L'intelligence artificielle gère la transmission de données depuis les sondes spatiales
1956: les scientifiques conçoivent et développent des programmes révolutionnaires dans le domaine de l'intelligence artificielle (IA). 2008: l'intelligence artificielle participe à l'amélioration de la transmission des données depuis la sonde Mars Express. Depuis ses débuts, l'intelligence artificielle a proposé des solutions très intéressantes à des problèmes complexes. Sa participation dans le domaine des missions spatiales apporte des avantages à l'Europe comme au reste du monde. La sonde Mars Express de l'Agence Spatiale Européenne (ESA) constitue la première mission planétaire de l'Europe. Lancée en 2003, la mission se composait d'un orbiteur, équipé de sept instruments pour l'observation à distance de la planète, et d'un atterrisseur nommé Beagle 2, destiné à analyser sur site les roches et le sol martien. L'atterrisseur n'a pas survécu à son arrivée sur Mars; quant à l'orbiteur, il étudie avec succès depuis 2004 la surface, le sous-sol et l'atmosphère de la planète. Le but principal de la mission est la recherche de l'eau sous toutes ses formes, partout sur la planète, grâce aux sept instruments et à différentes techniques. Ces observations peuvent générer de grandes quantités de données scientifiques, la difficulté étant d'envoyer ces informations sur Terre, au bon moment et dans le bon ordre. L'échec de cette procédure entraîne la perte irrémédiable de paquets de données, car les nouvelles données écrasent les anciennes, la mémoire embarquée étant limitée. En règle générale, la méthode d'envoi des données s'appuie sur un programme de planification, piloté par l'homme, pour produire les séquences de commandes envoyées à Mars Express. La sonde est ainsi informée du moment où elle doit envoyer un paquet donné. «Cette méthode est pénible et longue, et n'a jamais réellement éliminé les pertes, occasionnelles mais définitives, de données de valeur», explique Alessandro Donati, responsable des technologies de contrôle des missions au Centre européen d'opérations spatiales (ESOC) de l'ESA, à Darmstadt (Allemagne). En raison des nombreuses variables qui évoluent sans cesse, par exemple la disponibilité des stations au sol, l'orientation de la sonde et la quantité de données générée par chaque instrument à bord, le processus d'envoi peut rencontrer des problèmes de planification, explique M. Donati. Il faut donc optimiser rapidement les variables, «à peine quelques heures avant le passage de la station au sol». Toutes ces contraintes ont conduit les chercheurs de l'Institut des sciences et technologies cognitives (ISTC-CNR) en Italie, les planificateurs de la mission et les informaticiens de l'ESOC à appliquer des méthodes d'IA au processus d'envoi des données. Les compagnies aériennes et de navigation utilisent des méthodes similaires pour gérer leur planning. Le travail de l'équipe s'est concrétisé avec l'outil MEXAR2 (Mars Express AI Tool). «Grâce à MEXAR2, les pertes de paquets de données ont été largement éliminées», déclare Fred Jansen, directeur de la mission Mars Express à l'ESA. MEXAR2 évalue les variables qui influent sur le processus d'envoi des données, puis prévoit «intelligemment» les paquets de données qui risquent d'être perdus par suite de conflits pour l'utilisation de la mémoire. MEXAR2 optimise alors la planification de l'envoi des données et génère les commandes qui lanceront le processus. MEXAR2 a été testé et validé avec succès, et l'outil est déjà utilisé par le système de planification de la mission Mars Express. On estime qu'il a réduit de 50% la charge de travail de l'équipe de planification. En outre, étant donné que l'outil optimise l'usage de la bande passante, nous avons pu allouer à d'autres missions davantage de temps des stations de réception au sol», souligne Michel Denis, responsable des opérations de la sonde Mars Express à l'ESOC. «Le développement de MEXAR2 a été facilité par la souplesse de l'intelligence artificielle, capable de gérer de nombreuses contraintes qui, dans le cas contraire, auraient demandé des modifications spécifiques du logiciel, toujours coûteuses», ajoute Nicola Policella, chargée de recherche à l'ESOC Les mérites de MEXAR 2 ont été largement reconnus. Outre la distinction de «meilleure application» lors de l'ICAPS 2007, le grand forum de méthodes de planification en IA, MEXAR2 a reçu des critiques enthousiastes en tant que l'un des trois logiciels d'intelligence artificielle actuellement utilisés pour les missions spatiales. «MEXAR2 ouvre la voie à l'intelligence artificielle dans le contrôle des vaisseaux spatiaux», affirme le Dr Ari Kristinn Jonsson, doyen de la Faculté d'informatique de l'université de Reykjavik en Islande, précédemment chercheur au centre Ames Research de la NASA.