Des mesures fiables du souffle des dauphins sauvages
Les techniques actuelles d’estimation de la consommation d’énergie des dauphins en liberté surestiment les valeurs mesurées de plus de 200 %. De plus, elles intègrent la dépense énergétique sur des échelles de temps trop longues, ce qui rend difficile la détection de réponses à des événements ou conditions spécifiques. Cela a d’énormes conséquences sur la manière dont les scientifiques évaluent les besoins en énergie des cétacés et sur leur compréhension des réactions aux facteurs de stress comme les sons d’origine humaine. Le projet RATE, financé par l’UE, a produit les premières estimations fiables des dépenses énergétiques chez les cétacés en captivité et en liberté en appliquant des techniques de médecine humaine pour obtenir des données à partir des sons produits par la respiration. Cette recherche a été entreprise avec le soutien du programme Actions de l’institut Marie Skłodowska-Curie. Une fonction pulmonaire testée en natation Dans les environnements de type laboratoire, les chercheurs peuvent mesurer différents paramètres du système respiratoire, mais mesurer le volume de la respiration est difficile voire impossible chez les animaux en liberté. «Nous voulions développer une technique pour estimer la quantité d’air échangée par les dauphins sauvages lorsqu’ils nagent librement», explique la Dre Julie van der Hoop, chercheuse titulaire d’une bourse Marie Curie. Le projet a cherché à établir un lien entre les mesures du débit et du volume respiratoires mesurés et les sons enregistrés pour estimer le volume respiratoire des dauphins sauvages nageant dans leur environnement naturel. «Cette méthode estime le volume à 18 % près par rapport aux valeurs mesurées. En comparaison, on obtient une validité de 15 % pour les humains», explique la Dre van der Hoop. Les chercheurs ont combiné deux technologies de pointe. La première est un débitmètre connu sous le nom de pneumotachomètre, habituellement utilisé pour tester la fonction pulmonaire humaine. Un défi précédent a consisté à l’adapter aux dauphins, qui peuvent expirer 14 fois plus vite que les humains. La deuxième technologie a eu recours à des balises de bio-logging spécialisées, enregistrant le son et les mouvements, qui se fixent aux dauphins juste derrière l’évent, avec des ventouses. Le projet a permis d’obtenir simultanément des mesures respiratoires et des enregistrements acoustiques de chaque mouvement respiratoire en plaçant un pneumotachomètre sur mesure sur l’évent de grands dauphins pour enregistrer les débits respiratoires et les gaz. Les balises numériques d’enregistrement acoustique (DTAG) enregistraient les sons d’expiration et d’inhalation. Un résultat inattendu Les scientifiques ont étalonné les débits respiratoires à partir des bruits de souffle enregistrés chez les dauphins et les ont appliqués aux dauphins sauvages nageant librement en utilisant les DTAG. Cette approche a fourni des estimations fiables du débit d’air et de la consommation d’énergie, et les chercheurs ont évalué les changements dans les conditions respiratoires en réponse à des événements et à des comportements spécifiques. «Nous avons surmonté les limites existantes en matière de mesure de la physiologie respiratoire chez les animaux nageant librement et avons amélioré la résolution des estimations du taux de métabolisme en milieu naturel de quelques jours à quelques secondes. Il s’agit d’une véritable révolution dans la façon dont on mesure le métabolisme énergétique chez les mammifères marins en liberté», explique la Dre van der Hoop. Les résultats ont révélé que le volume respiratoire varie en fonction de l’activité ainsi qu’au cours du temps et que le volume n’est, en moyenne, pas aussi élevé que ce que l’on avait estimé auparavant. «Ces résultats auront des répercussions majeures sur l’estimation du métabolisme énergétique des cétacés sauvages et sur l’évaluation du coût des perturbations anthropiques et du risque que cela entraîne pour les baleines de développer des pathologies liés à la décompression», commente le professeur Madsen, coordinateur du projet. RATE montre également le long chemin qu’a parcouru la science depuis la chasse à la baleine. «Nous pouvons maintenant mesurer les paramètres physiologiques critiques de ces animaux sauvages de manière non invasive. Nous n’avons plus besoin de tuer des baleines pour les étudier», conclut le professeur Madsen.
Mots‑clés
RATE, dauphins, énergie, cétacé, balises numériques d’enregistrement acoustique (DTAG), dépense énergétique, pneumotachomètre, bio-logging