basique de câbles: Plasma Contactor (université de l'état de Colorado), Power Control Module (emxys, une petite entreprise), Deployment Mechanism (DLR - Brême), et une bande structurée en long et en large (Fundación Tecnalia). D'autre part, la recherche fondamentale à l'Universitá di Padova et à l'ONERA-Toulouse a amélioré les connaissances actuelles de la physique de base étayant la technologie des câbles. Des gouvernements ont-ils montré un intérêt pour le déploiement de la technologie jusqu'à présent? En effet, il y a un impact potentiel à un niveau politique, international. Le nombre de pays ayant un accès direct à l'espace augmente, aussi l'approche actuelle au problème de débris est non seulement européenne ou nationale, mais complètement internationale. Afin de garantir la mise en application efficace de la désorbitation de nouveaux satellites en fin de vie, un consensus international est nécessaire, sous la gouvernance spatiale des Nations Unies. Le projet pourrait certainement mener à l'exploitation d'une technologie de pointe par des entreprises en Europe. À terme, toutefois, cette exploitation pourrait avoir un succès politique comparable à son succès commercial.Pour plus d'informations, consulter: BETS http://www.modtrain.com/ Fiche d'information du projet
Pays
Espagne