Des gènes verts pour mieux comprendre le changement climatique
Une équipe internationale de chercheurs a décodé le génome de deux souches d'algues qui vivent dans des zones océaniques très différentes et a ainsi découvert de nouvelles informations sur les gènes qui leur permettent de capturer le gaz carbonique. Publiés par la revue Science, ces résultats mettent en lumière d'anciens processus cellulaires ayant des implications relatives à l'étude du changement climatique et au développement des biocarburants à partir d'algues. Les algues marines du genre Micromonas font environ le cinquantième du diamètre d'un cheveu, et prospèrent aussi bien dans les eaux tropicales que polaires. Elles absorbent le CO2, l'eau et des nutriments, et utilisent l'énergie solaire pour produire des hydrates de carbone et libérer de l'oxygène dans l'océan. Ces algues représentent une source importante d'aliments et un puits de carbone, et font donc l'objet de nombreuses études. Pour cette étude, les chercheurs se sont intéressés à deux types de Micromonas, l'un venant du Pacifique Sud et l'autre de la Manche. L'analyse génétique a identifié environ 10000 gènes pour chaque type et révélé que ces deux souches ont considérablement divergé au cours de leur évolution. «Nous avons été surpris de constater une diversité bien plus importante que celle que nous attendions», déclare l'auteur principal Alexandra Worden de l'institut de recherche de l'aquarium de Monterey aux États-Unis. «Ces deux picoeucaryotes [le groupe auquel appartient Micromonas], souvent vues comme la même espèce, n'ont en commun qu'environ 90% de leurs gènes.» Une différence de 10% peut sembler bien faible, mais il faut se rappeler que le patrimoine génétique des hommes et de certains primates est similaire à 98%. La présence de gènes différents chez ces deux souches de Micromonas peut entraîner une réponse différente face à l'environnement, déclare le Dr Worden. «Dans un contexte de changement climatique, cela peut également se traduire par un effet différent sur ces populations différentes, et nous ne savons pas si elles réagiront d'une façon similaire». Associées à des données génétiques résultant d'études précédentes, ces nouvelles informations sur le code génétique d'algues photosynthétiques renseigneront également sur la façon dont la photosynthèse a transformé la Terre en une biosphère éminemment propice à la vie. «Les génomes de Micromonas codent pour des caractéristiques qui semblent aujourd'hui avoir été courantes chez les algues ancestrales qui ont lancé l'évolution (longue d'un milliard d'années) vers le 'virage vert' de notre planète, c'est-à-dire l'avènement des plantes terrestres», souligne le Dr Worden.» Les picoeucaryotes sont extrêmement productifs et sont soumis à une intense pression de pâture. Ils jouent un rôle important dans le processus de séquestration du gaz carbonique, en tant qu'élément de la «pompe biologique», la série d'événements par lesquels les algues absorbent le CO2 provenant de l'atmosphère et le transportent jusqu'aux fonds océaniques. Les chercheurs estiment que la comparaison de ces nouvelles connaissances avec des informations génétiques concernant d'autres algues et plantes pourrait nous renseigner sur la nature dynamique de l'évolution. Ceci pourrait également conduire à mieux comprendre la fonction complexe des populations de phytoplancton en général. Le Dr Worden fait l'hypothèse que la capacité des algues à s'adapter à une large gamme d'environnements pourrait les avoir rendues bien plus résistantes que d'autres espèces. Elles pourraient ainsi mieux résister aux changements environnementaux que des algues qui ne vivent que dans une région restreinte. Les chercheurs considèrent que l'exploration de cette hypothèse pourrait faciliter grandement la compréhension de la biologie et de l'écologie de ces importants organismes. «En comprenant quels sont les gènes qu'utilise une souche spécifique dans certaines conditions, nous appréhenderons les facteurs qui influencent la réussite d'un groupe plutôt que d'un autre», conclut le Dr Worden. «Nous pourrons alors concevoir des modèles capables de mieux prévoir une gamme de scénarios futurs possibles résultant de l'évolution actuelle du climat.» L'étude a été menée par des chercheurs en Belgique, en Allemagne, en France, aux Pays-Bas, en Norvège, en Australie et aux États-Unis.
Pays
France, États-Unis