Des hormones sont la clé de l'énigme du colza
Une récente étude révèle que des hormones sont au coeur d'un problème qui causerait la perte de 10 à 25% des graines de colza avant la récolte. Une équipe internationale de scientifiques décrit dans la dernière édition de la revue Nature la solution au problème de l'éclatement des gousses de colza (pod shatter). Les petites graines de colza sont, comme on le sait, riches en huile que l'on utilise pour la cuisine ainsi que dans la production de margarine et de biodiesel. En outre, le tourteau, résidu obtenu suite à l'extraction de l'huile, peut être utilisé pour l'alimentation animale. Néanmoins, les agriculteurs et scientifiques doivent encore parvenir à maîtriser le mécanisme de déhiscence prématurée des graines de colza. Ce mécanisme conduit à l'éclatement de nombreuses gousses, qui libèrent les graines avant la récolte. Et dans les pires des cas, jusqu'à 70% des graines sont perdues. En outre, ces graines peuvent pousser et perturber la culture suivante dans le cycle de rotation. Une récolte précoce n'est pas une solution viable en raison de la présence des graines immatures de qualité moindre. Dans cette dernière étude, les chercheurs ont examiné le système de dissémination des graines d'Arabidopsis thaliana, une plante largement utilisée par les scientifiques et très proche du colza. Ils ont concentré leurs recherches sur l'étroite bande de cellules le long de laquelle s'ouvre la gousse. Chez les plantes, le développement de nombreuses structures est déclenché par une concentration élevée de phytohormones telles que l'auxine. Dans le cas présent, c'est au contraire l'absence d'auxine qui stimule la formation de la zone de déhiscence. Il est intéressant de noter que c'est la première fois que l'absence d'une hormone joue un rôle dans le développement d'une structure ou d'un organe chez une plante ou un animal. Les chercheurs font l'hypothèse que, dans le cas d'une structure épaisse d'à peine quelques cellules, il est plus simple de transporter l'auxine hors des cellules que de fabriquer et de maintenir une concentration élevée d'auxine dans ces cellules. «À notre connaissance, c'est la première fois que l'on observe un minimum régulé pour une molécule de signalisation, chez les plantes comme les animaux. C'est un concept nouveau en biologie hormonale générale», expliquent les chercheurs. Ils ont également identifié plusieurs gènes impliqués dans le transport de l'auxine hors de la zone de déhiscence à une étape précise du développement de la plante. De plus, en insérant de l'auxine dans la zone de déhiscence, les chercheurs sont parvenus à empêcher l'éclatement prématuré de la gousse. «En produisant artificiellement une hormone dans une région donnée du fruit, nous sommes parvenus à empêcher son ouverture sur le modèle Arabidopsis, permettant de conserver les graines dans leur gousse», explique le Dr Lars Ostergaard du Centre John Innes au Royaume-Uni. «Il nous faut encore améliorer ce processus pour que son utilisation dans l'agriculture réduise la perte de graines [tout en] facilitant leur récolte.»