Des scientifiques isolent les microbes dévoreurs de méthane océanique
Des chercheurs allemands et américains ont mis au point une technique moléculaire destinée à capturer les microorganismes responsables de l'absorption de 80% des émissions de méthane (CH4) océanique. L'équipe a déjà isolé les gènes de microorganismes impliqués dans l'absorption de gaz. Le monde sous-marin regorge de millions d'autres microorganismes qui jouent un rôle important pour le monde visible. Ces derniers représentent plus de 90% de la biomasse terrestre. Depuis 1999, les chercheurs se sont intéressés à un groupe de microorganismes qui a la capacité d'absorber jusqu'à 80% du méthane qu'émettent les courants froids sous-marins. Le méthane, un gaz à effet de serre, a la capacité de retenir jusqu'à 20 fois plus de chaleur dans l'atmosphère que le dioxyde de carbone (CO2). Les chercheurs ont beaucoup de mal à comprendre et à étudier ces microbes dévoreurs de méthane ainsi que d'autres microorganismes marins étant donné leur petite taille. La culture et l'étude d'une majorité de microorganismes en laboratoire ne sont pas possibles. «99% des organismes vivants dans les fonds marins ne peuvent être cultivés in vitro, et il en va de même pour les microbes ayant la propriété d'oxyder le méthane», explique Victoria Orphan, professeur assistant de géobiologie à l'institut de technologie de Californie (Caltech), aux États-Unis, qui a participé à l'étude. Cependant, les progrès récents en matière de technique moléculaire ont permis aux chercheurs d'étudier ces organismes dans leur milieu naturel. Par exemple, l'analyse métagénomique est une technique qui permet de séquencer en bloc le matériel génétique des microorganismes récoltés. Elle offre donc une quantité importante de renseignements sur les microorganismes. «Grâce à des études sur l'ARN ribosomal, nous savons qu'il existe une importante diversité microbienne dans la nature; cependant, nous ignorons encore les actions spécifiques de la majeure partie de ces microbes», commente Mme Orphan. «Il nous fallait mettre au point une méthode nous permettant d'extraire des organismes spécifiques de leur environnement complexe.» La méthode conçue par l'équipe du Caltech et les chercheurs du Centre de recherche environnementale de Leipzig (Allemagne) consiste à attacher de petites perles en fer aux microorganismes et à les sortir des sédiments marins au moyen d'un aimant. Les chercheurs ont découvert que la bactérie la plus «friande» de méthane est l'espèce Archaea, un microorganisme dont la composition moléculaire diffère de celles des bactéries. Grâce à cette technique, les chercheurs ont également découvert une diversité insoupçonnée parmi les partenaires bactériens qui accompagnent les Archaea, lesquels se nourrissent des produits métaboliques de chacun. Au cours de leurs expériences, les chercheurs ont pu isoler les gènes impliqués dans l'oxydation anaérobique du méthane (AOM, pour Anaerobic Oxydation of Methane), le processus principal responsable de l'élimination du méthane océanique. Ils ont également découvert que ces organismes possèdent des gènes favorisant la fixation de l'azote, un processus qui transforme l'azote en composants nourrissants tels que l'ammoniac. «La découverte de ces gènes dans les cellules récoltées a été une grande surprise», commente Anne Dekas, une géobiologiste diplômée de Caltech. «Nous pensions que ces organismes étaient relativement dépourvus d'énergie; cependant, la fixation de l'azote est un processus qui nécessite beaucoup d'énergie.» Leurs travaux sont publiés dans l'édition actuelle de la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS).
Pays
Allemagne