Des scientifiques financés par l'UE produisent un nouvel état de la matière en physique quantique
En Autriche, des chercheurs financés par l'UE et étudiant des atomes ultra-froids ont généré un nouvel état exotique de la matière, où les atomes s'alignent en une structure unidimensionnelle, créant une phase stable «à N-corps» avec de nouveaux états quantiques. Publiés dans la revue Science, ces résultats marquent le début d'une nouvelle ère de l'étude de la physique quantique. Cette avancée résulte du projet NAME-QUAM («Nanodesigning of atomic and molecular quantum matter»), qui a reçu un financement de 2 millions d'euros au titre du thème «Technologies de l'information et de la communication» du septième programme-cadre (7e PC). Les partenaires du projet NAME-QUAM ont étudié la matière quantique à l'échelle moléculaire ou atomique dans le but de découvrir de nouvelles pistes et d'autres approches vers un traitement évolutif et miniaturisable des informations quantiques. Dans le domaine très spécialisé de la «physique quantique à N-corps», les scientifiques ont observé une amplification considérable des effets des fluctuations quantiques lorsque les interactions entre les particules sont fortes et que la géométrie du système est simple. C'est le cas bien connu des points quantiques (de dimension nulle) et des fils quantiques (à une dimension). Il est cependant difficile de réaliser expérimentalement une phase d'états excités à longue durée de vie, car le système se dégrade rapidement, en partie à cause du «couplage» avec l'environnement. Dans cette récente étude, l'équipe conduite par Hanns-Christoph Naegerl de l'université d'Innsbruck, en Autriche, a déterminé l'avantage d'utiliser des atomes ultra-froids pour réaliser une phase à plusieurs corps excités et en interaction forte, sur une longue période. En effet, les atomes refroidis peuvent aisément être découplés de l'environnement et leurs interactions sont «ajustables». «Les gaz quantiques ultra-froids présentent un grand avantage: ils peuvent être relativement bien isolés de l'environnement», déclare le Dr Naegerl. Parmi les particules, les bosons se caractérisent par le fait qu'un même état quantique peut être occupé par un nombre quelconque de bosons; autrement dit, des bosons de même énergie peuvent se regrouper au même endroit dans l'espace. Parmi les bosons que l'on a pu observer, citons les photons (vecteurs de l'interaction électromagnétique) et les gluons (vecteurs de l'interaction forte). Les chercheurs ont produit un gaz quantique de bosons (des atomes de césium) dans une chambre à vide. À l'aide de deux faisceaux laser, ils ont ensuite généré un réseau optique qui a confiné les atomes dans des structures verticales à une dimension, avec un maximum de 15 atomes alignés par «tube». Les faisceaux laser empêchaient les atomes de sortir des rangs ou d'échanger leurs places. Les scientifiques ont ensuite utilisé un champ magnétique pour régler l'interaction entre les atomes. «Lorsque l'on augmente l'énergie d'interaction entre les atomes (l'interaction d'attraction), ils commencent à se rapprocher et la structure se désorganise rapidement», explique le Dr Naegerl. C'est ce que les experts appellent «l'effet Bosenova». En réduisant l'énergie d'interaction, les atomes se repoussent, s'alignent régulièrement le long d'une structure unidimensionnelle, et le système est stable. En basculant rapidement les interactions depuis une répulsion forte vers une attraction forte, les scientifiques ont observé un phénomène surprenant. «Nous sommes arrivés à une phase exotique de type gazeux, où les atomes sont excités et corrélés mais ne se rapprochent pas, et donc l'effet 'Bosenova' est absent», ajoute le Dr Naegerl. Selon Elmar Haller de l'université d'Innsbruck, premier auteur de l'article, on avait prédit cette phase il y a quatre ans. «Pour la première fois, nous avons pu la réaliser expérimentalement.» Cette configuration expérimentale sera reprise par de futures études des propriétés des fils quantiques, qui jusqu'ici ont été très difficiles à observer. D'autres études de structures à petit nombre de dimensions pourraient apporter des informations sur le fonctionnement des supraconducteurs à haute température. L'étude a récemment reçu un soutien de la part du programme EuroQUASAR («Funding initiative for multidisciplinary research in the field of quantum standards and metrology») de la Fondation européenne de la science, au titre du projet de recherche collective «Quantum-degenerate gases for precision measurements». L'un des chercheurs a également bénéficié d'une bourse internationale entrante Marie Curie du 7e PC.
Pays
Autriche